Le Rock Progressif

Disques Rares, Rééditions, Autres Sélections


Série III - Volume 4 Volumes : [ 1 ] [ 2 ] [ 3 ] [ 5 ] [ 6 ] [ 7 ] [ 8 ] [ 9 ] [ 10 ]

Galahad : Empires Never Last (Avalon / Voiceprint), UK 2007
Cinq années après un excellent Year Zero passé malheureusement inaperçu, Galahad présente un nouveau projet qui s'éloigne quelque peu du néo-prog classique dont il a contribué à définir les normes dès 1985, au même titre que Pendragon ou IQ. Resté dans l'ombre du mouvement peut-être à cause d'un manque d'originalité musicale ou d'instabilité de son line-up, Galahad se révèle aujourd'hui comme une rutilante machine qui ne rend rien aux groupes de néo-prog contemporains. À l'instar d'Arena, Kino et autres Pallas, sa musique a évolué, abandonnant peu à peu les références au prog symphonique des seventies pour se nourrir d'un rock plus musclé et agressif, parfois métallique, voire gothique. On repère d'ailleurs dans les notes du livret l'implication importante de Karl Groom, guitariste émérite de Threshold (l'équivalent britannique de Dream Theater), qui est crédité en invité sur deux titres et s'est en plus chargé de la prise de son, du mixage et de la production. Les textes aussi sont ancrés dans l'actualité et, même si la pochette illustre la prise de Berlin par l'armée soviétique, ils ont une portée plus globale avec d'inévitables références à la politique américaine (confer les extraits de discours prononcés par Martin Luther King dans I Could Be God et, à l'autre bout du spectre, ceux de George Bush dans le très lucide Sidewinder). Malgré une évidente radicalisation, la musique reste quand même très abordable avec de belles mélodies portées par la voix expressive de Stuart Nicholson à l'aise aussi bien dans des contextes poétiques que dramatiques. Les compositions sont variées et intègrent d'innombrables interludes aussi réussis que surprenants comme les superbes harmonies a cappella de Tina Groom, Sarah Quilter et Tina Booth dans De-Fi-Ance, les boucles électroniques de I Could Be God qui constituent une des spécialités de Galahad, les choeurs et l'orgue d'église de Memories From An Africa Twin, le piano acoustique de This Life Could Be My Last... tout ça est extrêmement bien agencé. Parfois, la musique s'emballe avec des rythmes hachés rappellant le meilleur de Threshold tandis que sur un Sidewinder majestueux, le guitariste Karl Groom s'extraie avec brio de la masse orchestrale confinée pour atteindre ce qu'on peut décemment appeler une forme de liberté. Ambitieux, dynamique, accrocheur, mélodique et cultivé, Empires Never Last installe soudain un Galahad mûri au panthéon des groupes de néo-prog modernes et innovants. Recommandé sans aucune réserve avec un score frôlant les cinq étoiles.

[ Galahad Official website ] [ Empires Never Last ]

Mike Oldfield: Music Of The Spheres (Universal Music), UK 2008
Music Of The Spheres ne saurait être classé dans le rock progressif puisque cette oeuvre n'a rien à voir avec une forme quelconque de rock. Il s'agit plutôt d'une musique instrumentale de type néo-classique interprétée par un grand orchestre symphonique avec en vedette quelques solistes comme Oldfield lui-même à la guitare acoustique, le pianiste virtuose chinois Lang Lang et la jeune chanteuse soprano néo-zélandaise Hayley Westenra. Pourtant, dès les premières mesures de Harbinger, on reconnaît bien le style qui a fait la gloire de Mike Oldfield depuis son illustre Tubular Bells jusqu'à Taurus et au-delà. D'ailleurs, cette longue suite de 45 minutes aurait pu comme d'habitude être interprétée par des synthés, piano et guitares mais voilà, Oldfield a en définitive fait appel au compositeur Karl Jenkins - co-fondateur du groupe légendaire de jazz rock Nucleus et membre tardif de Soft Machine plus connu aujourd'hui pour ses créations néo-classiques - qui s'est chargé des transcriptions et de la mise en forme orchestrale. Si bien qu'au bout d'un long processus, Music Of The Spheres fut finalement enregistré par un orchestre de 80 musiciens (baptisé pour la circonstance Sinfonia Sfera Orchestra) dans les studios Abbey Road en juin 2007. Comme souvent chez Oldield, la musique est sous-tendue par un thème spirituel ou philosophique. Ici, il s'agit d'une ancienne théorie selon laquelle les corps célestes rayonnent dans l'univers, émettant des ondes sur toutes les fréquences bien qu'aucune ne soit audible. Les étoiles vibrent telles de gigantesques instruments de musique créant du même coup une symphonie cosmique qui, de Pythagore à Kubrick en passant par Kepler, a nourri l'imagination humaine à travers les siècles. Et la musique dans tout ça ? Et bien, franchement, elle en vaut la peine. Ambitieuse, elle confine au grandiose en parfaite adéquation avec son concept. Les chœurs sont stellaires, les percussions gravitaires et les masses sonores sidérales. Les mélodies sont superbes et le voyage sur les vents solaires absolument féerique. Oldfied lui-même joue de la guitare avec retenue en s'insérant avec brio dans l'harmonie universelle qu'il a imaginée. Je le dis avec conviction : c'est de la grande musique que tout mélomane, d'obédience progressive ou non, devrait au moins écouter une fois dans sa vie... Si vous vous êtes déconnecté de Mike Oldfield après ses récentes et décevantes productions électroniques / ambient / new age, il est maintenant temps de se rebrancher.

[ Mike Oldfield Official website ] [ Music of the Spheres ] [ Music Of The Spheres - Edition spéciale 2 CD ]

Mike Oldfield: Five Miles Out (Virgin), UK 1982
Réinterprétation plus étendue d'un thème figurant déjà sur l'album QE2, la pièce de résistance est cet impressionnant Taurus II qui occupait toute la première face du LP. Oldfield persiste une fois encore dans le ciselage d'une de ces longues pièces orchestrales aux arrangements sophistiqués dont il s'est fait une spécialité depuis le fameux Tubular Bells qui l'a rendu célèbre en 1973. On retrouve ici à peu de chose près la même complexité que dans ses oeuvres précédentes et ceux qui ont eu la chance de posséder le LP original pouvaient s'en faire une idée avant l'écoute en visualisant le schéma, détaillé à l'intérieur de la double pochette, du contenu des 24 pistes composant l'ensemble : cordes, cuivres, choeurs, flûte, hautbois, orgue, vibraphone et cornemuses irlandaises (jouées par le spécialiste Paddy Moloney des Chieftains) sont quelques uns des composants qui enrobent les guitares du leader et de Rick Fenn. Les mélodies imbriquées sont parfois fragiles, avec un côté folklorique, et à d'autres moments puissantes et plus proches du rock. Coupée en deux par une intervention éthérée de la chanteuse Maggie Reilly, Taurus se conclut dans un long crescendo, entrelaçant et empilant les sons dans un majestueux finale typique du compositeur. La seconde face du LP est par contre consacrée à quatre morceaux plus courts dont deux lorgnent sur un rock peut-être moins ambitieux mais néanmoins intéressant. Family Man, chanté par Maggie Reilly, est une pop song classique dotée d'une mélodie suffisamment accrocheuse pour qu'elle soit repérée par Daryl Hall et John Oates qui en feront un hit mais la version d'Oldfield, perfusée de riffs acérés de guitares, est bien meilleure. Orabidoo, qui frôle quand même les 13 minutes, est une composition étrange recyclant le thème musical de Taurus et incluant un chant lointain traité au vocoder. On est ici au coeur du concept qui sous-tend l'album, à savoir un voyage en avion inspiré par les propres expériences d'Oldfield qui venait d'obtenir sa licence de vol. Mount Teidi est un instrumental dominé par des flûtes, des synthés et des percussions assurant la transition vers le dernier titre éponyme qui est le point culminant du disque. Avec un vrai sens dramatique, Five Miles Out raconte la plongée de l'aviateur au coeur de l'orage et sa liaison radio avec l'opératrice au sol (superbe duo entre la voix de Mike Oldfield trafiquée par un vocoder et Maggie Reilly). Les guitares et la batterie enflent et entretiennent le suspense tout du long tandis qu'à la fin, on entend le vrombissement des moteurs dans la tourmente sans que l'on sache si l'appareil s'en est sorti ou non. Our hope is with you, Rider in the blue !

[ Mike Oldfield Official website ] [ Five Miles Out ]

East Of Eden (LP - Harvest), UK 1971 - Réédition CD (Repertoire), 2002

Originaire de Bristol où il s'est constitué en 1967, East Of Eden comprenait initialement Dave Arbus (violon, flûte, saxophone, trompette), Ron Caines (saxophone alto), Geoff Nicholson (guitare et vocaux) et Geoff Britton (drums). Repérés par le label Decca qui les recrute sur leur filiale progressive Deram, le groupe enregistre rapidement deux albums intégrant rock psyché, blues, folk, bruitages, effluves orientales et de la fusion inspirée par Jean-Luc Ponty (violon électrique oblige). Mercartor Projected (1969) et Snafu (1970), malgré leur étrangeté, furent plutôt bien reçus par les amateurs de rock progressif mais l'édition du 45 tours Jig-A-Jig en 1971 va changer la donne. Dans un style résolument différent de ce que le band a l'habitude de jouer, cette danse hallucinée va grimper dans le Top 10 et faire de East Of Eden un groupe à potentiel dans le milieu de la musique populaire. Leur troisième album éponyme paraît alors sur Harvest et c'est une autre histoire. D'abord, il ne reste plus dans le groupe que Dave Arbus comme membre fondateur qui, manifestement grisé par le succès inattendu de Jig-A-Jig, impose une musique moins progressive avec un côté plus rock classique. Et le fait est que cet album, nettement moins fourre-tout que les deux précédents, est non seulement beaucoup plus agréable à écouter mais il est aussi celui qui a le mieux résisté au temps. Des titres comme Wonderful Feeling et son incroyable improvisation mixant guitares et violon, ou Here Comes The Day avec ses superbes partie de guitare auraient pu facilement trouver une place sur les meilleurs albums de Traffic. Parfois, quand la musique devient plus hard comme sur Crazy Day et To Mrs. V, on n'est pas très loin des groupes de blues-rock (pensez Blind Faith ou Derek & The Dominos) sauf que la guitare brûlante de Jim Roche partage la vedette avec le saxophone ou le violon de Dave Arbus. A noter que la voix légèrement voilée de David Jack convient par ailleurs fort bien à ce genre de musique bourrée de feeling. Un autre grand moment de l'album est No Time et ses multiples ruptures de tempo : belle mélodie, envolées de flûte et de guitare, solo de violon et une fin dissonante comme un clin d'oeil aux folies expérimentales d'antan. Ce disque n'a guère eu de succès à son époque mais ceux qui l'écouteront aujourd'hui ne manqueront pas de lui trouver un charme qu'à mon avis, les deux premiers opus d'East Of Eden ont fini par perdre avec le temps.

[ East of Eden ]

Frost* : Experiments In Mass Appeal (InsideOut), UK 2008
On n'a jamais vraiment su si Frost* allait donner une suite au superbe Milliontown paru en 2006 mais finalement, Experiments In Mass Appeal est bien là. Avec un changement de line-up toutefois puisque le second guitariste John Boyes a été remplacé par Declan Burke qui s'avère en plus être un excellent chanteur. Au lieu de répéter la formule du premier opus, Jem Godfrey et ses acolytes ont cette fois concocté un album plus sombre et plus percutant, prenant ainsi leur distance par rapport à ce que l'on pouvait encore associer sur l'opus précédent à du Néo-Prog. Les suites épiques ont aussi été remplacées, si l'on excepte le dernier morceau qui dépasse le quart d'heure, par des titres plus concis compris pour la plupart entre 5 et 7 minutes. Les deux premières pièces (Experiments In Mass Appeal et Welcome To Nowhere) donnent le ton avec leur alternance (à mon avis trop contrastée) de passages violents et calmes : l'approche est certes originale mais aussi éprouvante et il faut du temps pour s'habituer. Dominé par un rythme saccadé et un riff de guitare saturée, vient ensuite Pocket Sun qui, malgré un refrain entêtant, finit quand même par devenir un peu monotone sur la fin. Avec son accompagnement de piano, Saline est proche de ce que l'on peut appeler une ballade et, en dépit d'un enchaînement d'accords inusité et d'un arrangement exceptionnel, permet de retrouver une structure plus conventionnelle. Par contre, Dear Dead Days est emblématique du nouveau Frost* : une composition à l'eau forte, plus alternative que progressive, avec des claviers proéminents, un fouillis de mélodies, des ruptures de rythmes et des idées qui fusent dans tous les sens sans parler d'une fin abrupte qui s'incruste de manière inattendue sur le morceau suivant. Après cette brillante et fiévreuse démonstration, l'intense Falling Down, la courte ballade You/I sur fonds de piano et le poppy-rock Toys avec sa rythmique cybernétique apparaissent un peu convenus. Reste alors ce Wonderland de 16 minutes qui s'avère excellent dans le développement de ses six premières minutes mais se prolonge dans sa seconde partie en une ballade s'effilochant dans le néant. Malgré la présence de John Mitchell (Arena, It Bites), on ne trouvera plus ici de solos de guitare : globalement, le son est dense, soudé et collaboratif (à l'instar du Snakes & Arrows de Rush par exemple), ne laissant que très peu place aux démonstrations personnelles. La pochette sombre au dehors est plus drôle qu'on ne l'imagine : elle contient à l'intérieur d'amusantes photos qui sont autant de mises en situation imaginatives du fameux flocon de neige (l'astérisque qui complète le nom de Frost). Experiments In Mass Appeal n'est certes pas dénué d'intérêt, ne serait-ce que par son originalité, ses textures et la volonté de son créateur de passer à la vitesse supérieure, et quelque chose m'incite même à penser que cette musique viellira bien mais, pour les fans de Milliontown, mieux vaut savoir qu'on change de registre et qu'il faut donc écouter avant d'acheter.

[ Frost* website ] [ Ecouter Frost* sur MySpace ] [ Experiments in Mass Appeal ]

It Bites : The Tall Ships (InsideOut), UK 2008
Dans la seconde moitié des années 80, le groupe anglais It Bites a produit avec un succès mitigé trois albums de pop-rock dont le second, Once Around The World, avec son titre éponyme de 15 minutes, est considéré à juste titre comme le plus progressif et le meilleur. Près de vingt années après sa disparition, It Bites refait surface avec un nouvel album en studio mais les choses ont changé. Le chanteur et guitariste Francis Dunnery, émigré aux Etats-Unis, a laissé sa place à John Mitchell bien connu et apprécié des amateurs de rock progressif pour son travail au sein de Kino, d'Arena et de Frost*. D'autre part, suite à la défection du bassiste original Dick Nolan qui montrait en fin de compte peu d'intérêt pour cette résurrection, Mitchell, le claviériste John Beck et le batteur Bob Dalton se sont finalement chargés de tous les instruments. Le fait que Beck et Mitchell aient déjà joué ensemble au sein de Kino mais aussi celui que Mitchell soit un fan convaincu du It Bites original expliquent pourquoi l'esprit de ces deux formations se retrouve dans The Tall Ships. Les nouvelles chansons, dont la durée est en moyenne de cinq minutes, sont en effet mélodiques et accrocheuses mais avec des arrangements soignés qui raviront les fans de musique sophistiquée sans oublier les solos de guitare de Mitchell que l'on sait particulièrement percutants. Des titres comme Oh My God, Ghosts, Memory Of Water ou Great Disasters apparaissent ainsi comme des compositions joliment tournées, accessibles et montrant suffisamment de punch pour intéresser les programmateurs de radios rock. Toutefois, comme It Bites revendique aussi une place au sein de la communauté progressive, le groupe a inclus dans son répertoire deux titres épiques. The Wind That Shakes The Barley et This Is England ne déçoivent pas avec leurs sections imbriquées, de superbes parties d'orgue, des guitares haut de gamme et des harmonies vocales à faire pâlir les membres restants de Queen. Si vous avez apprécié le pop-rock dynamique et légèrement progressif de l'ancien It Bites et surtout celui plus moderne de l'excellent Picture de Kino, sachez que The Tall Ships affiche suffisamment de classe pour mériter toute votre attention.

[ It Bites website ] [ Ecouter It Bites sur MySpace ] [ The Tall Ships ]

Wobbler : Hinterland (Laser's Edge), Norvège 2005

Tout ceux qui écouteront le premier album de ce groupe norvégien nommé Wobbler diront probablement la même chose : il s'agit là d'un condensé vintage de tout ce que le rock progressif des seventies a produit de meilleur. Une sorte de cocktail à base de King Crimson, d'ELP, de Genesis et autres Gentle Giant qui, loin d'être indigeste, se boit comme du petit lait. Les différentes sections s'enchaînent les unes aux autres avec maestria pour composer trois titres épiques dont la pièce maîtresse est un Hinterland de près de 28 minutes. Si les vocaux de Tony Johannessen passent presque inaperçus à cause d'un manque flagrant de présence, les parties instrumentales, dominées par l'arsenal de mellotrons, piano, Mini-Moog, orgue Hammond B3 (avec leslie évidemment) et autres claviers analogiques manipulés par Lars Fredrik Froislie (membre de White Willow à partir 2004 et qu'on peut écouter sur leur quatrième album, Storm Season, et sur le suivant, Signal To Noise), ont un lustre indéniable, changeant de textures aussi rapidement que les modèles enfilent des robes pendant un défilé de mode. L'alternance de passages soft et heavy évoque parfois aussi Anglagard et on apprécie en particulier les interventions épisodiques et originales de flûte ou de guitare baroque jouées par des musiciens invités (Ketil Vestrum Einarsen, excellent flûtiste également remarqué chez White Willow et Ulrik Gaston Larsen, spécialiste d'instruments antiques, ici crédité sur ce grand luth italien qu'on appelle un théorbe). Les compositions, déjà conçues au début du nouveau millénaire, ont eu le temps de mûrir : elles ont finalement été enregistrées d'abord sous la forme de démos et ensuite, à partir de juin 2004, réenregistrées dans un studio professionnel sur une période de huit mois. Autant dire que le travail intense suinte de partout : le son est plus que correct et les arrangements superbes. C'est jusque que parfois, on a un peu l'impression d'aller nulle part : les thèmes sinueux se diluent tellement au fur et à mesure de l'empilements des différentes sections que l'intérêt finit par s'émousser. Qu'importe, ceux qui apprécient les longues suites de rock symphonique à l'ancienne seront ravis par les objectifs « rétro » comme par l'habileté des musiciens. Les autres penseront que la prochaine fois, Wobbler devrait aussi se concentrer sur quelques mélodies fortes et deux ou trois chansons plus concises. Et surtout, abandonner cette étiquette passéiste (revendiquée par le groupe lui-même) qui risque vite de leur coller à la peau comme une tunique de Nessos.

[ Wobbler sur MySpace ] [ Ecouter/Commander ]

Quidam : The Fifth Season (Live In Concert 2005) (Metal Mind Productions DVD+CD), Pologne 2006
Fondé vers le milieu des années 90, Quidam (ainsi nommé d'après un poème de leur compatriote Cyprian Kamil Norwid) s'est rapidement imposé à côté de Collage et d'Abraxas comme l'un des meilleurs représentants de l'école néo-prog polonaise. Si leur discographie comprend déjà six albums en studio et deux autres en concert, The Fifth Season est leur premier DVD. Il présente l'intégralité d'un concert filmé en 2005 dans le petit théâtre Wyspiansky de Katowice. Entre-temps, le line-up du groupe a été altéré notamment par l'introduction d'un nouveau chanteur (Bartek Kossowicz) qui ne semble pas toujours très à l'aise. Il paraît en tout cas avoir beaucoup de peine à assurer les aigus autrefois visités par la voix angélique d'Emilia Derkowska même s'il s'en tire honorablement sur les compositions les plus récentes mieux ajustées à son ambitus. Heureusement, l'essentiel du répertoire est constitué de l'intégralité (si l'on excepte l'introduction Airing) des morceaux de leur dernier compact en date, SurREvival (2005), enregistré avec Bartek. Les autres titres comprennent Jestes, Credo, et No Quarter extraits de The Time Beneath The Sky (2002) ainsi qu'un medley de chansons plus anciennes (Oldies But Goodies) et le désormais classique Sanktuarium qui ouvrait leur premier opus éponyme de 1966. Les arrangements à base de claviers, guitares et flûte sont superbes et l'impact de la musique, déjà fort atmosphérique, est encore amplifié par une prise de son remarquable en Dolby Digital 5.1 Surround, deux écrans au fond de la scène projetant des motifs variés et un jeu de lumière subtil qui concourt à créer des écrins différents pour chaque chanson. Même si Quidam ne se distingue pas par sa présence sur scène (le chanteur en particulier a encore bien du travail), on éprouve un grand plaisir à la célébration de cette musique aussi séduisante que captivante. C'est d'autant plus vrai que les Polonais ne se contentent pas d'interprétations serviles mais, au contraire, rendent le concert vivant par des improvisations inattendues en intégrant parfois des parties musicales externes à leurs propres compositions ou l'inverse (comme Los Endos de Genesis dans The Fifth Season ou le solo de Quimpromptu au sein du No Quarter de Led Zeppelin). En plus du concert, le DVD offre une multitude de bonus allant de deux clips vidéo à un documentaire sur l'enregistrement en studio de SurREvival en passant par des extraits de la tournée SurREvival de 2005, des interviews, une biographie, du matériel pour PC et une discographie. L'autre bonne idée, désormais courante chez Metal Mind Productions, est d'avoir inclus dans la pochette un compact audio de 75 minutes reprenant huit titres (sur onze) du concert, ce qui permet de l'écouter dans d'autres conditions. Ce genre de production mixte est assurément un plus par rapport aux seuls DVD ou CD audio et devraient de plus en plus représenter la norme en matière d'édition musicale. Ca permettrait peut-être de réduire le piratage en offrant des objets complets (films, bandes sonores et livrets) d'une grande qualité dont a du mal à se passer quand on apprécie réellement un groupe. En résumé, si vous aimez le néo-prog mélodique et symphonique de Collage, de Satellite ou de Pendragon, ce DVD de Quidam ne saurait vous décevoir.

[ Quidam website ] [ Les CD de Quidam ]

Magellan : Innocent God (Muse-Wrapped Records / Musea), USA 2007/2008


Drowning on land - howlin' at the moon
I am a neo native
Levees gone - Tribal storms
floods hide this legacy

Found
Passablement refroidi par leur précédent opus d'une qualité très moyenne (Symphony For A Mysanthrope, 2005), j'avoue avoir écouté celui-ci avec appréhension en me disant quand même qu'après avoir été éjectés du label InsideOut, les frères Gardner avaient dû se ressaisir. Hélas, il semble bien qu'Innocent God soit une suite logique du précédent dont il conserve les mêmes défauts. Néanmoins, les références classiques ont disparu et les chansons ont été écourtées, probablement dans l'espoir qu'elles seraient plus faciles à appréhender. C'est parfois le cas comme Who To Believe qui est une simple ballade avec piano et orchestre synthétique sans intérêt particulier et Slow Burn, un titre hard atypique qui prouve que Magellan, à l'instar d'un Kansas, peut aussi faire du rock concis et vigoureux. Malheureusement, la voix de Trent couvre quasiment l'intégralité de ces compositions, laissant peu de place à des parties instrumentales qui auraient aéré les chansons. Le style mute parfois vers une certaine modernité avec Invisible Bright Man auquel les rythmes électroniques procurent un côté commercial inhabituel chez Magellan. Beaucoup plus intéressant bien qu'un peu longuet est l'épique Innocent God avec sa structure labyrinthique et un son heavy traduisant bien le côté sombre des paroles tandis que Found (qui raconte l'inondation de la Nouvelle Orléans suite au passage du cyclone Katrina) est également plutôt réussi avec un rythme ethnique quasi tribal qu'on croirait importé tout droit d'une jungle profonde … ou d'une chanson moderne de Peter Gabriel. Finalement, le meilleur titre de l'album reste l'excellent instrumental Sea Of Details qui retient l'attention par ses synthés et les solos d'une guitare (Wayne Gardner ou Robert Berry ?) enfin libérée des flots continus de paroles. Voilà ce qui cloche dans Innocent God : i) la musique a été écrite d'abord pour enrober les textes ; ii) le chant de Trent Gardner est certes spécifique mais, sur la longueur, il finit par devenir monotone ; iii) les parties instrumentales ne constituent généralement que des ponts très courts entre les couplets. Si vous trouvez ce disque dans un bac de soldes, vous pouvez toujours en faire l'acquisition : Magellan, même en perte de vitesse, reste une pointure du rock symphonique hard et progressif et il est doté d'une vraie personnalité mais si vous n'achetez qu'une production de ce groupe, optez plutôt pour Impending Ascension (1993) beaucoup plus aventureux et créatif ou, ce qui reste mon préféré à ce jour, l'étrange Hundred Year Flood et son rock symphonique bourré d'idées et de testostérone.

[ Magellan sur MySpace ] [ Ecouter / Commander ]

Forest : Forest (LP - EMI/Harvest), UK 1969 - Réédition CD (Phoenix Records), 2008
Initialement baptisé “The Foresters Of Walesby”, ce trio s'inscrit tout droit dans la brèche ouverte quelques années plus tôt par The Incredible String Band. Ce qui signifie qu'ils pratiquent un folklore d'essence médiévale mais avec une approche moderne qui les classe dans ce sous-genre à part qu'on appelle faute de mieux le folk-rock progressif. La pochette, double à l'époque du LP, donne une bonne idée de la marchandise : des textes bucoliques où, époque hippie oblige, les fleurs et l'amour font bon ménage, des harmonies vocales en pagaille et une instrumentation globalement acoustique à base de guitares, piano, orgue, harmonium, violoncelle, violon, mandoline, harmonica, flûtes, pipeaux et percussions, les trois musiciens, Martin et Hadrian Welham et Derek Allenby, étant, comme il se doit, de parfaits poly-instrumentistes. Quelques titres comme Bad Penny et le très réussi A Glade Somewhere font penser aux premiers disques de Fairport Convention mais avec la voix cristalline de Sandy Denny en moins, ce qui fait quand même une sacrée différence. Sinon, il y a d'autres bons moments comme ce While You're Gone en forme de danse païenne sous la lune ronde, la ballade poppisante Nothing Else Will Matter, A Fantasy You et ses tourneries de flûtes envoûtantes ou encore Do You Want Some Smoke très typé entre le folk anglais et un psychédélisme « sixties » enrobé de fumées illicites. Enregistré aux studios Abbey Road au début de 1969, Forest semble avoir bénéficié d'un confort d'enregistrement et d'une production correcte que l'on doit peut-être à l'intérêt que leur témoignait à l'époque le fameux DJ John Peel. Cet album en forme d'ode décalée au dieu Pan, qui passa totalement inaperçu en son temps, n'a rien d'un classique oublié mais sa réédition soignée par le label Phoenix vaut bien qu'on lui accorde une nouvelle écoute.

[ Forest ]

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