Le collectif Octurn, dont le line-up varie au fil des albums, nous a habitué avec ses trois premiers disques à une musique ambitieuse, originale, parfois plus proche de la musique contemporaine que du jazz mais privilégiant toujours la recherche de nouvelles pistes de réflexion. Ce dernier opus, qui renferme près de 75 minutes de musique, est constitué de trois suites composées respectivement par Geoffroy De Masure, Bo Van der Werf et Antoine Prawerman, trois musiciens proches de l’univers rythmique exploré par des groupes comme Aka Moon ou Deep In The Deep. Et c’est bien la formidable pulsation des batteurs, des percussionnistes et des bassistes électriques qui constitue tout du long la force motrice de ces incursions dans des espaces qui ne sont pas ceux dans lesquels la plupart des jazzmen évoluent. Ceci dit, la musique est variée et alterne des climats de détente et de tension qui en rendent l’écoute agréable. Du piano évanescent et solitaire de Fabian Fiorini, on passe brusquement à des parties orchestrales puissantes agencées au millimètre où à des passages plus franchement jazz, swinguant et même funky sur lesquels les solistes s’expriment avec ardeur. Et quels solistes ! Pierre Van Dormael avec sa guitare claire, lumineuse et cette manière toute particulière de swinguer sans avoir l’air de toucher les cordes (Griot, Continuum) ; Laurent Blondiau à la trompette et au bugle qui sait faire naître l’émotion quand il veut (Continuum) ; Guillaume Orti convaincant à l’alto sur le superbe Quadrature ; Geoffroy De Masure impérial sur un Sabi atmosphérique sans oublier le baryton tourbillonnant de Bo Van der Werf sur Aware. Et tout cela avec humour car on se prend pas toujours au sérieux sur la planète Octurn : écoutez seulement Octurn Sans Haine Ne Nuit Point ou Le Très Grand Frère d’Awa Toé que n’auraient sûrement pas reniés un Charlie Mingus ou un Frank Zappa. Avec Dimensions, Octurn est passé à la vitesse supérieure et s’est ouvert un nouvel horizon qui apparaît désormais sans limite. Voilà un disque qu’on peut écouter et réécouter pendant des heures sans jamais avoir l’impression d’en avoir fait le tour. Une très grande réussite dans la fameuse série des « Finest in Belgian Jazz ».
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