Le numéro 5 du jeune label de jazz « mogno », dont la superbe esthétique fait penser à celle des 33 tours de la marque défunte CTI, est consacré au jeune pianiste bruxellois Olivier Collette. Premier prix de conservatoire à 23 ans, élève à New York de Fred Hersch et de Kenny Werner à 25, Joy and Mystery est son premier disque et, qui plus est, c’est un double. Il en profite pour y délivrer deux facettes de son talent. Le premier disque a une couleur un rien plus électrique avec la guitare de Patrick Deltenre et la basse de Nicolas l’Herbette. On sent le désir de faire du jazz et de céder avant tout à l’improvisation et au swing. Et sur Black Feel, Cascatinha ou Disanka, ça balance sérieusement sur des tonalités enjouées qui empruntent à l'occasion au folklore sud-américain ou aux rythmes congolais. Outre Deltenre dont le jeu groovy peut rappeler celui d’un Mike Stern, les artistes invités à la fête sont Steve Houben à la flûte traversière ou Kurt Van Herck au saxophone : des musiciens haut de gamme que l’on sent à l’aise dans les arrangements aérés du leader et qui n’ont pas demandé mieux que d’ajouter de la chaleur à ses compositions. Le second disque est plus intimiste, plus proche de l’idée que l’on peut se faire d’un jazz européen avec certes des références au blues (Hello Mister Blues) mais aussi à la musique classique (la luminosité et la force expressive de Debussy ou de Ravel sont plusieurs fois évoquées). Jean-Louis Rassinfosse est à la contrebasse et Phil Abraham fait une apparition au trombone dans le contrepoint de l’amusant Invention Jazz (en hommage à Bach). Olivier Collette, en tant que pianiste, apparaît moins en retrait que sur les premiers titres et c’est tant mieux. Musique agréable et variée, compositions attachantes, contrôle de la mise en scène, son parfait, voilà des signes qui ne trompent pas. Collette est désormais sur les rails : son premier disque, dont les risques ont sans doute été calculés, est une réussite et le suivant, avec plus de hardiesse, sera meilleur encore.
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