Chronique

A l’instar des frères Lionel et Stéphane Belmondo, Tom Bourgeois s’est laissé envoûté par la musique de Lili Boulanger, compositrice précoce au destin aussi tragique que fulgurant – née en 1893, elle est emportée par la maladie à l’âge de 24 ans - dont l’œuvre, influencée par les vicissitudes de sa condition physique, est souvent présentée comme sombre. Mais plutôt que de rejouer rigoureusement la musique de Lili, Tom Bourgeois en donne une version personnelle, empruntant le lyrisme, la luminosité et la gravité des compositions écrites pour les interpréter à sa manière, c’est-à-dire librement en incluant des bribes de sa propre démarche musicale.

Certes, la musique est globalement chambriste mais, entre classique contemporain et jazz, elle n’est figée ni dans le passé, ni dans un style, ni sur une partition écrite. Surgissent ainsi des sections contrastées composant un tableau sonore des plus impressionnistes. On se souvient que Nadia Boulanger disait de sa sœur : « Elle se promène à travers la musique » et, à l’écoute de ces douze miniatures, thèmes et variations, c’est bien cette impression de vagabondage qui est ressentie. Le quartet, qui outre Tom aux saxophones et à la basse clarinette, comprend aussi le pianiste Alex Koo, le contrebassiste Lennart Heyndels et le batteur Théo Lanau, s’est adjoint les talents de la chanteuse hongroise Veronika Harcsa et du violoncelliste français Vincent Courtois, deux musiciens qui s’avèrent indispensables à la réussite de ce projet ambitieux. De Fauré à Ravel et de Debussy à Coltrane, la musique ne choisit pas son camp. Elle répond aux ambiances changeantes, passant d’un chant opératique à l’austérité spirituelle, de la légèreté au drame, de la contemplation à l’épique. Tel l’anneau magique de Tolkien, ce disque réunit toutes les musiques en une œuvre magistrale, inspirée du passé mais fusionnant avec les infinies possibilités qu’offre le XXIème siècle.

[ Chronique par Pierre Dulieu ]