Rock progressiste : La Sélection 2006



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Cryptic Vision : In A WorldTouchstone : Mad HattersTrespass : Morning LightsL’année 2006 a débuté par un réconfortant rayon de soleil avec la parution du troisième album de The Tangent, A Place In The Queue, aujourd’hui confirmé comme l’un des grands classiques du nouveau millénaire. Après ça, tous les espoirs étaient permis et ils ont été largement comblés par le double album des Flower Kings (Paradox Hotel), toujours aussi généreux sur le plan de la quantité comme de la qualité. Un autre grand moment, qu’on le veuille ou non, fut le retour de David Gilmour avec un album tranquille, conçu à la campagne, mais dans lequel on retrouve la griffe indélébile du grand guitariste qu’il est. Et voilà que Muse a soudain attiré l’attention avec son rock alternatif épique sublimé dans l’excellent Black Holes And Revelations. Ceux-là n’ont eu aucun mal à s’imposer dans une pléthore de disques et de groupes que quasi personne, à part les chroniqueurs des revues spécialisées, n’écoutera jamais : Kotebel (Omphalos), Cryptic Vision (In A World), Gargamel (Watch For The Umbles), Touchstone (Mad Hatters), Trespass (Morning Lights), Manning (Anser’s Tree), Wave (Preventor), Mindflow (Mind Over Body), Abarax (Crying Of Whales), Hypnos 69 (The Electric Measure), A Triggering Myth, Areknames, Lizard et autres White sont quelques uns des innombrables chantres obscurs dont les productions n’atteindront jamais la lumière et ce n’est pourtant pas toujours une question de qualité.

A.C.T. : SilencePhideaux : The Great LeapMagenta : HomeLe fait est que pour accrocher l’oreille de l’amateur, il faut désormais être connu ou alors capable de produire quelque chose de vraiment beau ou original. Ainsi, se frayant un chemin dans la multitude, La Maschera Di Cera (LuxAde), GPS (Window To The Soul), Paatos (Silence Of Another Kind), White Willow (Signal To Noise), A.C.T. (Silence), Jadis (Photoplay), Phideaux (The Great Leap), Sylvan (Posthumous Silence), Rocket Scientists (Revolution Road), Iona (The Circling Hour), Magenta (Home), Pure Reason Revolution (The Dark Third) et surtout le fantastique Frost* (Milliontown) doivent absolument être écoutés pour ce qu’il sont : le futur d’un genre qu’on a trop longtemps assimilé au passé. Et on épinglera encore les DVD aussi luxueux que sympathiques consacrés par Metal Mind à deux groupes polonais de néo-prog, Satellite et Quidam, et celui carrément inoubliable de Porcupine Tree (Arriving Somewhere). Evidemment, il y a aussi ceux qui ont déçus ou, plus simplement, qui n’ont pas été à la hauteur des espoirs placés en eux : Spock’s Beard a mystifié par une livraison inégale même si l’on y trouve quelques perles, Saga a produit un album agréable (Trust) même s’il n’apporte pas grand chose à sa légende tandis que Blackmore’s Night (Winter Carols), Daryl Stuermer (Rewired), The Pineapple Thief (Little Man) et Derek Sherinian (Blood Of The Snake) sont passés sans faire de vagues. Dans la catégorie poids lourds, Dream Theater (Score DVD/CD) n’a ému personne avec son énième disque live à rallonge, Queensryche a récupèré sa cohorte de fans avec un second tome de Operation Mindcrime, The Mars Volta a enfin produit un album presque audible (Amputechture) et Vanden Plas s’est installé pour un an sur le trône de fer avec l’excellent Christ 0.

Au-delà de cet insignifiant microcosme, le monde a continué de tourner tant bien que mal. Une sonde de la NASA a rapporté la présence possible d'eau sur une lune de Saturne. A Java, la terre a tremblé entraînant la mort de plus de 6000 personnes. Un nouveau mur dit « de sécurité » a aggravé la crise entre Israéliens et Palestiniens. De son côté, Israël a envahi le Liban et le Hezbollah lui a déclaré une guerre ouverte. Fidel Castro a enfin passé le pouvoir, mais c'est à son frère Raul. En octobre, la Corée du Nord a déclaré avoir mené à bien son premier test nucléaire. La situation en Irak s'est dégradée davantage alors que son ancien président Saddam Hussein a été condamné à mort pour crimes contre l'humanité : il sera exécuté à Baghdad le 30 décembre. Mais ce qui a préoccupé davantage les citoyens, c’est le réchauffement climatique clamé tellement fort par Al Gore qu’on lui donnera plus tard le Prix Nobel de la Paix : la planète ne va pas bien et la vérité dérange !

Allez, voici la sélection de Dragonjazz, faite de bric et de broc, amassée avec un peu de perspicacité et beaucoup de subjectivité dans tous les sous-genres qui composent aujourd’hui ce qu’on nomme encore et toujours le rock progressiste … Sic transit 2006 …


Frost* : MilliontownMilliontown : livret intérieur / 1Milliontown : livret intérieur / 2
Frost* : Milliontown (Inside Out), UK 2006

Tout commence comme un vent des hautes plaines sur lequel vient se greffer un piano mélancolique : quelques instants de rêverie soudain anéantis par la puissance de l’orchestre au complet qui déboule avec fracas telle une vague écumante se brisant sur un rocher déchiqueté. Faux départ et retour du piano acoustique avant que tout ne se mélange à nouveau pour un instrumental mélodieux, très construit et démesuré. Mais Hyperventilate n’est que le préambule d’un disque presque parfait. No Me No You déferle ensuite sur un tempo qui sent le soufre tandis que la voix s’enchevêtre dans des harmonies superbes et que le rythme commence à shifter vers d’autres horizons : la production est phénoménale et le son imposant terriblement accrocheur. Snowman est une ballade simple mais traitée de façon moderne, un peu à la façon de Porcupine Tree, et pourrait faire penser à ce que les Beatles joueraient aujourd’hui s’ils existaient encore. The Other Me avec sa basse monumentale a un côté funky et industriel renforcé par tout un panel d’effets sonores qui propulsent la musique dans la modernité. Mais le meilleur est encore à venir avec les deux titres épiques : Black Light Machine et le fabuleux Milliontown qui offrent tout ce qu’on peut trouver de bon dans le Rock progressiste. Milliontown surtout s’affiche comme un kaléidoscope de climats et de passages instrumentaux somptueux sur lesquels planent les ombres d’Arena, de Kino ou de Neal Morse ou encore celles plus sournoises d’autres groupes Prog plus anciens comme It Bites ou le Yes des années 80. Ici, on glisse sans heurt et sans exagération d’une vision à une autre tandis que la partition qui dure plus de 25 minutes reste accessible et très mélodique, pulsée ici par un piano minimaliste et là par des décollages symphoniques grandioses. En lisant la pochette, on apprend sans surprise que les musiciens (recrutés via Internet) sont presque tous de veilles connaissances : John Mitchell (Arena et Kino) est à la guitare tandis que John Jowitt et Andy Edwards, tout deux membres de IQ, tiennent respectivement la basse et la batterie avec encore plus d’allant que dans leurs groupes d’origine. Mais l’homme derrière le projet Frost* est lui un parfait inconnu, du moins pour les amateurs de Prog. Chanteur, claviériste, compositeur, arrangeur et producteur au fait des techniques les plus actuelles, Jem Godfrey vient d’un autre monde : celui de la pop music (Atomic Kitten ou Holly Valence) bien que son cœur balance apparemment aussi vers des musiques moins futiles. Transposant son expérience jusqu’ici mise au service d’un genre anodin et comptant sur l’appui de musiciens chevronnés, il a concocté une œuvre majeure qui replace le Rock progressiste sur le devant de la scène, lui insufflant avec intelligence et finesse une touche contemporaine (aucun clavier vintage n’est répertorié ici) qui remet toutes ses innombrables qualités à disposition des nouvelles générations. Les textes sont bizarres et racontent des histoires à la limite de l’absurde où il est question d’un individu qui disparaît en se faisant remplacer dans sa famille par un clone (The Other Me), d’une chronique de la télévision et de son influence sur les actions des hommes (Black Light Machine) ou encore d’un apprenti choisi par la Mort pour l’aider à faucher les vivants dans la ville d’Oxford (Milliontown). Reste le livret, très classe dans ses tons verdâtres, conçu par Paul Tippett également designer de la magnifique pochette du Picture de Kino. L’artiste a parfaitement rempli son contrat en traduisant la volonté de Jem Godfrey : réaliser une pochette iconique, moderne, épurée et surtout anglaise à l’instar de la musique - et qu’y a-t-il de plus britannique en effet qu’une cabine téléphonique en métal rouge ? Même si l’astérisque qui accompagne le nom de Frost a été ajouté pour le distinguer de quelques autres groupes portant la même appellation, on se plaît à imaginer qu’il s’agit en réalité d’un flocon de neige accroché là dans un souci purement esthétique. Car tout ici est pensé, mûri, professionnel et en même temps artistique. Alors Milliontown, l’album Prog de l’année ? En ce qui me concerne, la réponse est oui. Définitivement !

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GPS : Window To The Soul (Inside Out), USA 2006
GPS : Window To The Soul
Bannis de Asia pour cause de reformation du line-up initial, John Payne (vocal, basse), Guthrie Govan (guitare) et Jay Schellen (drums) ont eu recours à la solution la plus évidente : constituer leur propre groupe. Et comme leurs initiales s’accordaient merveilleusement, celui-ci fut judicieusement appelé GPS. Manquait quand même pour lier la sauce un claviériste expérimenté avec un son « vintage » et capable d’apporter une touche progressive au trio. Au sein de l’écurie Inside Out, Ryo Okumoto de Spock’s Beard apparût immédiatement comme l’homme de la situation. Ceux qui ont apprécié le récent Silent Nation (2004) ne seront pas déçus et retrouveront dans Window To The Soul le même mix de Hard Rock FM américain (entre Toto et Kansas) et de mélodies sculptées dans un marbre de qualité. Mais GPS a également mis le paquet pour se démarquer de l’empreinte d’Asia et trouver un nouveau souffle. Le son magnifiquement produit est énorme et l’ensemble à définitivement un côté plus musclé avec une plus grande liberté laissée aux guitares. La voix de Payne a légèrement muté misant désormais davantage sur le côté soul / émotionnel que sur des acrobaties vocales qu’il ne maîtrise d’ailleurs que partiellement. Quant au nouveau couple Govan / Okumoto, l’osmose est totale comme on pourra s’en convaincre à l’écoute du fabuleux titre épique qu’est New Jerusalem qui outre un refrain imparable contient deux solos incendiaires et complémentaires, l’un de guitare et l’autre de synthé propres tout deux à enthousiasmer tout amateur de fulgurances. D’ailleurs, Ryo Okumoto abat un boulot fantastique, enrobant la musique de GPS de son orgue Hammond, de son piano acoustique, de ses arrangements orchestraux et de ses giclées de synthétiseurs qui fusent comme des firecrackers. Libéré de l’obligation de faire du Asia à tout prix, les titres sont agréablement variés : écoutez par exemple The Objector avec son rythme funky original et sa guitare solaire déboulant en cavalcade ou Window To The Soul et sa déferlante instrumentale envoûtante dans le plus pur style progressif d’un Spock’s Beard survitaminé. Même les textes sont écrits avec beaucoup de soin : de l’utopique New Jerusalem à l’autobiographique The Objector, les rimes sont ciselées avec une précision d’orfèvre et on a souvent envie de lire les paroles sur le livret pour mieux comprendre le sens de ce qui sonne bien souvent comme de mini épopées. Certes, cette musique est carrée et totalement professionnelle mais s’il est une chose que l’on ne pourra pas reprocher aux musiciens, c’est de ne pas avoir tout donné : ce premier opus révèle en effet une intensité et une véritable passion qu’il était parfois difficile de déceler dans le dernier album d’Asia.

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La Maschera Di Cera : LuxAde (Immaginifica), Italie 2006
La Maschera Di Cera : LuxAde
LuxAde est une combinaison de deux mots latins signifiant à peu de choses près la lumière (Lux) et les ténèbres de l’enfer (Hades), traduisant par extension une opposition entre deux états : la joie et la tristesse, la réclusion et la liberté, la vie et la mort … Opposition intelligemment relayée par l’illustration de la pochette (un luxueux digipack en carton mat évoquant la double pochette d'un LP en format réduit) toute entière dédiée au contraste violent entre les rayons du soleil et l’ombre insondable d’une pièce obscure que rien ne semble pouvoir éclairer. Ce titre se réfère au mythe d’Orphée descendu au royaume des morts pour ramener sa femme Eurydice dans le monde des vivants et qui, ayant presque réussi, la perdra par faiblesse. Ceci dit, cette introduction au concept est là pour poser l’atmosphère générale de l’œuvre, grandiose, théâtrale, dramatique, lumineuse et sombre en alternance, car le sens des textes en italien, souvent métaphoriques et symboliques, resteront inaccessibles à ceux qui ne pratiquent pas la langue de Verdi. Le sens mais pas l’expression fort bien rendue, chose encore rare chez les nouveaux groupes de Rock progressiste, par un chanteur doté d’une voix réellement expressive qui peut surprendre (surtout quand elle est doublée par elle-même) mais dont personne ne niera la parfaite adéquation au propos. Quant à la musique, inutile de chercher des références dans le Progressif actuel : La Maschera Di Cera (le masque de cire) s’est confiné à faire revivre la grandiose époque des groupes italiens des années 70 : Le Orme, Banco Del Mutuo Soccorso, Museo Rosenbach … D’ailleurs, le disque est produit à l'ancienne par Franz Di Cioccio, batteur de Premiata Forneria Marconi, autre combo légendaire de cet âge d’or. En dépit d'une absence de mélodies fortes et de quelques enchaînements d'accords déjà entendus, on retrouvera donc dans LuxAde tout ce qui fit la grandeur coutumière et la spécificité du Prog symphonique italien : longues séquences instrumentales dominées par des claviers et machines vintage comme l’orgue Hammond, le mellotron, le Fender Rhodes ou le synthé analogique VCS3 (hormis une douze cordes acoustique, la formation gènoise n’utilise pas de guitare), passages néo-classiques, ruptures de rythmes et de tempos, basse grondante trafiquée par des filtres et un panel de pédales diverses sans oublier l’incontournable suite contrastée qu’est cet excellent Enciclia 1168 de 24 minutes constitué de neuf scènes et qui traite d’un sujet mystico-ésotérique censé livrer quelques secrets sur l’énigme de Rennes-le-Château. Ce à quoi il faut encore ajouter le saxophone et surtout la flûte traversière de Andrea Monetti joués dans un style qui rappelle ici le soutien envoûtant d’un David Jackson au sein du Van Der Graaf Generator et là le phrasé éructé et virevoltant d’un Ian Anderson (Jethro Tull) en pleine crise d’inspiration (écoutez le superbe instrumental Schema qui clôture l'album). Forcément, avec un tel projet, on ne peut être ni déçu ni surpris. Produit formaté au parfum passéiste, repu de lui-même et emblématique d’un style qui fit jadis la gloire du Rock symphonique continental, LuxAde, parce qu’il est réalisé avec talent et passion, offre cependant tout ce qu’il faut pour ranimer la flamme des fanatiques de ce genre révolu. Recommandé mais difficile à trouver : j'ai récupéré par chance le dernier exemplaire disponible chez Ricordi à l'occasion d'un voyage à Rome.

[ La Maschera Di Cera Website ] Plus d'infos sur ce CD

Paatos : Silence Of Another KindPaatos : Silence Of Another Kind (CD)
Paatos : Silence Of Another Kind (Inside Out), Suède 2006

Après deux albums novateurs et fort réussis (Timeloss, 2002 et Kallocain, 2004), le groupe suédois Paatos se manifeste à nouveau avec ce troisième compact de 9 titres d’une durée de 42 minutes seulement, presque un mini-CD selon les standards actuels. L’œuvre baigne dans un spleen quasi permanent comme en témoignent les titres des plages : honte, ta misère, il n’y aura pas de miracle, pas un bruit, silence d’un autre genre … Et les paroles, engluées dans une vision amère et désespérée de l’existence, sont encore pire : the moon has lost its face ; the air I breathe tastes of shame ; the sun seems gray today ; like the dying gaze of blame. Même la pochette, dessinée par Hans Arnold dans le style blafard des anciens films noirs, suinte le désespoir. La musique aussi conforte cette vision maussade du monde et s’étend mollement, d’accords de guitare traînants en refrains déprimés, tandis que, dans ce contexte, la voix envoûtante de la chanteuse Petronella Nettermalm force la comparaison avec d’autres groupes comme The Gathering (des Hollandais avec qui Paatos a tourné en 2004 et qui sont d’ailleurs remerciés dans les notes du livret) ou Portishead. Sur Shame, son chant fragile plane tel un fantôme sur la bouillie de mellotron et de guitares saturées. Mais à part ce titre et There Will Be No Miracles dont les tempos sont relativement un peu plus rapides, toutes les autres plages sont atmosphériques dans le genre lugubre ou dramatique. Il n’y a pas de solos dans cet album et le côté progressif du groupe a presque entièrement disparu au profit d’un format de chanson plus conventionnel. Sur Not A Sound, une des meilleures compositions du répertoire, le son s’enrichit quand même d’un violon nostalgique et se perd dans un long crescendo final répétant les mêmes accords à l’infini. Par son côté sombre et éthéré, le disque séduit certes mais, s’il prolonge à l’excès la recette de Kallocain, il ne surprend plus et surtout, en gommant toute trace de diversité dans son œuvre névrotique, Paatos épuise son idée dans une forme de jusqu’au-boutisme insatisfaisant dont on ne sait trop ce qu’il faut en penser.

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The Flower Kings : Paradox Hotel (Inside Out), Suède 2006

Ce nouveau double compact débute de manière assez traditionnelle par un décompte emprunté à la NASA, décompte qui se termine absurdement après la mise à feu par une partie de ping-pong (Check In). Commencent alors les choses sérieuses avec le titre le plus long du répertoire (plus de 21 minutes) : Monsters & Men, assurément une nouvelle pièce épique atmosphérique comptant parmi les meilleures enregistrées par le groupe suédois. En comparaison avec Adam & Eve, Paradox Hotel est un disque plus calme, davantage centré sur des mélodies conventionnelles mais la qualité des arrangements associés aux multiples trouvailles sonores en font encore une fois une œuvre indispensable pour les amateurs de Progressif et, par ailleurs, plus directement accessible à un public Rock classique. Beaucoup de morceaux ont un timing plus court que par le passé et pourraient passer pour de simples ballades si elles n’étaient pourvues de solos flamboyants et d’une construction sonore des plus originales. Ecoutez Jealousy par exemple (composé et interprété par le seul Roine Stolt) et son accompagnement de piano acoustique, le chant tout en nuances, la flûte pastorale genre King Crimson symphonique et le chœur céleste en finale, c’est du grand art et rares sont les musiques actuelles sous la barre des quatre minutes qui peuvent faire naître une telle émotion. Ou encore l’instrumental Pioneers Of Aviation, avec sa mélodie superbe, ses synthés imitant le décollage des avions, ses grandes orgues et ses frissons électroniques, qui évolue lentement en un glorieux crescendo instrumental culminant en plusieurs solos de guitare successifs. Là, c’est carrément l’aviateur Howard Hugues en version musicale : folles aventures et vols d’essai intrépides sur des appareils non testés. En fait, le second disque est encore plus séduisant que le premier avec quelques unes des plus belles compositions jamais écrites par le groupe. On ne sera pas étonné de remarquer une fois de plus combien les FK ont été influencés par Yes. Sur Adam & Eve, il y avait l’extraordinaire Love Supreme, ici, on a droit à deux autres titres évoquant le Yes puissant et symphonique de Tales et de Relayer : Minor Giant Steps et What If God Is Alone où même les voix combinées de Hans Froberg et de Royne Stolt rappelleront le tandem Anderson / Squire. Entre un Blue Planet romantique racontant la vision de la Terre vue d’une navette spatiale et les réflexions sur la condition humaine que cette distanciation fait naître, Life Will Kill You avec son Hard Rock dans la grande tradition d'Uriah Heep et ses arrangements vocaux soufflants concoctés par Hasse (ou Hans) Froberg, The Unorthodox Dancing Lesson en forme de Jazz Rock psychédélique à la Frank Zappa et un Touch My Heaven avec la guitare de Stolt en état de grâce, il n’y a rien à jeter. L’album, emballé dans une pochette en forme de cartoon dessiné par l’Argentin Andres Valles qui représente les membres du groupe entrant au Paradox Hotel, traite du concept de l’existence terrestre. La métaphore est simple mais juste : la vie d’un individu ressemble au client d’un hôtel. On entre sans savoir où on va, on paie, on consomme, on y fait des relations et on part avec le sentiment qu’un dieu/manager, qu’on ne rencontrera jamais, organise tout à notre insu. Décidément, à chaque nouvel album en studio des FK, c’est toujours le dernier sorti que je préfère et que je réécoute sans cesse, délaissant ainsi les enregistrements du passé pourtant tous pour la plupart également inoubliables. Paradox Hotel est d’ores et déjà à ranger au-dessus de la pile parmi les 5 grands albums de Rock progressiste de l’année 2006.

[ The Flower Kings Website ] [ Ecouter / Commander ] The Flower Kings : Discographie sélective

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Vanden Plas : Christ-O (Inside Out), Allemagne 2006

Il aura fallu quatre années au groupe allemand pour donner une suite au très réussi Beyond Daylight (entre-temps, le chanteur Andy Kuntz a quand même pu mener à bien son projet personnel intitulé Abydos) et il est clair que Christ-O est une œuvre ambitieuse nourrie par un long processus d’écriture. Son concept est basé sur l’histoire d’Edmond Dantès, héro du fameux Compte de Monte-Cristo d’Alexandre Dumas. Mais cette adaptation, qui emprunte aussi au sérial-killer, est plus noire que le récit original, l’accent étant davantage mis ici sur le côté tragique et l’aspect fantastique du personnage, une sorte d’Ange de la Mort sans espoir ni autre sentiment que celui de la vengeance qui l’anime. Un thème sombre et théâtral qui convient comme un gant à un groupe de Heavy Metal progressiste comme Vanden Plas. Bien sûr, on retrouvera ici le style que le groupe a mis au point depuis The God Thing (1997) encore sublimé sur quatre morceaux par un impressionnant chœur classique de 40 voix qui ajoute de la profondeur aux thèmes. L’organe puissant et immédiatement reconnaissable de Andy Kuntz s’imposant avec une force tranquille par dessus la masse orchestrale est une composante essentielle du son VDP, tandis que les arrangements symphoniques et les solos de guitare (Stephan Lill) et de claviers (Günter Werno) sont comme d’habitude irréprochables. Sur quelques titres comme Somewhere Alone In the Dark ou Poscards To God, on notera pourtant une fâcheuse évolution du groupe vers une métallisation du son à la Threshold. Certes, ces deux titres ont tout pour ravir les amateurs du genre : riffs sourds débités à la hache et rythmique typiquement Prog-Metal, mélodie mémorable, dramaturgie du texte, solos de synthé verticaux, assauts de guitare et chœurs finaux grandioses. Mais, aussi bien conçu que tout ça peut l’être, on a parfois l’impression de déjà entendu (Critical Mass et Subsurface reviennent en mémoire). Par contre et heureusement, des compositions comme Shadow I Am ou Silently remportent immédiatement l’adhésion avec leurs successions de passages lents et exaltés, leurs brusques changements de tonalité, leurs orchestrations superbes sans parler de cette sensation bizarre qu’a l’auditeur de jouer un rôle dans une épopée d’un autre âge. Là, on retrouve le VDP si original de Far Off Grace ou de Beyond Daylight, aussi lourd et menaçant qu’une cohorte en mouvement. D’ailleurs, bien que les moments pyrotechniques ne manquent pas, ce sont davantage les passages en apparence plus calmes mais tendus d’une violence retenue qui sont les plus impressionnants : écoutez pour ça Fireroses Dance et ses mélopées moyen-orientales, January Sun et sa dilatation orgasmique ou même la très belle ballade acoustique Lost In Silence. L’album a été coproduit par le groupe en coopération avec Markus Teske (Spock´s Beard, Symphony X) et la pochette, qui traduit à merveille l’univers psychologiquement perturbé du héro, a été confiée au talentueux Thomas Ewerhard. Pas entièrement réussi, Christ-O n’en sent pas moins le soufre d’un bout à l’autre. Dans le genre Power Metal symphonique et progressiste, Kamelot avait fait l’année 2005. Ne doutons pas un seul instant que celle-ci sera placée sous l’ombre terrifiante d’un Vanden Plas régénéré et bien décidé à reconquérir sa place sur le trône de fer.

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Satellite : Evening Dreams (Metal Mind Productions, DVD+CD), Pologne 2006
Satellite : Evening Dreams
Ce groupe polonais avait déjà fait forte impression lors de la sortie en 2003 de son excellent premier disque, A Street Between Sunrise and Sunset. Deux années plus tard, il a confirmé tout le bien qu’on pensait de lui avec un Evening Games toujours aussi mélodique et bourré de vraies pièces symphoniques rehaussées de longues parties instrumentales et d’une production hors pair. Et voici maintenant ce superbe objet coloré qui renferme un DVD, un CD audio et un folio avec des photos du groupe (mais malheureusement sans les paroles des chansons). Le DVD reprend un concert donné au Théâtre Slaski à Katowice le 22 septembre 2005. Enregistrée en Dolby 5.1 Surround, la sonorité pleine qui remplit le petit théâtre antique est rendue avec tellement de présence qu’elle fait trembler le caisson. Quant aux images, prises sous des angles divers en plans larges ou serrés, elles restituent les couleurs vives du show avec des contrastes marqués. Les compositions du batteur Wojtek Szadkowski, ancien membre fondateur de Collage qui est aussi l’initiateur du projet Satellite, s’inscrivent dans la tradition Néo-prog et témoignent d’une grande limpidité au niveau de l’écriture : c’est parfois doux et parfois incisif mais toujours subtil. D’un album à l’autre, le line-up s’est rétréci : le guitariste Mirek Gil est parti après le premier et le bassiste Przemek Zawadzki a fait de même après le second mais plutôt que de recruter du nouveau personnel, le groupe s’est réorganisé avec les moyens du bord : le chanteur Robert Amirian tient désormais la basse sur le devant de la scène, Krzysiek Palczewski se charge de l’ensemble des claviers et Sarhan Kubeisi délivre un soutien sans faille aux guitares en plus de se payer un duel de batterie amusant avec Wojtek sur Beautiful World. En tout cas, même à quatre, l’orchestre maîtrise toujours l’espace sonore grâce surtout à des arrangements efficaces. Bien sûr, les hommes de Satellite bougent peu sur scène, concentrés qu’ils sont à restituer au mieux une musique qui ne s’écarte guère des versions en studio. Les huit morceaux joués ce soir-là sont issus de leurs deux précédents CD : Fight, Evening Wind, Children et A Street Between Sunrise and Sunset pour le premier et Never Never, Beautiful world, Evening Overture et Evening Games pour le suivant. Le concert est déjà un régal mais c’est loin d’être fini car le DVD, qui offre 285 minutes de spectacle, comprend aussi un clip, un documentaire, des interviews, une biographie, une discographie, des photos, du footage pour PC et même quatre titres audio en bonus (deux titres extraits de chaque compact en studio). En plus, on a eu la bonne idée d’inclure également un CD audio qui reprend l’intégralité du concert. L’emballage, y compris la façon originale de faire surgir les deux compacts du boîtier, est attrayant sans parler de l’illustration de la couverture qui attirera tout de suite les regards des amateurs (curieuse cette créature d’un autre âge vivant au-dessus du monde et utilisant un dollar comme appât pour pêcher les hommes). Si toutes les productions progressives en DVD étaient conçues avec autant de soin que cet Evening Dreams, la survie du compact audio s’annoncerait encore bien plus hasardeuse qu’elle ne l’est déjà. Recommandé !

[ Satellite Official Website + MP3 ] [ Ecouter / Commander: A Street Between Sunrise and Sunset - Evening Games ]

David Gilmour : On A IslandOn A Island : livret intérieur / 3On A Island : livret intérieur / 2
David Gilmour : On A Island (EMI), UK 2006

Surgissant soudain d’un trou noir où il avait disparu depuis douze années, David Gilmour revient à l’occasion de son soixantième anniversaire avec un album portant son nom. Dès le premier titre instrumental, Castellorizon, les fans du Pink Floyd dresseront l’oreille : l’esprit des « Shine On » plane bien au-dessus de ce collage sonore sur fonds d’orchestre digne d’un film à grand spectacle (c’est d’ailleurs le compositeur polonais de musiques de films, Zbigniew Preisner, qui s’est occupé des arrangements) et quand cette Strato au son si caractéristique déchire l’azur comme un éclair de feu, l’extase n’est pas loin. La transition naturelle vers le titre éponyme annonce un autre grand moment et si les harmonies vocales enrichies par l’apport du célèbre duo David Crosby / Graham Nash sont superbes, c’est encore le guitariste qui procure le frisson avec des solos étirés à l’extrême bien mis en valeur par l’orgue Hammond lancinant de son ancien complice Richard Wright. L’œuvre entière ne s’écartera guère de cette ambiance alanguie bien que tout ne soit pas aussi réussi que ces deux premiers morceaux : The Blue par exemple n’évite pas une certaine insipidité et la paresse de A Pocketful Of Stones ou de Where We Start s’écoule dans l’indifférence comme du Rock en préretraite. Mais Red Sky At Night, curiosité planante interprétée au saxophone par Gilmour, ou Then I Close My Eyes rehaussé par le cornet de Robert Wyatt sont suffisamment expressifs pour séduire. The Heaven se décline sur un groove emballant emmené par le célèbre Georgie Fame à l’orgue Hammond et l’encore plus célèbre Phil Manzanera (de Roxy Music) aux autres claviers. Quant à Take A Breath, c’est le seul titre de l’album qu’en comparaison avec les autres plages, on pourrait qualifier de Rock. Bien sûr, les textes n’ont pas la finesse de ceux de Waters et ne s’intègrent pas dans un concept alambiqué (encore que les références aquatiques constituent ici un thème récurrent mais il est plus exact de parler d’atmosphère que d’une vision). D’ailleurs Gilmour, qui ne s’est jamais trop soucié des paroles à mettre sur sa musique, a confié l’essentiel du travail à sa compagne Polly Samson. Au moins apprend-on à quoi furent consacrées leurs douze dernières années : promenades tranquilles, rêveries au clair de lune, vie de famille et harmonie avec la nature. Tout ça transparaît aussi très bien dans la superbe pochette en forme de petit livre d’heures richement illustré par Blade. En fin de compte, On A Island n’a rien de spectaculaire : c’est le disque intimiste et lisse comme un coquillage d’un musicien accompli dont le destin a fini par échapper au star system. Un musicien qui joue désormais exclusivement pour le plaisir. Tempus fugit !

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Jadis : PhotoplayPhotoplay : livret intérieur
Jadis : Photoplay (Inside Out), UK 2006

Trois années après l’excellent Fanatic, Jadis revient avec cet album intitulé Photoplay. Dès l’introduction de There’s A Light, on comprend que la guitare du leader Gary Chandler va occuper tout l’espace, définissant globalement le son et le style de l’album. Un style qui reste du Néo-Prog généralement joué en tempo médium et tirant plus souvent vers le Rock classique que vers des expérimentations progressives à tiroirs. Mais Chandler qui tient fermement en main la destinée de son combo est un musicien expérimenté avec plusieurs cordes à son arc : en plus d’être chanteur, il est aussi compositeur, arrangeur, ingénieur du son, producteur et c’est encore lui qui écrit tous les textes. Doué d’une voix peu étendue mais au timbre chaud et plaisant, le leader n’est certes pas un explorateur mais son jeu de guitare, sans être virtuose, repose sur une plénitude du timbre et sur une articulation limpide du phrasé. En plus, il ne dédaigne pas les riffs acérés (What Goes Around) propres à cambrer les échines ou à varier les plaisirs par exemple en jouant en slide sur Make Me Move, ou encore à rajouter des effets à posteriori grâce à l’emploi apparemment maîtrisé du nouveau système de production Pro Tools que l’on dit ingénieux. Les mélodies en particulier ont été méticuleusement peaufinées et on est parfois ici plus proche du Rock américain de Styx ou de Kansas que des subtilités anglaises de Marillion ou IQ. La rythmique est d’une redoutable efficacité avec la basse triomphante et reconnaissable entre toutes de John Jowitt tandis que le chanteur a eu l’intelligence de se faire épauler par Steve Thorne qui enrichit les harmonies vocales sur la plupart des morceaux. Reste le claviériste Martin Orford un peu gommé au mixage au profit de la guitare mais qui fournit comme d’habitude un support symphonique appréciable. C’est lui aussi qui fait décoller le morceau Asleep In The Hands avec un solo d’orgue jaillissant de la masse sonore avec une insolence mordante. Ce sera malheureusement sa dernière contribution à la discographie de Jadis qu’il vient pour la seconde (et probablement la dernière) fois de quitter pour « divergences musicales ». Après un panel de chansons simples mais nullement simplistes, le disque se clôture en beauté par un instrumental planant entièrement construit autour de la guitare de Chandler qui prend pour l'occasion des accents à la David Gilmour / Andy Latimer. Comme il est probable que l’on restera encore trois années sans avoir de nouvelles de Jadis et qu’en plus ce sera dans une nouvelle formule, mieux vaut ne pas négliger cet album : Photoplay a ce qu’il faut pour séduire les afficionados de Kino, Arena, Pendragon ou Marillion et peut-être plus encore.

[ Jadis Website ] [ Ecouter / Commander ] Transatlantic : Discographie sélective

The Tangent : A Place In The QueueEd Unitsky art : A Place In The Queue
The Tangent : A Place In The Queue (Inside Out), UK / SUEDE 2006

Après avoir été un collectif attrayant, The Tangent a muté intelligemment en un véritable groupe. Roine Stolt est parti et avec lui les réminiscences les plus évidentes des Flower Kings. La musique se recentre dès lors sur le leader et membre fondateur Andy Tillison en laissant toutefois une part appréciable de créativité aux nouveaux venus : Krister Jonsson aux guitares électriques (Karmakanic) et surtout Theo Travis, en charge des saxophone, flûte et clarinette, qui s’affirme désormais comme le second couteau de ce nouveau line-up en tant qu'élément indispensable du son, des arrangements et des textures organiques. Ni blanc et léger comme le premier opus, ni noir et sombre comme le second, ce disque est simplement varié et poursuit l'exploration des références aux grands créateurs des 70’s : ELP, Yes, Van Der Graaf Generator, Hatfield and the North et les groupes de Canterbury, Frank Zappa et même le psychédélisme d’un Gong sont inévitablement cités au fil des innombrables parties qui composent les longs titres épiques de l’album qui font par ailleurs l’objet de commentaires révélateurs détaillés dans le livret. Toutefois, cet amalgame de genres et de références est traité avec modernité, cohérence et maestria tandis que l’ensemble est transcendé par un souffle créatif qui n’est redevable qu’à ses concepteurs. Jonsson est excellent à la guitare dans un style pas très différent de celui de Stolt tandis que Tillison, véritable nouveau sorcier des claviers, prend également en charge la majorité des parties vocales où il s'avère un peu moins convaincant. Sans insister sur The Sun In My Eyes, un morceau disco genre Bee Gees (les voix des frères Gibb en moins) qu'on va immanquablement zapper à la seconde écoute, on pourrait aussi reprocher une certaine indulgence dans quelques sections un peu trop longuettes mais c’est le côté Prog / Fusion qui veut ça et c’est à prendre ou à laisser : on n’est pas chez les Beatles ni dans un contexte refrain-couplet. En tout cas, cette osmose savamment élaborée d’innovation et de tradition est un modèle d’équilibre qui est d'ailleurs la signature du groupe depuis sa formation. Et dans ce registre, The Tangent n’a désormais plus aucun concurrent sérieux à sa hauteur. Sans être un véritable album conceptuel, l’idée maîtresse de l’œuvre semble toucher aux notions de déterminisme et de liberté, chaque individu dans la société appartenant à une file inéluctable guidée dans son cheminement par des circonstances ou des exigences liées à l’histoire, à la morale et aux religions, au plaisir, à la pression sociale ou à la publicité … Une file dont l'homme ne s’écarte bien souvent qu’à son propre préjudice tant il est bien difficile d’être libre dans un enchaînement de causes et d’effets tel que celui dont il fait partie. Ainsi, après les deux premiers albums de The Tangent, l’amateur de Prog a-t-il fait la queue pour acquérir celui-ci et continuera-t-il probablement sans trop réfléchir à la suivre jusqu’au suivant. En attendant, plongez dans les mondes luxuriants de l’illustrateur Ed Unitsky, vibrez au casque sous la dynamique du fabuleux mixage, vivez l’aventure musicale exaltante de cet album qui se hisse sans problème à la hauteur des plus belles pages du Rock progressiste et dépasse même l’envergure de ce légendaire « Tales From Topographic Oceans » qui servit de muse à Tillison tout au long de sa création.

[ The Tangent : The Official Site ] [ Ecouter / Commander ] KC : Discographie sélective

Mangala Vallis : LycanthropeLycanthrope : livret intérieur
Mangala Vallis : Lycanthrope (Ma.Ra.Cash Records), Italie 2005

Les musiciens de Mangala Vallis aiment la science-fiction : leur nom est emprunté à un canyon martien cité dans le roman Sphere de Michael Crichton et leur premier opus, The Book of Dreams, est entièrement dédié aux romans de Jules Verne. Ils aiment le Rock progressiste symphonique des seventies, surtout Genesis, dont ils s’inspirent pour créer une musique pas très originale mais franchement jouissive. Ils aiment les albums conceptuels, le fantastique, le mellotron omniprésent, le Moog, les longs titres épiques composés de sections multiples et … beaucoup d’autres éléments distinctifs qui dilateront les iris de tout amateur de Prog classique. Surgi récemment d’Italie en rappelant inopinément combien ce pays a apporté jadis à la musique progressive, Mangala Vallis conforte le relatif succès de son premier disque en évoluant dans le bon sens : sa musique se départit de l’attraction trop évidente des créateurs de Harold The Barrel et annexe des influences plus récentes comme Marillion, RWPL ou même Spock’s Beard. Quelques parties d’orgue Hammond planant et de Moog jazzy font la différence tandis que le guitariste Mirco Consolini explore d’autres horizons avec un jeu beaucoup plus proche de David Gilmour, Andy Latimer ou Nick Barrett que de Steve Hackett. Ceci dit, quand elle n’abuse pas des trémolos, la voix puissante, théâtrale et expressive du chanteur Bernardo Lanzetti (ex-PFM) évoque quand même souvent celle de Peter Gabriel et l’art subtil d’enrober les mélodies par des nappes somptueuses de claviers celui inimitable de Tony Banks. On a aussi la surprise de retrouver le saxophoniste de Van Der Graaf Generator, David Jackson, invité sur deux titres mais même si l’on y prête attention, le vétéran s’y montre tellement discret qu’on le repère à peine. Difficile de parler ici d’un album conceptuel : il est vrai que les deux compositions les plus longues (Werewolf Suite et The Boy That Owls At The Moon) ont un vague rapport avec le loup-garou représenté sur la pochette de l’album mais si un message quelconque se cache derrière ces assemblages de phrases obscures, il faudra qu’on me l’explique. A l’instar d’autres groupes comme Glass Hammer, Mangala Vallis perpétue une musique en résonance avec les anciens maîtres à penser et il le fait avec beaucoup de conviction, sans plagiat ni complaisance. En conséquence, si vous en avez assez de faire tourner en boucle vos vieux Foxtrot et autres Nursery Cryme, alternez avec ce Lycanthrope de bonne facture qui ravive la mémoire du Prog tout en faisant plaisir.

A noter que ce disque est sorti en octobre 2005 et non en 2006 mais comme il faut encore patienter avant de découvrir les premiers grands albums de cette nouvelle année, Mangala Vallis permettra amplement de faire la soudure.

[ Mangala Vallis Website ]


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