Fusion et Jazz Electrique


- Partie II -


[ Partie I - Partie III ]





"Je ne suis pas un guitariste de jazz classique.
Je suis jazzman par discipline. J'ai besoin d'intensité.
Alors, quand tout a commencé à exploser dans tous les sens, j'ai foncé."
(John McLaughlin)



  1. Terje Rypdael : Terje Rypdal / Miroslav Vitous / DeJohnette (ECM), 1979. Guitariste norvégien et pilier du label ECM, Terje Rypdael tire des sons célestes de sa guitare dont il joue de manière atypique. Ses ruminations électriques dans lesquelles percent un peu de son passé rock ont une grande puissance évocatrice, créant des atmosphères planantes et, au final, un univers singulier qui n'appartient qu'à lui. Sur ce disque en trio, il est associé à deux monstres sacrés : le batteur Jack DeJohnette qui délivre ici une prestation magnifique avec un jeu de cymbales mis en avant par un enregistrement cristallin ainsi que le bassiste Miroslav Vitous dont les lignes de contrebasse amplifient le mystère et la majesté de cette musique boréale. Ayant enregistré une trentaine d'albums pour le label munichois, on n'aura aucun mal à prolonger son plaisir en écoutant d'autres réussites majeures du guitariste comme Whenever I Seem To Be Far Away (ECM, 1974), Waves (ECM, 1978) ou Skywards (ECM, 1997)
    [ Whenever I Seem To Be Far Away (CD & MP3) ] [ Rypdal / Vitous / DeJohnette (CD & MP3)) [Original Recording Remastered] ] [ Waves (CD & MP3) ]



  2. Steve Khan : Eyewitness (Antilles, 1981) - Modern Times (Trio Records, 1982) - Casa Loco (Antilles, 1983) - Réédition remastérisée des 3 LP sur 2 CD (BGO Records), mars 2016. Batteur au départ, Steve Khan opte pour la guitare à 19 ans et, après avoir acquis un bagage technique suffisant, émigre à New York en 1969 où il joue avec les Brecker Brothers et enregistre en leader pour Columbia Records quelques disques de fusion à tendance funky (Tightrope, 1977; The Blue Man, 1978; et Arrows, 1979) avec des pointures comme Michael et Randy Brecker, David Sanborn, Don Grolnick, Steve Gadd et Mike Mainieri comme complices. Mais en 1981, Khan sent qu'il est temps d'évoluer. Il troque alors sa Telecaster habituelle contre une Gibson ES-335 au son plus rond et plus chaud et constitue un nouveau quartet avec Anthony Jackson (basse), Steve Jordan (drums) et Manolo Badrena (percussions). Pendant les répétitions, ils improvisent sur des grooves aussi complexes qu'éclectiques et inventent un nouveau style de fusion plaisante et relax qui fera date pour le reste de la décennie. Après quelques retouches destinées à polir les thèmes, le quartet entre finalement en studio durant un weekend de novembre 1981. Il en résulte l'un des grands enregistrements du guitariste et celui dont il dira longtemps qu'il en est le plus fier: Eyewitness. Khan y développe des lignes claires avec un phrasé d'une rare fluidité, lâchant des notes pleines qui, par un effet de réverbération, résonnent mystérieusement dans l'air confiné du studio. On pense parfois, notamment sur Auxiliary Police dont l'intitulé est peut-être un hommage déguisé, à la manière singulière qu'avait le guitariste Andy Summers de faire sonner ses accords dans le groupe Police. Quand aux échanges entre les quatre musiciens, il est tout simplement magique, le plus grand bonheur étant de suivre l'intrication sophistiquée entre la guitare de Khan et la basse électrique à cinq cordes d'Anthony Jackson. Cet album séminal sera suivi d'un disque live (Modern Times) enregistré au Pit Inn de Tokyo en mai 1982 et d'un second disque en studio, Casa Loco, sorti en 1983. Enregistrés par le même quartet, ces trois albums offrent une musique similaire et constituent une trilogie cohérente, ce qui a amené le label britannique BGO Records à les remastériser et à les rééditer ensemble sur un double CD. Une aubaine pour redécouvrir un moment charnière particulièrement innovant dans la carrière de ce guitariste peut-être moins connu que d'autres sorciers de la six-cordes fusionnelle mais tout aussi essentiel.
    [ Eyewitness / Modern Times / Casa Loco (Coffret 2 CD) ]



  3. Miles Davis : Decoy (Columbia), 1984. Decoy est un des meilleurs disques de la dernière période de Miles Davis, peut-être parce que plus enraciné que les autres dans le blues. Avec Brandford Marsalis (soprano sax), Mino Cinelu (percussion), Robert Irving (synthe), Al Foster (drs) et un excellent guitariste nommé John Scofield. Trois années plus tard, Miles a négocié un nouveau contrat avec Warner Bros. Records et sort sur ce label un premier album fort controversé mais qui lui ramènera quand même un quatrième Grammy en 1987 dans la catégorie « meilleure performance en jazz instrumental » (Tutu, 1986). En studio quand tout le monde est parti, Miles est venu poser sa trompette sur des arrangements synthétiques conçus par le bassiste Marcus Miller. Tout ça manque peut-être de spontanéité mais l'album a un son énorme et les improvisations du leader, dont la passion est intacte, toujours somptueuses. Surgissant de l'ombre comme un diable (voyez la pochette), Miles Davis continue son ascension et, fidèle à sa grande gueule, intitule et dédie son disque au prix Nobel de la paix, Desmond Tutu, et à travers lui à la lutte contre l'apartheid en Afrique du Sud. Géant !
    [ Decoy (CD & MP3) ] [ Tutu (CD & MP3) ]



  4. Kazumi Watanabe : To Chi Ka (Denon Records), 1984 ; Kiyomi Otaka : Third Hand (Compozilla), 1998 ; Tetsuo Sakurai : Gentle Hearts (EMI), 2001 ; Hiromi : Time Control (Telarc), 2007. L'unique pays asiatique à s'être intéressé rapidement au genre est le Japon qui, surtout dans les années 80, a produit des groupes de renommée internationale comme Casiopea ou T-Square qui sont toujours en activité et ont à leur actif une discographie pléthorique. D'autres formations comme Ain Soph, Kenso, Prism et KBB ont engendré un style hybride entre prog et fusion plus populaire dans les milieux du rock progressiste. Enfin, certains musiciens virtuoses comme le guitariste Kazumi Watanabe, le saxophoniste Sadao Watanabe, le bassiste Tetsuo Sakurai, le batteur Akira Jimbo, le percussionniste et claviériste Stomu Yamashta, ou les claviéristes Kiyomi Otaka et Hiromi Uehara sont parvenus à se faire un nom hors du Japon. Les quatre albums retenus ici relèvent d'une fusion éclectique plus jazz que rock mais ils comptent parmi ce qui a été conçu de plus créatif au pays du Soleil-Levant.
    [ Kazumi Watanabe : To Chi Ka (CD) ] [ Hiromi : Time Control (CD) ]



  5. Allan Holdsworth : Metal Fatigue (JMS / Enigma), 1985. Ce guitariste britannique autodidacte a joué du rock avec Tempest et Soft Machine avant de remplacer John McLaughlin au sein du Tony Williams Lifetime. Sa carrière en solo, commencée à la fin des années 70, comprend une vingtaine d’albums mettant tous en valeur son phrasé legato si caractéristique, ses improvisations fluides et ses progressions d’accords d’une surprenante complexité, sans parler de sa maîtrise totale du vibrato dont il assaisonne parfois ses lignes mélodiques. Sur le spectaculaire Metal Fatigue, accompagné par le bassiste Jimmy Johnson et le batteur Chad Wackerman, Holdsworth met au point son style inimitable qui influencera des dizaines de guitaristes dont Eddie Van Halen, Frank Gambale, Steve Vai ou Alex Lifeson.
    Au milieu des années 80, Wordsworth a adopté la synthaxe, un instrument hybride qui tient du synthé et de la guitare et qui lui permettait d’étendre ses possibilités au niveau des compositions et des textures. On peut entendre cette nouvelle esthétique sur l’album Sand (JMS, 1987). Accompagné par Jimmy Johnson et le batteur virtuose Gary Husband, le leader y met surtout en évidence ses qualités compositionnelles mais ne peut quand même s’empêcher de faire sauter tous les plombs sur un Pud Wud méchamment pyrotechnique.
    [ Metal Fatigue (CD & MP3) ] [ Sand (CD & MP3) ]



  6. Pat Metheny Group : Still Life Talking (Geffen), 1987. Le compact qui a révélé le groupe de Pat Metheny au grand public à une époque où sa route n'était pas encore aussi balisée qu'elle l'est maintenant. Un très bel album où brille le thème Last train home qui restera comme un phare de cette musique aérienne. Et sachez que ce disque a un petit frère qui lui ressemble comme un jumeau : Letter From Home (Geffen, 1989) triomphe dans le même genre léger, fluide et chaleureux. Que ce soit sur des rythmes brésiliens ou sur des tempos climatiques, Metheny joue comme il respire et soulève l'enthousiasme.
    [ Still Life Talking (CD & MP3) ] [ Letter From Home (CD & MP3) ]



  7. Bob Berg : Short Stories (Denon), 1987. Fantastique saxophoniste ténor dans la lignée d'un Michael Brecker, qui le recommanda jadis à Horace Silver, Bob Berg a peu à peu évolué du hard-bop à la fusion en jouant successivement avec Silver (Silver 'n Brass, 1975), Cedar Walton (First Set, 1977), Miles Davis (You're Under Arrest, 1985), Mike Stern (Jigsaw, 1989), Chick Corea (Time Warp, 1995) et Tom Coster (The Forbidden Zone, 1994). Enregistré en 1987 juste après la période Miles, Short Stories est certes marqué par son époque mais c'est un disque plein de braises sur lesquelles soufflent des musiciens hors-pair comme le claviériste Don Grolnick, le guitariste Mike Stern, le batteur Peter Erskine et même, sur Kalimba, le saxophoniste alto David Sanborn. Malgré une inclination vers le jazz funky, Short Stories ne peut pas être classé dans le seul style jazz-rock mais pourrait plutôt être défini comme un disque de post-hard-bop joué dans un contexte électrique avec, ici et là et surtout quand la guitare parle, des pics d'intensité fusionnelle. C'est en tout cas une musique terriblement énergique et bourrée de solos fulgurants, Stern et Berg en particulier étant faits pour s'entendre : ils associeront d'ailleurs bientôt leurs noms et leurs talents au sein du Bob Berg / Mike Stern Group (Games, 1990). A écouter également dans le même genre : Cycles (Denon, 1988) et Back Roads (Denon, 1991), tous deux avec Mike Stern à la guitare et Dennis Chambers à la batterie. Après la mort de Berg en décembre 2002 suite à un accident de voiture, Mike Stern lui dédiera un superbe morceau bop (Remember) sur son album These Times (ESC, 2004).
    [ Short stories (CD) ] [ Cycles (CD) ] [ Back Roads (CD) ]



  8. Biréli Lagrène : Inferno (Blue Note), 1988. Davantage connu pour ses albums de jazz manouche avec le Gypsy Project, le guitariste Bireli Lagrène n'en a pas moins visité régulièrement le côté "fusion" du jazz, remplaçant au pied levé John Mac Laughlin dans le trio d’Elvin Jones à Marciac, enregistrant une suite au fameux Spaces avec Larry Coryell (Spaces Revisited, 1987), en tournant en 1986 avec le légendaire bassiste Jaco Pastorius, ou en rejoignant en 1989 Al Di Meola et Coryell pour former un trio de guitaristes. En ce qui concerne ses enregistrements personnels, ses disques de fusion sont plus rares (et attendent toujours pour la plupart une réédition) que ses autres productions mais ils ne peuvent pour autant être passé sous silence. Le meilleur du lot est Inferno (Blue Note, 1988) qui offre quelques titres certes marqués par les synthés si caractéristiques des années 80 mais qui, côté guitare, sont de beaux feux d'artifice comme Inferno et Rock It. D'autres comme Berga ont des mélodies et/ou des improvisations attachantes déclinées avec un swing naturel. Soutenu par le virtuose de la basse électrique Victor Bailey et, au fil des plages, par différents batteurs tout aussi virtuoses comme Bernard "Pretty" Purdie, Dave Weckl et Pierre Moerlen, on comprend que Bireli Lagrene se soit senti pousser des ailes. Paru dans la foulée en 1988, Foreign Affairs (Blue Note) poursuit dans le même style avec d'excellentes compositions tels le titre éponyme, Josef et Timothée, dédié à son fils, en plus du Jack Rabbit emprunté à Herbie Hancock. Le guitariste revisitera une dizaine d'année plus tard les thèmes de ces deux disques dans une nouvelle production intitulée Electric Side (Dreyfus Jazz, 2008). Malheureusement, la musique est cette fois entachée par des bruitages électroniques, "samples" et autres "scratching" qui la rendent froide et datée (un comble puisque ces nouvelles versions étaient censées remettre au goût du jour les anciennes). On pourra par contre se rabattre sur Front Page (Universal Music France, 2000) avec Dennis Chambers (dr) et Dominique Di Piazza (b) plus John McLaughlin en invité sur Joseph, un excellent album qui fut d'ailleurs récompensé aux Victoires de la musique en 2001. Enfin, on n'oubliera pas d'écouter aussi sa relecture moderne de Django Reinhardt (My Favorite Django, Dreyfus Jazz, 1995) jugée iconoclaste à l'époque ainsi que son extraordinaire version de Spanish Key sur la compilation "Fusion for Miles: A Guitar Tribute" (Tone Center, 2005) dédiée à Miles Davis. .
    [ Inferno (CD) ] [ Foreign Affairs (CD) ] [ Front Page (CD & MP3) ]



  9. Mike Stern : Standards (Atlantic Jazz), 1992. Un excellent disque d'un guitariste injustement sous estimé à qui l'on reproche de trop se répéter d'un album à l'autre. Celui-ci offre pourtant de biens beaux moments parmi lesquels on retiendra L Bird, avec une splendide partie de trompette jouée par Randy Brecker, et deux titres empruntés à son ancien patron, Miles Davis : Jean Pierre et Nardis. Sorti en 1994, l'album suivant, Is What It Is (Atlantic, 1994), est à la fois son plus fusionnel et l'un de ses meilleurs enregistrements. On y appréciera en particulier, nichés entre les riffs incandescents du leader, les saxophonistes ténor Michael Brecker et Bob Malach qui délivrent avec un son énorme des solos aussi denses qu'incisifs. Premier album solo du guitariste, Neesh (AMJ, 1985) est une affaire plus mitigée mais on y trouve quand même quelques grands morceaux fusionnels comme Zee Frizz ou le superbe Neesh Zone zébré de blues-rock. Et le fait qu’on y entend le saxophoniste David Sanborn soloter avec beaucoup d'émotion ajoute sûrement du piment à l’ensemble. Ce disque extrêmement rare, produit par Hiram Bullock et enregistré en 1983, a été réédité en CD au Japon sous le titre de « Fat Time » qui était le surnom attribué par Miles Davis à Mike Stern et qui est aussi l’intitulé du premier morceau de The Man With The Horn sorti par Miles en 1981 avec Stern à la guitare.
    [ Standards (CD) ] [ Is What It Is (CD) ]



  10. John Scofield : Hand Jive (Blue Note), 1993. Le guitariste John Scofield quitte la fusion et se paie une ambiance groovy avec orgue, basse et batterie. Non seulement, il y excelle mais il a eu en plus la bonne idée de faire appel sur quelques titres à Eddie Harris, l'homme qui inventa le saxophone électrique. Plus funky que Do Like Eddie, c'était impossible à trouver cette année là. Mais, depuis cet album, John Scofield a embrassé divers styles musicaux allant du post-bop classique (Works For Me, 2001) à la guitare acoustique (Quiet, 1996) en passant par un trio plus cérébral en compagnie de Steve Swallow à la basse et de Bill Stewart à la batterie (EnRoute, 2004) et des hommages à Ray Charles (That’s What I Say, 2005) ou à Tony Williams (Saudades, 2006). Les différents opus figurant dans sa discographie sont donc destinés à des audiences diverses même si elles ne sont pas forcément incompatibles. Toutefois et heureusement pour ceux qui apprécient le jazz-rock, le guitariste reviendra épisodiquement avec des disques sous stéroïdes où il met davantage en évidence son côté rock, tirant alors de sa guitare reliée à un panel de pédales d’effet, des sons saturés et rageurs qui font monter la pression. Parmi ces derniers, on conseillera l’album Bump (Verve, 2000) qui évoque parfois le grand Jeff Beck et, surtout, les deux compacts enregistrés avec le trio Medeski, Martin & Wood (A Gogo, Verve, 1997 et Out Louder, Indirecto, 2007) avec qui Scofield compose en ensemble parfait, totalement dévoué à un groove torride, impur et soupe au lait qui demeure une référence ultime en matière de jazz/rock/funk/blues/soul électrocuté.
    [ Hand Jive (CD & MP3) ] [ Bump (CD & MP3) ] [ A Go Go (CD & MP3) ]



  11. Tribal Tech : Face First (Zebra Records), 1993. Enregistré au début des années 90, ce sixième album de Tribal Tech appartient à la période la plus prolifique du groupe, quand sa fusion était encore mélodique et structurée. Très différent des derniers opus - Thick (Zebra Records, 1999) et Rocket Science (ESC Records, 2000) -, Face First est beaucoup moins orienté vers l'improvisation pure et l'expérimentation. Le premier titre éponyme de sept minutes est une excellente introduction à la musique de cet album : un Jazz-Rock technique mais accessible porté par la basse volubile de Gary Willis et surtout la guitare électrique de Scott Henderson qui délivre ici quelques solos glorieux, rappelant parfois les bons moments d'Allan Holdsworth ou de John Scofield dans sa période Loud Jazz chez Gramavision. Arrangements sophistiqués mais abordables, rythmique dynamique (excellente interaction entre Willis et le batteur Kirk Covington) et synthés clinquants joués par le très professionnel Scott Kinsey (qu'on peut aussi écouter sur Faces And Places de Joe Zawinul et sur les bandes sonores de Ocean's Eleven et Twelve), la fusion entendue sur cet album n'est pas non plus sans référence aux dernières moutures de Weather Report ni à l'Elektric Band de Chick Corea et, à travers ces groupes, au son synthétique typique des années 80. On sait que Scott Henderson est également un guitariste de Blues fort prisé des amateurs : il le rappelle ici avec un Boat Gig monumental en forme de Blues-Rock dédié à Stevie Ray Vaughan et à Albert King. Si vous aimez les systèmes soniques ouverts, improvisés et expérimentaux, essayez Thick ou, dans la même veine Rocket Science, mais si vous prisez davantage un Jazz-Rock mélodique et structuré, optez plutôt pour ce Face First ou pour leur album éponyme de 1991 (Relativity Records), tous deux plus classiques mais quand même de bonne facture.
    [ Face First (CD) ] [ Tribal Tech 1991 (CD) ] [ Thick (CD & MP3) ] [ Rocket Science (CD & MP3) ]



  12. Steve Tibbetts : The Fall Of Us All (ECM), 1994. Un son nouveau, une extraordinaire expérience à nulle autre pareille : Steve Tibbetts a trouvé quelque chose de vraiment original en plaçant sa guitare saturée sur des rythmes indonésiens. Hypnotique, aérien, magique, ce disque qui ne lasse jamais est à découvrir absolument.
    A écouter également : Exploded View (ECM), 1986. Aussi rythmiquement intense que The Fall Of Us All, cet album est un témoignage antérieur de la fusion culturelle détonante du guitariste américain. Profitant de toutes les facilités que peut offrir un système multipiste, Tibbetts a patiemment concocté une musique tribale dont la dimension tellurique se pare aussi d'une véritable aura spirituelle. Tout ceux qui pensent encore que le label ECM n'a produit que des musiques méditatives doivent écouter ce fantastique album qui est au jazz moderne ce qu'Electric Ladyland était au rock.
    [ Exploded View (CD) ] [ The Fall Of Us All (CD) ]



  13. Buckshot Lefonque : Music Evolution (Columbia), 1997. Brandford Marsalis, le surdoué, échange sa cravate contre une casquette de rapper et encadre son saxophone sur des rythmiques chaloupées. Tout ce que le jazz touche, il le phagocyte. Dans tous les cas, l'expérience est réussie et si la musique est commerciale, elle est aussi immédiatement séduisante. Fast your seat belt ! Et si ce disque vous a plus, pourquoi ne pas écouter aussi le premier album éponyme (Buckshot Lefonque, Columbia, 1994), pas aussi abouti que le second mais qui, par sa fusion originale de rap, de funk et de jazz classique, n'en projetait pas moins la musique improvisée dans son futur immédiat.
    [ Music Evolution (CD & MP3) ]



  14. Steve Smith & Vital Information: Where We Come From (Intuition Music) 1998. Fondé et conduit par Steve Smith, qui a joué avec à peu près tout le monde et fut un temps le batteur de Journey, Vital Information s’est réinventé à plusieurs reprises en changeant de personnel et de style. C’est quand le line-up s’est cristallisé autour de Smith (drums) Tom Coster (claviers), Frank Gambale (guitare) et Jeff Andrews ou Baron Browne (basse) que le groupe a montré la pleine mesure de sa puissance de feu, délivrant avec une redoutable efficacité un jazz électrique moderne qui s’abreuve aussi bien à la fusion énergisante du Tony Williams Lifetime qu’au soul funky des années 60 (Booker T and the Mgs, Meters…) et au groove de George Benson et Eddie Harris. Sur Where We Come From, Smith et les siens ajoutent à leurs redoutables compositions originales le fameux Moby Dick de Led Zeppelin ainsi qu’un morceau inédit de Jaco Pastorius intitulé Blow Fish Blues. Longtemps après l'écoute, on reste ébloui par l’extraordinaire prestation de Frank Gambale explorant toutes les nuances de sa guitare semi-acoustique Ibanez modèle « George Benson ».
    A écouter aussi dans le même style : les albums Live Around The World - Where We Come From 1998-1999 (Intuition Music, 2000) et Show 'Em Where You Live (Tone Center, 2001)
    [ Live Around The World - Where We Come From 1998-1999 (CD) ] [ Show 'Em Where You Live (CD) ]



  15. Adam Holzman & Brave New World : Rebellion (Big Fun Records) 2001. Adam Holtzman, fils du fondateur d’Elektra Records, fut un temps le claviériste de Miles Davis. Il collabora ainsi à l’album Tutu en 1986 et joue sur la compilation Live Around The World, consacrée aux dernières années de Miles, dont il est aussi le producteur. Ayant participé à de nombreux projets liés pour la plupart à la fusion - The Miles Davis Tribute (Endless Miles), the Mahavishnu Project (Return To The Emerald Beyond), Marcus Miller (Music From Siesta avec Miles Davis), Lenny White (Present Tense), Steps Ahead (Vibe), Wallace Roney (No Room For Argument, Prototype et Mystikal) -, Holtzman a acquis récemment une nouvelle notoriété grâce à son fantastique apport à l’album The Raven That Refused To Sing (And Other Stories) de Steven Wilson. Mais, avec son groupe newyorkais Brave New World, il fut aussi l’auteur de quelques chouettes disque de jazz-rock qui groovent avec bonheur et sans compromission dans l’esprit ouvert du Miles funky des années 80.
    A écouter aussi : Big Picture (Escapade Music), 1997 et Jazz Rocket Science (Nagel Heyer) 2005
    [ Big Picture (CD) ] [ Rebellion (CD) ] [ Jazz Rocket Science (CD) ]



  16. Marcus Miller : M2 (Telarc), 2001. Marcus Miller est l'un des héros modernes de la basse électrique. Outre sa participation aux albums de Miles Davis qui l'ont rendu célèbre (Tutu, Man With The Horn et We Want Miles), il a aussi enregistré avec Wayne Shorter, Lenny White, David Sanborn, Don Grolnick, Al Jarreau et les Brecker Brothers. Toutefois, sa carrière en solo a toujours été hésitante, ses disques alternant des morceaux funky et groovy avec d'autres plus pop et enrobés de synthés qui relèvent d'un smooth jazz, certes de qualité et fort bien produit, mais qui n'ont pas grand-chose en commun avec la fusion innovante de Miles Davis, Herbie Hancock ou Chick Corea. Si l'on est fan de jazz-rock, mieux vaut donc être prudent en piochant dans la discographie du bassiste et éviter certaines productions comme Silver Rain et Free par exemple (qui raviront néanmoins un autre genre de public). Par contre, on peut éventuellement opter pour M2, qui, sans faire l'impasse sur le côté smooth, est juste un poil plus soul que les autres (et lauréat d'un Grammy Award en tant que meilleur album de jazz contemporain en 2002). En outre, "M Squared" bénéficie au fil des plages de la présence de pointures comme Herbie Hancock, Branford Marsalis, Wayne Shorter, Mino Cinelu, Vinnie Colaiuta et Lenny White. Sinon, l'excellent Live & More (Dreyfus Jazz, 1997) enregistré en concert à Los Angeles, à Montreux et au Japon avec notamment le saxophoniste Kenny Garrett et le guitariste Hiram Bullock fera aussi l'affaire. Enfin, à ces deux disques, j'ajouterai encore le récent Tutu Revisited (Dreyfus Jazz, 2011) dans lequel le bassiste revisite, en concert à Lyon devant un public conquis, le célèbre album de son ancien patron (plus quelques autres morceaux) avec, dans le rôle de Miles et aussi provocateur que lui, l'excellent trompettiste Christian Scott.
    [ M 2 , Marcus Miller : M2 (CD & MP3) ] [ Live And More (CD & MP3) ] [ Tutu Revisited (2 CD/1 DVD & MP3 ]



  17. Roy Hargrove & The RH Factor : Hard Groove (Verve), 2003. The RH Factor prit l’Europe (et dans une moindre mesure l’Amérique) par surprise en étalant une fusion libératrice de jazz, funk, R&B, néo-soul, hip-hop et rap tellement jouissive qu’on l’a comparée à la grande révolution que fut le Jazz-rock pour Miles Davis à la fin des années 60. C’était oublier bien sûr que d’autres avant Roy Hargrove avaient eu la même idée - comme Brandford Marsalis avec Buckshot Lefonque par exemple - mais avec Hard Groove, le trompettiste a quand même ramené le jazz dans la rue. Et tout ça sans s’aliéner son passé de jazzman car il n’est pas question ici de musiques anciennes samplées et recyclées sur des rythmes bass’n’drums. C’est bien de vrai jazz moderne qu’il s’agit mais subtilement mélangé à ces nouvelles formes de musique noire populaire qui font vibrer les jeunes. Pour ça, Roy Hargrove s’est entouré d’un nouveau band (Keith Anderson : Sax ; Bernard Wright : keyboards ; Bobby Sparks : Fender-Rhodes ; Spanky : guitare ; Reggie Washington : basse acoustique ; Jason Thomas : drums) armé pour s’imposer dans les clubs ou sur les radios branchées. En invités, Erykah Badu, D'Angelo, Stephanie McKay, Q-Tip et d’autres dont les noms sont totalement inconnus du jazzfan de base sont venus parfaire et adouber cette entreprise osée et bouillonnante. Et la meilleure, c’est que tout ça n’a rien d’une banale histoire commerciale tant la musique paraît honnête et spontanée. Pari réussi : les ventes ont grimpé et le Net pointe Hard Groove comme une œuvre majeure. 25 titres furent enregistrés avec l’intention de sortir un double album mais en définitive, pour des raisons commerciales, Verve n’édita qu’un unique compact de 14 plages. Alors, à la demande de la division française du label, six autres titres issus des mêmes sessions ont été casés en vitesse sur un EP intitulé Strength (Verve - EP, 2004) et le feu s’est ravivé de plus belle.
    [ Hard Groove (CD & MP3) ] [ Strength (CD) ]



  18. Trio Beyond : Saudades (ECM), 2006. John Scofield (gt), Jack Dejohnette (dr) et Larry Goldings (orgue) s’unissent pour rendre hommage à l’un des groupes les plus marquants du Jazz-Rock des années 69/70 : le Lifetime de Tony Williams formé après que le batteur ait quitté le second quintet de Miles en 1969 et qui comprenait le guitariste John McLaughlin et l’organiste Larry Young. Ce double album, intitulé Saudades, a été enregistré en novembre 2004 pendant un concert au Queen Elizabeth Hall de Londres, quelques semaines seulement après la constitution du trio. Il aurait tout aussi bien pu être enregistré le premier jour tant l’empathie entre les trois hommes est immense. Dejohnette, dont le jeu est habituellement plus fluide et mélodique (l’homme fut d’abord pianiste), appuie ici sur l’accélérateur et se révèle, comme Williams l’était en son temps, la véritable dynamo de ce trio agressif et survitaminé. Un trio qui n’est d’ailleurs pas qu’un « tribute band » car, à côté de morceaux joués jadis par le Lifetime comme les inévitables Emergency ou Spectrum, il revisite aussi quelques titres liés à l’univers de Miles (Pee-Wee, Seven Steps To Heaven), à celui de Coltrane (Big Nick) ou encore de Joe Henderson (If) et ajoute dans le répertoire quelques compositions originales qui ne déparent en rien les classiques précités : Love In Blues et surtout Saudades comptent même parmi les grands moments du concert. Si vous appréciez la Fusion combustible du tournant des années 60 ainsi que le groove particulier des trios de guitare électrique/orgue Hammond/drums, cet album effeuille quelques belles pages du genre et, 36 années plus tard, ajoute à l’histoire initiale un nouveau tome plein d'énergie, de fraîcheur et d'innovation.
    [ Saudades (CD) ]



  19. Wallace Roney : Jazz (High Note), 2007. Après avoir été recruté en 1992 par Herbie Hancock, Wayne Shorter, Ron Carter et Tony Williams pour un disque hommage intitulé A Tribute To Miles (Qwest) et par Gerry Mulligan la même année pour Re-Birth Of The Cool (GRP), Wallace Roney fut catalogué par les critiques comme un clone de Miles Davis pourvu d’une tonalité et d’un style similaires. C’était aller un peu vite : l’homme est un formidable musicien doué d’une grande expressivité. Ce superbe album – son quatorzième en studio - tout simplement intitulé Jazz, témoigne de la force du personnage mais aussi de son originalité. Secondé par une équipe de jeunes DJ tourneurs de platines, saluant Fela Kuti et Sly Stone, Roney s’exprime d’une manière moderne sur un groove qui plonge occasionnellement dans le Funk, l’Afro-beat et l’électronique (Fela's Shrine, Revolution: Resolution, Vater Time). La ballade Nia, subtillement enrobée d'un babillage actuel, est un autre grand moment et en finale, la reprise beaucoup plus classique du standard Bop qu'est Un Poco Loco de Bud Powell accroche encore par ses improvisations hyper dynamiques. Magnifiquement accompagné par son épouse Geri Allen au piano et par son frère saxophoniste Antoine Roney, le trompettiste s’affirme ici comme une voix majeure d’un jazz contemporain qui sait allier fusion et tradition sans jamais tomber dans le piège du commercial.
    A écouter aussi dans le même style de fusion moderne : l'excellent Mystikal (High Note) sorti en 2005
    [ Mystikal (CD) ] [ Jazz (CD) ]



  20. John McLaughlin and The 4th Dimension: To The One (Abstract Logix), 2010. Fast and furious, Discovery démarre ventre à terre quand la rythmique enclenche la nitro : Etienne M’bappé à la basse fretless électrique et Mark Mondesir à la batterie. Le premier est d’origine camerounaise et a joué avec Salif Keita et dans le Zawinul Syndicate avant d’entamer une carrière solo. Le second vient d’Angleterre et il a prêté ses fûts à des dizaines de musiciens dans tous les styles (y compris à McLaughlin lui-même avec qui il a déjà enregistré The Promise en 1995) avant d’être reconnu par ses pairs comme l’un des plus grands batteurs du monde. Ensemble, ils soufflent la tempête et tissent une trame souple et élastique sur laquelle les notes de guitare véloces ricochent comme des balles. C’est que John McLaughlin, 68 ans au compteur, n’a rien perdu de sa fièvre ni de sa technique. Au contraire, depuis ses lointaines années avec Tony Williams ou Billy Cobham, il n’a jamais cessé de développer son talent tout en conservant la même intensité. Et si on a moins parlé de lui dans les années 90, c’est surtout parce que le jazz-rock n’avait plus la côte d’autrefois. Quoiqu’il en soit, To The One (dédié à John Coltrane et à son Amour Suprême) a largement de quoi ramener le genre dans la lumière. Surtout que les compositions sont grandioses avec des passages lyriques et des courses à perdre haleine, qui évoquent dans leur alternance une nouvelle poésie urbaine et multiculturelle. Cerise sur le gâteau, c’est l’Anglais Gary Husband qui tient les claviers et, comme c’est aussi un batteur hors pair (il a joué entre autres avec Ian Carr, Allan Holdsworth et Jeff Beck), il stimule à l’occasion Mondesir sur son propre terrain : Husband ajoute en effet son kit de batterie sur deux titres (Discovery et The Fine Line) et, par la magie du multipistes, joue carrément tout seul les deux instruments sur Recovery et To The One. Avec cet album électrisant enregistré dans l’urgence, et qui ne dure guère plus qu'un antique LP, la fusion, en cale sèche depuis des lustres, vient à nouveau de larguer les amarres. Stupéfiant !
    A écouter aussi : Now Here This (Abstract Logix) sorti en octobre 2012 et enregistré par la même formation sans le batteur Mark Mondesir remplacé ici par Ranjit Barot.
    [ To The One (CD & MP3) ] [ Now Here This (CD & MP3) ]



  21. Carlos Santana & John McLaughlin Live At Montreux 2011 : Invitation To Illumination (2 CD / DVD / Blu-Ray Eagle Vision), 2013. Quand au début des 70's, Santana et McLaughlin enregistrèrent ensemble le légendaire Love Devotion Surrender en hommage à John Coltrane, il régnait alors un climat de passion et de créativité que l'on ne retrouve guère dans ce concert célébrant quelques quarante années plus tard cette mémorable collaboration. Il s'agit plutôt ici de retrouvailles sympathiques entre deux guitaristes qui, en dépit de leurs différences culturelles, ont une réelle empathie l'un pour l'autre. Ca se traduit sur scène par une ambiance de fête tout sourire que ce DVD parvient fort bien à restituer. Carlos Santana n'a pas son pareil pour interpréter de superbes mélodies qu'il personnalise par cette sonorité et ce sustain qui le caractérisent tandis que McLaughlin se charge d'épicer la musique par des chapelets de notes en cascades qui font monter la pression sous le regard approbateur de son complice d'un soir. Par ailleurs, la durée d'un LP n'étant pas suffisante pour couvrir une soirée musicale, les deux hommes ont complété le répertoire original par des emprunts à des grands créateurs de l'époque comme Bob Dylan (A Hard Rain’s Gonna Fall), Led Zeppelin (Stairway To Heaven), Pharoah Sanders (The Creator Has A Master Plan), Tony Williams (Vuelta Abajo, Vashkar), et bien sûr Miles Davis (Right Off, Black Satin). Les amateurs de jazz-rock pur et dur pourraient être déçus mais les autres gagnent au change, les deux hommes abordant au cours du concert une myriade de styles musicaux divertissant ainsi un public nombreux aux intérêts diversifiés. C'est aussi une chance pour l'amateur d'entendre pour une fois McLaughlin jouer avec bonhomie et entrain du pop-rock, du blues et du boogie en plus de la fusion virtuose et pyrotechnique dont il est coutumier. Le groupe qui les accompagne est hors-pair avec Cindy Blackman Santana, parfois doublée par le grand Dennis Chambers, qui délivre ici une prestation d'un extraordinaire dynamisme (il faut la voir agresser ses fûts pendant l'émulation de Tony Williams sur Vuelta Abajo). L'un des deux bassistes est Etienne M’Bappé, membre du 4th Dimension de McLaughlin, qui fait courir avec dextérité ses gants noirs sur son manche, s'autorisant sur Let Us Go Into The House Of The Lord un solo d'anthologie qui laisse les deux leaders littéralement pantois. Quand à l'orgue et au piano, on a fait appel à David K. Mathews, un musicien éclectique parfaitement adapté à un répertoire qui fluctue constamment entre différents genres musicaux. Sans être absolument indispensable, ce DVD bien enregistré et filmé fera quand même passer un très agréable moment, l'atmosphère de détente et de camaraderie qui prévalait ce jour-là sur la scène de Montreux diffusant comme par osmose jusqu'au spectateur satisfait.
    [ Invitation to Illumination (2 CD) ] [ Invitation to Illumination (Blu-Ray) ]



  22. Chick Corea : The Vigil (Concord Jazz), 2013. La pochette renvoie illico au légendaire Romantic Warrior de Return To Forever, indiquant ainsi que Corea est revenu une fois encore au jazz-rock. Et Galaxy 32 Star 4, premier titre de l'album, le confirme : The Vigil est effectivement un disque de fusion auquel participe aussi le bassiste vétéran et virtuose Stanley Clarke qui solote avec volupté sur l'épique Pledge For Peace. Pour le reste, c'est un groupe de jeunes et talentueux musiciens que Corea initie aux plaisirs de l'improvisation électrique et il faut dire qu'il a rarement été aussi bien entouré. On mentionnera en particulier le saxophoniste anglais Tim Garland (soprano, ténor, flûte et clarinette basse) qui rappelle les beaux jours du tandem Corea - Joe Farrell et le batteur Marcus Gilmore, le petit-fils de Roy Haynes si impressionnant au sein du Vijay Iyer Trio, qui fait preuve ici d'une extraordinaire versatilité (écoutez-le sur Royalty qui un hommage à son grand-père Roy). Quant au bassiste français Hadrien Féraud, c'est l'un des nouveaux prodiges de l'instrument dont on n'a pas fini d'entendre parler. Le plus surprenant restant quand même le quasi inconnu Charles Altura, un guitariste polyvalent, aussi à l'aise en acoustique qu'en électrique qui, par sa sonorité et son jeu legato, évoque le meilleur du grand Allan Holdsworth. Avec un tel équipage, Corea parvient à surprendre et surtout à faire la synthèse d'une carrière qui dure depuis cinq décades et au cours de laquelle il a abordé toutes sortes de musiques improvisées. Car tout n'est pas électrique et Corea joue aussi du grand piano à côté du Moog et du Rhodes (émulé, il est vrai, sur un synthé). Il compose des thèmes forts qui restent en mémoire, invente de nouvelles espagnolades sur Planet Chia et pousse ses complices au bout de leurs capacités dans des swing forcenés irrésistibles (ce Portals To Forever qui fuse à vitesse-lumière). Sur Pledge For Peace, Féraud et Garland sont remplacés respectivement par Clarke et Ravi Coltrane pour une exploration modale pleine de verve et de feu en un éblouissant hommage à John Coltrane. Sur son fringuant destrier, dans une armure sans rouille et qui brille comme du platine au soleil, le chevalier Corea, quand même âgé de 72 ans, passe le flambeau aux jeunes générations mais continue de jouter avec eux avec la même férocité et la même passion qu'autrefois.
    [ The Vigil (CD & MP3) ]



  23. Dewa Budjana : Surya Namaskar (MoonJune Records), 2014. Venu du rock et de Bali, le guitariste indonésien Dewa Bujana a une longue carrière derrière lui qui l'a amené à jouer un jazz-rock virtuose mis en valeur sur cet album par l'apport de pointures internationales comme le bassiste Jimmy Johnson (Allan Holdsworth) et l'extraordinaire batteur Vinnie Colaiuta (Frank Zappa, Herbie Hancock). Un casting de rêve pour ce Surya Namaskar (Salut Au Soleil en Balinais) enregistré quasiment en live en studio à Los Angeles en 2013, complété ensuite à Djakarta par quelques ajouts mineurs, et enfin mixé par par l'ingénieur Robert Feist (Allan Holdsworth, Gary Husband, Chad Wakerman et George Benson). Toujours mélodique, la musique rend hommage à quelques grands guitaristes comme Ralph Towner (Campuhan Hill interprété sur une guitare acoustique), John McLaughlin (le riche Duaji & Guruji avec ses couches de guitare empilées), et bien sûr Allan Holdsworth sur Capistrano Road, une ballade sombre sur laquelle Budjana parvient à émuler le phrasé, le son et le sustain si caractéristiques du maestro de la fusion britannique. Ailleurs, Budjana n'oublie pas ses racines en invitant sur Kalinga des musiciens folkloriques qui chantent et jouent sur des instruments soundanais. Désormais reconnu par les plus grands, Budjana n'a eu aucune difficulté non plus à persuader le guitariste Michael Landau d'incruster un solo électrique d'anthologie sur le titre éponyme qu'il accompagne joliment en acoustique. Et sur l'impressionnant Fifty (composé le jour du cinquantième anniversaire du leader en août 2013), c'est le grand claviériste et batteur anglais Gary Husband qui a accepté de soloter sur ses synthés tout en doublant la guitare à l'unisson. Ouvrant de nouvelles perspectives entre jazz, rock et world, à la fois sophistiqué, mélodieux et accessible, Surya Namaskar est tout simplement l'album de fusion le plus frais et le plus enthousiasmant de l'année 2014.
    A écouter aussi dans le même style : Hasta Karma (MoonJune Records) sorti en 2015 avec Joe Locke au vibraphone, Ben Williams à la basse et Antonio Sanchez à la batterie.
    [ Surya Namaskar (CD & MP3) ] [ Hasta Karma (CD & MP3) ]



  24. Bob Belden & Powerhouse : In an Ambient Way (Chesky Records), 2015. Avec Bob Belden (sax soprano , flûte), Wallace Roney (trompette), Kevin Hays (Fender Rhodes), Daryl Johns (bass), le guitariste Oz Noy et le batteur Lenny White à bord, Powerhouse est en quelque sorte un supergroupe dont l'objectif avoué était d'interpréter de manière innovante le fameux In A Silent Way de Miles Davis. La vision de Belden (mort à l'âge de 58 ans le 20 mai 2015, soit un mois avant la sortie de l'album) consistait à utiliser les technologies les plus modernes d'enregistrement et de jouer avec les textures sonores pour enrichir le matériau de départ, ce qui a donné au final une œuvre originale certes inspirée par l'esprit de son modèle mais sans le copier pour autant. Egalement historien (il a notamment supervisé et annoté la réédition en coffret des albums de Miles pour Columbia), arrangeur et producteur de premier ordre que l'on pourrait compaer à Teo Macero, James Robert "Bob" Belden fut aussi l'initiateur de Miles From India (2 CD Times Square Records, 2008), un étonnant projet transculturel qui combine des artistes indiens avec des musiciens issus de la galaxie Miles comme Marcus Miller, Chick Corea, John McLaughlin ou Mike Stern. Et ici encore, les relectures de titres phares comme Spanish Key, Miles Runs The Voodoo Down, Jean Pierre ou Ife apparaissent autant singulières que réussies. Voici de la fusion dans son expression la plus complète et la plus intelligente et avec laquelle on communie aisément.
    [ Powerhouse : In An Ambient Way (CD & MP3) ] [ Miles From India (2CD) ]



  25. Brett Garsed : Uncle Moe's Space Ranch (Tone Center), 2001. Fantastique album plein de groove et de feu initié par les deux guitaristes Brett Garsed et TJ Helmerich qui se sont associés à trois autres virtuoses du jazz-rock : le claviériste Scott Kinsey, le bassiste Gary Willis et le batteur Dennis Chambers. Par son côté technique et explosif, l'ensemble a indéniablement un petit air de Tribal Tech, façon Rocket Science, mais l'esprit de Weather Report n'est jamais non plus très loin avec des sonorités électroniques dignes d'un Joe Zawinul. Voici de la fusion moderne, énergique, excitante et inventive, avec des improvisations risquées et des arrangements inspirés, qui ravira tous les fans et pas seulement ceux de prouesses techniques. A écouter aussi: leur production suivante intitulée Moe's Town (Tone Center), 2007
    [ Uncle Moe's Space Ranch (CD) ] [ Moe's Town (CD) ]




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