Blues 5 : Autres Suggestions


Howlin' Wolf : Howlin' Wolf / Moanin’ in the Moonlight (MCA / Chess), USA 1951 - 1962

Baptisé d’après le nom du 21ème Président des Etats-Unis (connu en Belgique pour avoir été le premier à reconnaître les prétentions de Léopold II sur le Congo), Chester Arthur Burnett est né en 1910 dans un coin perdu du Mississippi, quelque part le long de la voie ferrée entre Aberdeen et West Point. Ce n’est que quand il gagna le delta du fleuve à l’âge de 13 ans qu’il s’imprégna du blues joué par les musiciens locaux dont Charley Patton qui lui enseigna la guitare et Sonny Boy Williamson II qui l’initia au jeu subtil de l’harmonica. Après un passage dans l’armée, il s’installa à Memphis où il fut repéré par le producteur Sam Phillips (futur découvreur d’Elvis Presley) qui l’introduisit chez Chess Records, un label basé à Chicago où Burnett finira par débarquer en 1953. A partir de là, celui que l’on surnomme Howlin’ Wolf va enregistrer une liste impressionnante de classiques du blues, écrits par lui-même où par le bassiste Willie Dixon, qu’il interprète de sa voix gutturale et puissante. Ce compact regroupe les deux LP initiaux de Wolf édités par Chess, eux-mêmes des compilations de sessions comprises entre 1951 et 1962. Le premier (curieusement placé ici en seconde position) est le fameux Moanin’ in the Moonlight sorti en 1960, avec un loup hurlant à la lune sur la pochette (et réédité plus tard par Chess sous le nom de Evil) tandis que le second, sorti en 1963 et intitulé simplement Howlin’ Wolf, fut édité avec la photo d’une guitare acoustique appuyée contre un rocking chair (alors qu’on y entend uniquement des guitares électriques). Accompagné par un orchestre de musiciens locaux, blancs et noirs, cette force de la nature qu’était « The Wolf » chante avec une intensité surréaliste des titres qui, avec ceux de son principal concurrent Muddy Waters, resteront comme les plus emblématiques du Chicago Blues : The Red Rooster, Spoonful, Goin' Down Slow, Smokestack Lightning, Shake For Me, Wang Dang Doodle, Evil… Ils seront tous repris par la suite des milliers de fois par d’innombrables groupes de blues-rock à travers le monde mais aucune version ne s’approchera jamais du tonnerre déclenché par la voix de Howlin’ Wolf. Derrière le chanteur, on reconnaîtra aisément le style très particulier d’une autre légende du blues de Chicago : le guitariste Hubert Sumlin qui évitait les accompagnements en accords pour mieux souligner le chant du leader par des notes plaintives et des riffs expressifs. Ces enregistrements sont indispensables à toute collection de blues et si vous ne choisissez qu’un seul compact du héro de Chicago (il a aujourd’hui sa statue dans un parc de la ville), veillez bien à ce que ce soit celui-ci.

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Kenny Wayne Shepherd : Ledbetter Heights (Giant Records), USA 1995

A l’âge de 7 ans, Kenny Wayne Shepherd fut emmené à un festival de musique en Louisiane et introduit par son père auprès de Stevie Ray Vaughan qui l’installa sur un ampli pour voir le show. Révélation ! Dix années plus tard, le jeune homme entre en studio pour enregistrer son premier disque qui est marqué au fer rouge par le style flamboyant du grand guitariste texan. Du coup, le jeune virtuose est propulsé dans la lumière par les animateurs de radio qui voient en ce jeune prodige de la six-cordes la réincarnation de Stevie Ray. Dès le premier titre, Born With A Broken Heart, l’analogie est frappante : le phrasé fluide et naturel, les riffs lancinants et la tonalité de la Strato font illusion et l’âme du Sud plane bien sur ce Blues incandescent. L’instrumental While We Cry, Shame, Shame, Shame et surtout la reprise de Howlin’ Wolf, I'm Leaving You (Commit a Crime), confirment que Shepherd s’est approprié le langage de son aîné mais aussi qu’il sait le restituer avec une sincérité et une passion qui ne trompent guère. D’ailleurs, le disque dépassera le demi million d’exemplaires vendus dès le début de l’année 2006 (ce qui est une performance rare si l’on considère qu’il s’agit d’un disque de Blues et d’un premier essai enregistré de surcroît par un jeune homme de 17 ans). Evidemment, contrairement à SRV, Kenny Wayne Shepherd ne chante pratiquement pas et a préféré confier les vocaux à Corey Sterling dont la voix naturelle est plus appropriée au genre (Shepherd lui-même admettait à l’époque ne pas sentir à l’aise comme chanteur et c’est une voix comme celle de Corey qu’il entendait dans sa tête en composant ses chansons). Toutefois, l’album ne se résume pas non plus en un simple hommage à Stevie Ray : Shepherd a joué la carte de la variété en abordant plusieurs genres de Blues. Ainsi Aberdeen est-il un ancien morceau de Bukka White joué en slide sur une antique dobro, du moins dans sa première partie jusqu’à ce que le reste du groupe déboule avec tous les potas à fond dans l’esprit du Bring It On Home de Led Zeppelin. Riverside est un autre Blues accompagné à la guitare acoustique et c’est aussi le seul titre chanté par Shepherd avec une voix qui manque d’assurance sans être déplaisante, mais Riverside vaut surtout par cet étrange solo de guitare au son trafiqué par une pédale Mu-Tron. Déjà Voodoo est tout simplement la pépite la plus brillante du répertoire. Quand au titre qui donne son nom à l’album, avec sa batterie élastique et sa basse bondissante, il affiche un groove R&B qui renvoie à la Louisiane. Car Kenny Wayne est originaire de là-bas, de Shreveport sur la Rivière Rouge. D’ailleurs, le titre de l’album est le nom d’un antique quartier mal famé de sa ville renommé ainsi en hommage au chanteur de Blues Huddie « Leadbelly » Ledbetter qui traînait souvent par là. Les deux disques qui viendront après (Trouble Is en 1997 et Live On en 1999) confirmeront le talent de Shepherd à faire parler sa Fender avec une technique de mieux en mieux maîtrisée mais Ledbetter Heights les coiffe quand même au poteau grâce à une enchaînement sans faute de compositions qui font mouche.

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The Robert Cray Band : Live From Across The Pond (Nozzle Records / Vanguard Records), USA 2006

Ce double compact a été enregistré au Royal Albert Hall de Londres durant 7 nuits en mai 2006 et en soi, c’est un petit évènement dans la discographie du chanteur guitariste puisque ce seizième album est son premier live en 30 années de métier. « Live de l’autre côté de la mare », édité sur le nouveau label indépendant de Cray, a été produit par le leader lui-même et mixé par Don Smith (Miles Davis, Ry Cooder) qui a mis en valeur le timbre clair de la guitare et le vibrato d’une voix s’inscrivant dans la meilleure tradition du Soul-Blues de Memphis (et du label Stax). A cet égard, un titre subtilement funky comme Phone Booth est un bel exemple du style de Robert Cray et représente l’un des sommets de ces enregistrements. Et il y en a d’autres bien sûr comme I Guess I Showed Her et son solo de Stratocaster qui rappelle les superbes envolées du regretté Albert Collins (une référence majeure pour Cray : profitez-en pour réécouter leur formidable collaboration sur le disque Showdown paru en 1985). Avec son fidèle quartet composé de Jim Pugh aux claviers, Karl Sevareid à la basse et Kevin Hayes à la batterie, le leader revisite quelques grands titres ayant jalonné sa carrière : Phone Booth et Bad Influence (Bad Influence, 1983), I Guess I show Her et Right Next Door (extraits du célèbre Strong Persuader qui le fit connaître du grand public en 1986), The Things You Do To Me (Midnight Stroll, 1990), I Was Warned et Our Last Time (I Was Warned, 1992), The One In The Middle (Sweet Potato Pie, 1997), The 12 Year Old Boy (Shoulda Been Home, 2001), Back Door Slam et Times Makes Two (Time Will Tell, 2003) et enfin I’m Walking, Poor Johnny et Twenty extraits de son dernier opus studio en date (Twenty, 2005). Evidemment, la succession de compositions souvent en tempo medium ou lent ou certains titres avec des solos qui n’en finissent pas ou encore un son d’une propreté proche de la stérilisation choqueront ceux qui apprécient dans un concert de Blues les démonstrations de force, les duels imprévus ou la chaleur moite des clubs de Chicago. On se trouve ici à l’opposé du spectre dans un Blues qui paraît parfois un peu aseptisé mais qui est aussi moderne, bourré d’un Soul authentique et interprété avec un professionnalisme remarquable. Cette réserve mise à part, Live From Across The Pond, en plus d’être un excellent « best of » live, offre suffisamment de bons moments pour ne pas être ignoré des amateurs. Après l’excellent Some Rainy Morning (1995), dont bizarrement aucun titre n’est repris ici, j’ose même écrire que ce double album constitue un second choix tout à fait recommandable.

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The Fabulous Thunderbirds : T-Bird Rhythm (Chrysalis), USA 1982 - réédition CD remastérisée (Benchmark), 2001

Déjà, la pochette est géniale : quatre gars en virée, cheveux gominés et lunettes noires, dans une Thunderbird Type 40 de 1957, rouge flamboyant, avec son siège arrière « birdnest » escamotable. Et la musique qu’on entend sur le disque doit ressembler à celle qui était diffusée à l’époque sur la radio de cette fabuleuse voiture. A mi-chemin entre Blues, R&B et Rock’n’Roll, le quartet dégage une énergie farouche qui rappelle les jeunes années du Rock : un titre comme Can't Tear It Up Enuff par exemple aurait tout aussi bien pu être écrit dans les années 50 ou 60. Les disques précédents avaient été produits par leur manager Denny Bruce mais, à la recherche d’un son nouveau, ils ont cette fois préféré faire appel à une aide extérieure en la personne du producteur Nick Lowe. Connu notamment pour son travail avec Elvis Costello, Graham Parker, Dr. Feelgood et The Pretenders, Lowe impose ici son esthétique « basique » caractérisée par un son rustique qui lui a valu le surnom de « basher » et l’honneur d’être encensé comme le producteur le plus « punk » de la planète. Et avec les Thunderbirds, ça marche : les morceaux sont cinglants et déboulent à toute allure comme les antiques décapotables des films de gangsters américains. La voix et l’harmonica de Kim Wilson sont dévastateurs et si, contrairement à son frère aîné Stevie Ray, Jimmie Vaughan ne prend presque pas de solos, il prouve quand même qu’il est un guitariste rythmique d’une redoutable efficacité. Bien que le succès public ne fut pas à la hauteur des attentes du label Chrysalis qui les lâchera après cet album, T-Bird Rhythm reste un disque indémodable tandis que les Thunderbirds contribuèrent à relancer la vogue du Blues, alors en perte de vitesse au milieu des années 80, tout en assurant la suprématie d’Austin et du Blues Texan. A noter que la photo de la pochette de la réédition en CD par Benchmark est légèrement différente de celle du LP. Jimmie Vaughan regarde le photographe au lieu de tourner la tête en arrière, le batteur Fran Christina (ex-Roomful Of Blues) a l’air un peu moins ahuri et Kim Wilson a perdu ses lunettes noires. En tout cas, elle fait moins Rock’n’Roll que l’originale !

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Jimmy Thackery & The Drivers : Drive To Survive (Blind Pig), USA 1996

Après avoir tourné intensément avec les Nighthawks à travers les Etats-Unis de 1974 à 1987 et enregistré avec eux une vingtaine de disques, Jimmy Thackery est monté en première ligne en débutant une carrière sous son nom propre en compagnie de Michael Patrick à la basse et de Mark Stutso à la batterie. Guitariste « extraordinaire » sans pour autant chercher à jouer les Jimi Hendrix de quartier et doté en plus d’une voix bien adaptée au genre, Thackery n’est peut-être pas un compositeur prolifique mais ses reprises, souvent arrangées avec goût, ont une pêche fantastique et n’ont aucune difficulté à faire oublier les versions originales. Prenez Apache par exemple, un instrumental composé il y a une éternité par Jerry Lordan et enregistré par presque tout le monde, des Shadows aux Spotnicks en passant par les Cousins et les Ventures, la version de Thackery a définitivement quelque chose de spécial : bluesy et lancinante, elle est devenue une sorte de carte de visite pour le guitariste, toujours réclamée en concert. All About My Girl, composé par Jimmy McGriff, balance au maximum et ne souffre aucunement de l’absence d’orgue Hammond. A part un troisième titre, Cool Guitars, écrit par un Jeff Sutherland inconnu, les huit autres morceaux sont de la plume du leader et ils ne manquent pas de punch. You Got Work To Do est un boogie hyper-tendu dans la grande tradition de John Lee Hooker mais modernisé à la façon du La Grange de ZZ Top. That's How I Feel, fort bien chanté par le batteur Mark Stutso, est un Slow-Blues irrésistible. Quand au fringant Rub On Up, il est de nature à ramener le grand frisson dans l’échine comme seuls les grands gourous de la guitare Blues électrique savent les faire naître. Pour faire bonne mesure, le trio a ajouté un pointe de Rockabilly dans Long Lean & Lanky et même de Jazz swinguant dans Burford's Bop. Drive To Survive a décidément tous les atouts pour emballer les amateurs de blues électrisé et groovy piloté par une Strato volubile et pleine d’aisance.

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[ A écouter : Drive To Survive - You Got Work To Do ]

Buddy Guy : Sweet Tea (Silvertone), USA 2001

Ceci est l’étrange tribut d’un Bluesman moderne, prince de la guitare électrique et roi des nuits bleues de Chicago, à un petit groupe d’artistes originaires de la région montagneuse du Nord Mississippi tels Junior Kimbrough, T-Model Ford et Robert Cage. En fait, neuf titres sur dix sont des reprises de morceaux édités ou réédités sur le label iconoclaste Fat Possum basé à Oxford dans le Mississippi. Le Blues qui vient de là-bas est impertinent, rude, basique, sauvage parfois mais toujours envoûtant par son approche modale qui n’a que faire des douze mesures du Blues policé. Accompagné par un groupe terriblement efficace combinant les vétérans noirs que sont les batteurs Spam et Sam Carr et de jeunes loups blancs comme le guitariste rythmique Jimbo Mathus (Squirrel Nut Zippers), le bassiste Davey Faragher (Hellecasters) et le batteur Pete Thomas (Elvis Costello’s Attractions), Buddy Guy s’approprie l’esprit de cette musique en lui conservant cet aspect rustique qui fit aussi le succès d’un RL Burnside. Il chante et joue avec la même énergie qu’il sait insuffler au Blues de Chicago mais avec cette profondeur en plus qui renforce son art depuis qu’en 1957, il a émigré de Louisiane dans la Cité des Vents. Ne vous laisser surtout pas avoir par ce superbe Country Blues acoustique (Done Got Old) qui débute l’album, ce n’est qu’une introduction qui ne vous prépare en rien à ce qui va suivre : une plongée en apnée dans une musique aussi sombre que primitive. Interprétée live dans le studio Sweet Tea d’Oxford qui appartient au producteur de l’album, Dennis Herring, elle s’échappe des amplis vintage comme un tornade, tandis que Buddy lâche des solos hantés sur le son rugueux d’une basse démesurée. Le dernier titre, It's A Jungle Out There, est la seule composition de Buddy et elle s’inscrit dans la ligne des autres même si elle s’en distingue quelque peu par l’ajout d’un piano fantomatique joué par Bobby Whitlock. Regardez la superbe pochette avec son antique maison de bois plantée au cœur de la forêt et, au verso, cette impressionnante photo du leader avec sa guitare, refoulé dans l’ombre avec ses mystères et ses démons. Dans la riche discographie de Buddy Guy, Sweet Tea est un projet atypique et sans concession qui n’est certes pas destiné aux cœurs tendres.

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Calvin Owens : True Blue (Topcat), USA 1992 - Edition remastérisée et remixée avec deux titres en bonus (Music Avenue / Sawdust Alley Records), 2006

« True Blue », c’est le surnom donné par le saxophoniste Arnett Cobb au trompettiste et chanteur Calvin Owens. Né en 1929, ce dernier a grandi dans un quartier de Houston nommé Sawdust Alley et il s’en souviendra lorsqu’il lui faudra donner un nom à son propre label (sur lequel est réédité cet album). Doté d’un solide bagage technique, il est recruté par B.B. King en 1953 pour une simple tournée mais demeurera dans l’orchestre pendant quatre années. En 1978, il rejoindra à nouveau B.B. King qui en fera carrément son directeur musical. Il restera avec l’orchestre du King jusqu’en 1984, enrobant la voix et la guitare du leader de somptueux arrangements cuivrés (réécoutez par exemple l’album Jazz ’n’ Blues de 1983, l’un des grands disques de B.B. King qui rapporta d’ailleurs un Grammy à son auteur dans la catégorie « meilleur album de blues traditionnel de l’année »). Et quand en 1992, à l’âge de 63 ans, Calvin Owens enregistre son premier opus en solo, son ancien patron B.B. King est évidemment convié à la fête. Arrangé pour un ensemble de 18 musiciens, le titre éponyme qui ouvre l’album est ainsi un superbe blues lacéré par les riffs caractéristiques du guitariste inscrits au fer rouge (ils ont été remixés en avant) et qui comprend en plus un magnifique solo de trompette incrusté par Owens dans la masse orchestrale. Intelligemment conçu, l’arrangement oppose les explosions de cuivres aux passages plus calmes réservés aux solos tandis que cette nouvelle édition, remastérisée et remixée à Houton par l’ingénieur du son Andy Bradley, rend justice au talent d’orfèvre du leader en améliorant considérablement la gestion sonore. Mais B.B. King, qui intervient sur quatre pistes, n’est pas le seul invité prestigieux. Owens connaît beaucoup de monde et on trouvera aussi sur ce disque une foule d’autres musiciens prestigieux comme David « Fathead » Newman (géant au saxophone sur Woke Up Screaming) ou Johnny Copeland dont la voix puissante renforce l’impact de trois compositions. A l’époque, Owens vivait en Belgique, patrie de sa seconde épouse, et l’album a été enregistré là-bas avec une flopée de musiciens locaux parmi lesquels on repère les noms du saxophoniste Kurt Van Herck et du trompettiste Patrick Mortier. Extrêmement variée, la musique allie l’idiome du blues à la force d’un big band efficace et méduse par son immense joie de jouer, rappelant ainsi des temps oubliés quand les solos de blues étaient encore interprétés au cornet ou à la trompette par des musiciens comme Shelton Hemphill, Doc Cheatham ou l’immense Louis Armstrong (une influence majeure du jeune Owens). Offrant une version alternative de Don't You Want A Woman Like Me et deux plages en bonus (The Christmas Song et No New Blues chantés respectivement par les Texanes Trudy Lynn et Gloria Edwards), cet album admirablement restauré, corrigé et étendu est à redécouvrir d’urgence : c’est l’une des rares expressions d’un blues authentique qui mêle, avec une formidable aisance, jazz traditionnel et blues électrique moderne. Chaudement recommandé!

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Joe Bonamassa : A New Day Yesterday (Epic), USA 2000

Originaire d’Utica dans l’Etat de New-York, Joe Bonamassa jouait déjà de la guitare à quatre ans. A douze, il ouvrait un concert pour B.B. King et à quatorze, il formait un super groupe nommé Bloodline avec Waylon Krieger (fils du guitariste des Doors, Robby Krieger), Erin Davis (fils de Miles) et Berry Oakley Jr. (fils du bassiste fondateur des Allman Brothers Band). Le groupe s’est séparé après l’enregistrement d’un unique album, forcément culte, paru chez EMI en 1994. Quelques années plus tard, Joe Bonamassa entrait en studio pour enregistrer son premier opus personnel qu’il a intitulé d’après un morceau de Jethro Tull avec qui il avait partagé la scène quelques mois plus tôt : A New Day Yesterday. Dans une interview parue dans le magazine Guitarist, Joe Bonamassa désigne les trois disques ayant eu le plus d’influence sur son jeu : John Mayall & the Bluesbreakers avec Eric Clapton, Irish Tour de Rory Gallagher et Goodbye de Cream. On ne peut mieux décrire la musique de ce premier album qu’en citant ces trois références. Car si Bonamassa joue un Blues électrique que l’on aurait tendance à comparer à celui des deux autres jeunes guitaristes prodiges que sont Jonny Lang et Kenny Wayne Shepard, il s’en distingue en adoptant un style old-school fortement inspiré des groupes de Blues-Rock des années 60 et 70 : Led Zeppelin, Free, Rory Gallagher, Allman Brothers Band ou Eric Clapton (période Mayall) constituent bien davantage ses points de mire que Stevie Ray Vaughan ou Jimi Hendrix et il ne se prive pas de le faire savoir. Entre ses propres compositions, il intercale ainsi des reprises de classiques du Rock qui retrouvent ici une nouvelle fraîcheur. Cradle Rock de Rory Gallagher, le formidable Walk In My Shadows de Free, Nuthin' I Wouldn't Do de Al Kooper, If Heartaches Were Nickels de Warren Haynes et, dans une version Hard, le fameux A New Day Yesterday de Jethro Tull témoignent aussi que Bonamassa ne se contente pas de mettre pas les pieds dans les ornières des originaux. Il les fait revivre avec une aisance naturelle et en leur insufflant une saveur nouvelle tout en gardant le son organique typique de l’époque. Et comme ses propres compositions sont loin d’être inintéressantes (écoutez le brûlant Miss You, Hate You pour voir) et que l’homme est doté d’une voix rauque et expressive taillée pour le Rock, inutile de dire qu’on tient là un disque réjouissant. Les puristes n’y trouveront peut-être pas leur compte mais les mordus de Rock classique, eux, vont adorer. Avec Joe Bonamassa, il est désormais difficile d'écrire que « c’était mieux avant! »

[ Joe Bonamassa Website ] [ A New Day Yesterday (CD & MP3) ]
[ A écouter : Walk In My Shadows - If Heartaches Were Nickels ]

Hot Tuna : Burgers (RCA / Grunt), USA 1972

Créé au départ comme une simple diversion sans lendemain par le bassiste Jack Casady et le guitariste Jorma Kaukonen, deux membres du légendaire Jefferson Airplane, Hot Tuna a évolué depuis son premier album éponyme de Country Blues acoustique paru en 1970. Sur Burgers, le groupe est maintenant un quartet incluant Papa John Creach au violon et Sammy Piazza à la batterie. Les compositions, pour les deux tiers écrites par Kaukonen, sont toujours apparentées au Folk Blues mais bien souvent combiné à un Rock électrique qui métamorphose lentement les mélodies simples en parties improvisées propices aux envolées instrumentales. True Religion qui ouvre l’album, en est un bon exemple, débutant comme un Folk Blues acoustique et évoluant peu à peu en délire psyché avant de retomber comme par magie sur le thème original. Première production en studio après deux albums enregistrés en concert, Burgers sonne particulièrement bien : le travail en picking de Jorma Kaukonen est de première force et sa voix nasillarde plaira aux aficionados du Grateful Dead tandis que la basse sinueuse de Casady constitue un support irremplaçable. Quant au violon de Papa John Creach, il virevolte et suinte le Blues d’un bout à l’autre de l’album : écoutez par exemple son superbe solo sur la reprise du fameux Let Us Get Together Right Down Here de Reverend Gary Davis. Même les morceaux plus Rock comme Sea Child ou Sunny Day Strut, quand la guitare prend cette tonalité Acid-Rock typique des années Hippie, s’intègrent bien dans le répertoire et n’enlèvent rien à la cohésion d’un disque fort bien agencé. On notera aussi la présence sur cette galette des morceaux les plus fameux de Hot Tuna qui cherchera en vain par la suite à retrouver la magie de cet album : Highway Song, 99 Year Blues et le fabuleux Water Song comptent définitivement parmi le meilleur de leurs réalisations. Un dernier mot pour la jolie pochette illustrée par une photo de Bruce Steinberg présentant le groupe en ballade dans une vieille Buick au bord d’un rivage californien. Elle est le symbole d’une manière de vivre où le fait d’avaler la route compte plus que l’endroit où l’on va et qui colle comme un gant à cette musique insouciante.

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Chris Duarte Group : Texas Sugar/Strat Magik (Silvertone), USA 1994

Né en 1963 à San Antonio, Chris Duarte a déménagé à Austin à l’âge de 16 ans en vue d’y entamer une carrière musicale. Normal dès lors qu’il fut influencé par le maître des lieux, le fameux Stevie Ray Vaughan - et à travers lui Albert King - qui à l’époque se produisait encore sur la scène du Continental Club. Mais s’il est vrai que son style reste profondément ancré dans le blues texan, Duarte n’en affiche pas moins sur ce premier album des qualités qui lui sont propres. Disons que ses compositions sont teintées d’une sorte de funk naturel qu’il cultive avec goût et qu’il sait aussi à l’occasion injecter une approche jazzy dans ses improvisations (si l’homme affiche sans complexe sa passion pour Hendrix et SVR, il déclare également avec ferveur une inclination à écouter Coltrane et McLaughlin). Ceci dit, Texas Sugar/Strat Magik, enregistré en une semaine pour le label Silvertone, reste un album de Blues Rock à haut indice d’octane qui n’a d’autre prétention que de délivrer une musique énergique et pleine de feeling. Doté d’une voix correcte sans être spectaculaire, Chris Duarte s’impose bien davantage avec sa guitare Stratocaster dont il délivre un son rageur trafiqué par une série de pédales Boss en ligne tandis que ses compositions sont suffisamment bien ficelées pour accrocher (My Way Down, C-Butt Rock). L’album se distingue aussi par le traitement sonore particulier dû au choix du producteur Dennis Herring qui incita le groupe à jouer live en studio en laissant tourner les bandes. Ces dernières ont ensuite été découpées et mixées via Pro Tools sur un Macintoch conférant ainsi l’impression étrange d’entendre des guitares surgissant de toute part et se mordant la queue en une succession de solis infernaux. Duarte enregistrera d’autres albums par la suite qui témoignent d’une évolution de son style et d’une affirmation plus radicale de sa personnalité, lui évitant du même coup d’être considéré comme un énième clone de Stevie Ray Vauhan. Mais celui-ci reste quand même le tout premier à recommander aux amateurs de blues sudiste à la SRV : ils y retrouveront intacte cette bonne vieille magie de la Strat texane.

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