Après l’excellent Water And Other Games sorti en 2004 qui révélait un musicien à la personnalité forte forgée depuis plusieurs décennies sur la scène du Jazz Belge, voici le second projet de Michel Mainil qui confirme un talent original à la fois ancré dans la tradition et ouvert sur la modernité. Du quartet, le saxophoniste est passé à un septet rutilant en intégrant le percussionniste Chris Joris, la violoniste Cécile Broché et DJ Landzar, responsable sur quelques titres d’un savant bruitage électro-acoustique (scratch et autres effets imputables à la manipulation des platines). Aucun standard cette fois mais uniquement des compositions originales dont trois sont dues à la plume de Mainil. Le son plein du saxophone ténor associé à un phrasé swinguant rappelle toujours Sonny Rollins mais ces racines classiques reposent sur des textures actuelles, portant le répertoire bien au-delà d’une simple relecture des grandes pages du Bop. Le titre éponyme en est un bel exemple : bruitages atmosphériques, rythmique entêtante, piano méditatif d’Alain Rochette dont les notes cristallines se mêlent subtilement aux bidouillages sonores, chorus maîtrisé du leader, percussions et un solo de violon osé avant un dialogue des plus originaux entre contrebasse et bruissements. Le même schéma novateur se répète sur Carillon et d’une façon plus magistrale encore sur Ajax dont le climat rappelle autant le mysticisme d’un Coltrane que les musiques Ambient. D’autres titres comme Et Résilles, composé par Alain Rochette, ou Hedge Cut de Chris Joris sont de facture plus classique mais brillent quand même par des chorus inspirés qui ramènent l’attention sur les qualités des solistes. On appréciera encore le jeu foisonnant du batteur Antoine Cirri étonnant d’aisance sur Special Terms tandis que le répertoire se clôt joliment sur une superbe ballade au lyrisme poignant : Demain 10 heures. Magnifiquement enregistré par Michel Andina et doté d’une production dynamique dont Mainil lui-même s’est chargé, Between Two Solstices navigue subtilement entre un Bop exubérant et une musique plus contemporaine et dépaysante (surréaliste dirons ceux qui savent que Mainil est originaire de La Louvière, la Cité des Loups, berceau de l'écrivain aphoriste Achille Chavée et du peintre Pol Bury). C’est grâce à de tels enregistrements que le Jazz respire, s'oxygène et apprend à vivre dans l'air du temps. Brillant !
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