Ces dix nouvelles compositions de Peter Hertmans, éditées sur le label Mogno, sont le fruit de deux années de travail au sein d’un quartet qui comprend, outre le guitariste, Daniel Stokart au saxophone soprano, Theo de Jong à la guitare basse et le jeune Lionel Beuvens à la batterie. Ce qui frappe au premier abord, ce sont les compositions elles-mêmes. Joliment tournées et construites sur des mélodies chantantes, elles témoignent d’un effort qui va bien au-delà d’un simple alignement d’accords compliqués. La musique tourne avec une grande fluidité et les thèmes, qui s’inscrivent globalement dans la mouvance d’un jazz européen influencé par la musique classique, brillent moins par leur volubilité instrumentale que par ce qu’ils ont à dire. Sur certains titres, comme Cadence I, la musique acquiert carrément une plénitude nordique de type ECM avec une approche similaire à celle d’un Terje Rypdal par exemple. Le soprano très fluide de Stockaert, qui ne s’autorise que peu de débordement, ajoute beaucoup d’élégance et de lyrisme aux atmosphères souvent légères et envoûtantes. Ses tourneries sur Tritone Song, sous-tendues par des accords de guitares en opposition de phase, constituent autant d’ellipses mystérieuses qui créent un climat unique et déroutant. Quant à Peter Hertmans lui-même, on sait combien le guitariste aime les enveloppes sonores qu’il peaufine avec un soin méticuleux. On retrouvera ici toutes les couleurs qui faisaient le sel de ses enregistrements antérieurs et, même si l’on est loin de l’approche fusionnante des albums d’Ode For Joe, son jeu, pour retenu qu’il soit, ne manque pas d’éloquence et n’a rien perdu de son mordant ni de sa modernité (The One Step). La rythmique épouse avec subtilité les interventions des solistes tandis que le bassiste hollandais Theo de Jong (qui a joué autrefois dans des groupes de rock progressif comme Kayak ou Ekseption) n’en finit pas d’impressionner par un son très présent et une dynamique exceptionnelle. Il s’octroie en outre quelques solos délicatement tissés qui sont loin de passer inaperçus (Merci Philip). En tant qu’interprète, Peter Hertmans était déjà l’un des guitaristes parmi les plus brillants de la scène belge. Ce disque est l’affirmation d’une autre personnalité, celle d’un compositeur talentueux pourvu d’un sens de l’espace remarquable. Cadences est une belle réussite dont on se délectera longtemps !