La sélection de Février 2014






Michel Mainil Quartet featuring Lisa Rosillo : Spanish Jazz Project


[ Travers Emotion TRA022 ]



01. El Quinto Regimiento (Traditionnel) - 05:13
02. Guantanamera (Joseito Fernandez) - 05:47
03. Angelitos Negros (Manuel Alvarez Maciste) - 03:50
04. No Sabes de Amor (Don Raye, Gene De Paul) - 08:27
05. Sabor A Mi (Alvaro Carillo) - 03:40
06. Besame Mucho (Consuelo Velazquez) - 06:18
07. Un Ano de Amor (Nino Ferrer) - 04:42
08. Quien Sera (Pablo Beltrán Ruiz) - 04:51
09. Piensa En Mi (Augustin Lara) - 04:00
10. Hasta Siempre (Carlos Puebla) - 04:17
Sortie : 10 Janvier 2014

Enregistré les 16 et 17 juillet 2013 à La Louvière (Belgique)

Lisa Rosillo (vocals), Michel Mainil (sax baryton & sax soprano)
Alain Rochette (piano), José Bedeur (contrebasse), Antoine Cirri (drums)




Le jazz vocal, surtout féminin, a ceci de prodigieux: il balaie d'un revers de refrain toutes les appréhensions qu'un mélomane peut avoir face au jazz. Une voix a ainsi le pouvoir d'extraire un combo de son environnement élitiste et de lui assurer une écoute plus large hors de sa catégorie habituelle. Si la musique est bonne bien sûr. Mais en s'associant avec la chanteuse Lisa Rosillo et en choisissant d'interpréter un répertoire de chansons hispaniques, Michel Mainil a mis en plein dans le mille. Non seulement, Lisa Rosillo pose sa voix profonde avec autorité sur la musique mais elle enthousiasme par sa justesse et son expressivité sans parler de son phrasé exotique élevé au biberon du flamenco qui fait passer des rayons de soleil à travers les volets.

Le répertoire comprend quelques standards inévitables dans un tel contexte (Guantanamera et Besame Mucho) mais aussi d'autres titres moins connus et fort bien choisis comme C'est Irréparable (Un An D'amour / Un Ano De Amor) de Nino Ferrer ; le traditionnel El Quinto Regimiento (Le 5ème Régiment) dédié à l'instrument de lutte contre le fascisme fondé par le Parti Communiste espagnol ; le méconnu Angelitos Negros (Anges Noirs), à l'origine un boléro composé par le Mexicain Manuel Alvarez Maciste autour d'un poème vénézuélien contre la discrimination raciale ; la célèbre chanson Sabor A Mi (Le Goût De Toi) du Mexicain Alvaro Carillo qui fut repris dans le film d'animation Chico & Rita ; Piensa En Mí (Pense à Moi) composé en 1937 par le Mexicain Agustín Lara et inclus dans la bande sonore du film Talons aiguilles de Pedro Almodóvar; et enfin le superbe Hasta Siempre (Pour Toujours) écrit en 1965 par Carlos Puebla en hommage au Che et à la révolution cubaine.

Heureusement, le piège des tapis de cordes et les clichés qui en découlent ont été évités et c'est bien un vrai groupe de jazz qui officie derrière la chanteuse. Les interventions du pianiste Alain Rochette sont lumineuses (écoutez-le jouer sans rythmique sur El Quinto Regimiento) tandis que le saxophone baryton du leader se glisse avec sensualité dans l'univers envoûtant de ces chansons latines, semant le trouble avec une ferveur entêtante et cette énergie libertaire qui enflammait jadis les chorus de Coltrane et Rollins. Beau travail aussi d'Antoine Cirri à la batterie, qui gronde ou caresse avec un art consommé de la percussion féline, et du contrebassiste José Bedeur qui n'hésite pas à jouer de l'archet quand c'est nécessaire comme sur le poignant Angelitos Negros. Ce Spanish Jazz Project n'a rien à voir avec certaines œuvres latines aseptisées que beaucoup de jazzmen enregistrent pour des raisons commerciales. Ici, la passion, l'émotion et le saudade vibrent sous chaque note tandis que la musique s'étire en un long souffle coloré. Il faut dire que ces mélodies hispaniques charrient une profonde nostalgie souvent connectée à des pans d'histoire tragique (Charlie Haden l'avait bien compris lui qui en réutilisa quelques unes en 1969 dans le cadre de son propre activisme politique). Cela vous donne même envie de connaître le message de ces anciennes chansons revisitées avec une étonnante fraîcheur. Bref, on sort bouleversé de l'écoute et tout le monde le sait : quand le charme d'un disque opère, c'est qu'il a quelque chose de magique !


Mini-interview de Michel Mainil

  • DragonJazz: Ceci est une mini-interview. On va donc se consacrer uniquement à cet album. Qui est Lisa Rosillo ? Et comment avez-vous constitué ce projet ?

    Michel Mainil: J’ai rencontré Lisa Rosillo lors d’un stage de jazz que j’animais. J’ai très vite été séduit par sa voix et par sa musicalité. Elle est d’origine andalouse et ca s’entend d’emblée. Elle dégage une force que l’on retrouve chez les chanteurs de flamenco. Je trouve que cette approche est tout aussi présente dans le blues. Le trompettiste Richard Rousselet fait souvent allusion à la romancière Gertrude Stein qui définissait le jazz comme de la tendresse jointe à une grande violence. Il y a un peu de cela chez Lisa Rosillo.

  • DJ: Le répertoire du disque est particulièrement bien pensé. Qui a exhumé et choisi ces chansons dont certaines sont très anciennes ?

    MM: Chacun a amené des idées. L’objectif était de mettre sur pied un groupe résolument tourné sur la culture et la tradition hispanique. J’avais aussi quelques pistes mais j’ai laissé le projet ouvert, permettant ainsi à chacun d’apporter sa pierre à l’édifice. Par exemple, pour El Quinto Regimiento, j’avais le souvenir du Liberation Music Orchestra de Charlie Haden qui avait intégré en arrière-plan ce chant de la Guerre d’Espagne dans un morceau. Aussi le fameux Hasta Siempre…. Lors d’un voyage à Cuba, j’avais été patticulièrement impressionné par le fait d’entendre ce morceau littéralement « à tous les coins de rues ». Cette chanson rendant hommage à Che Guevara prenait une toute autre dimension sur place. Elle dépassait même le côté politique et résonnait magnifiquement dans la voix et le cœur des cubains. Lisa Rosillo est une fan du cinéaste Pedro Almodovar. Elle a amené des chansons issues de ses films, donnant ainsi une autre orientation au répertoire. Après avoir joué une année, nous avons décidé de réaliser un album.

  • DJ: Le Spanish Jazz Project marque un changement de formule (jazz vocal) et de thématique (jazz latin) par rapport au style de vos disques précédents. Pourquoi un tel choix et comment l'avez-vous vécu ?

    MM: Ce quartet a aujourd’hui presque 15 ans d’existence. Au cours de ces nombreuses années, nous avons essayé de nous remettre régulièrement en question. Parmi nos nombreuses expériences, certaines étaient assez « inattendues ». Je pense notamment au conte musical « Pierre et le Loup » de Prokofiev que nous avons réécrit pour les besoins d’un spectacle. C’est dire que nous nous sommes peu à peu rôdés à toute sorte d’entreprises. « Spanish Jazz Project » n’est donc pas un changement mais plutôt une étape. Ce n’est d’ailleurs pas la première fois que nous travaillons avec un chanteur ou une chanteuse.
    En ce qui me concerne, côté instrumental, j’ai opté pour l’utilisation du saxophone baryton. C’est la première fois que j’enregistre avec cet instrument. Le son plus rauque de l’instrument se marie bien avec la voix, somme toute assez grave, de Lisa Rosillo.

  • DJ: Quelle a été l'implication des autres musiciens du quartet dans ce projet ?

    MM: Le choix du répertoire étant décidé, nous avons travaillé collectivement sur les arrangements. Comme il y a quand même quelques morceaux « bateaux », il était important d’essayer de les rafraîchir en les revisitant à notre sauce. A ce sujet, nous allons élargir le répertoire pour les prochains concerts. Il y aura une partie des morceaux de l’album augmentés de nouveaux titres provenant également du répertoire hispanique. Nous allons vivre une résidence de plusieurs jours en mars prochain sous le regard complice d’un metteur en scène. A suivre donc…

  • DJ: Combien de prises ont été faites en moyenne pour un morceau ?

    MM: En général deux ou trois prises ont suffit. Il faut préciser que nous avions répété et donné quelques concerts avant la session. Nous étions donc prêts pour l’enregistrement.

  • DJ: La performance instrumentale a conservé une importance relative par rapport au chant. Quelle fut la part d'improvisation ?

    MM: J’ai souhaité que cela reste du jazz. Je ne voulais pas en faire un album essentiellement de chant, fût-il en espagnol… Bien qu’à mon sens, cette langue est l’une des plus chantantes qu’il soit. Dès lors, l’improvisation a toute sa place, comme dans toute la musique de jazz.

  • DJ: Où le disque a-t-il été enregistré et qui l'a produit ? En êtes-vous satisfait ?

    MM: Il a été enregistré à La Louvière dans une salle de spectacle qui a été équipée en condition studio pour l’occasion. Cela grâce à l’appui de l’asbl ARAM. Michel Andina, connu pour être l’ingénieur son de groupes tels Octurn ou Aka Moon l’a ensuite mastérisé. La réalisation de la pochette a été confiée à un superbe tandem qui sont Denis Devaux pour le graphisme et Dati Bendo pour les photos. Je n’ai pas eu besoin du soutien des pouvoirs publics pour cette publication car nous avons bénéficié de l’aide d’un partenaire privé qui est intervenu dans des conditions proches du mécénat. C’est assez rare pour être souligné !

  • DJ: Ce projet est-il un "one shot" ou la collaboration avec Lisa Rosillo va-t-elle se poursuivre dans le futur et donner lieu à de nouveaux disques ?

    MM: Comme je le disais, ce groupe existait. Ce n’est donc pas un one-shot. Des concerts sont prévus dans les mois à venir. C’est le premier album de Lisa Rosillo. Les musiciens et moi sommes assez fiers de faire partie de sa première aventure discographique. Pas de nouveau disque à l’ordre du jour mais Quien sabe…

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