Rock progressiste : les Nouveautés 2022 (Sélection)



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Sélection Prog 2022

LA SELECTION PROG 2022
En « progressive rock », plusieurs albums nous ont accroché plus que d'autres depuis le début de cette année.
En voici quelques-uns qui méritent certainement d'être écoutés.
Malheureusement, par manque de ressources, certains n'ont pu encore être chroniqués dans ces pages.
Mais ne désespérons pas : le temps finit toujours par tout mettre tout en lumière.



Ben Craven : Monsters From The Id (Indépendant), Australie, 6 mai 2022
Ben Craven : Monsters From The Id
Ben Craven (chant, tous les instruments, orchestrations et arrangements)

1. Die Before You Wake (19:32) - 2. Amnis Flows Aeternum (19:11) – Bonus tracks : 3. Die Before You Wake (Single Edit) (4:57) - 4. Wicked Delights (Single Edit) (2:40)- 5. Guilding Voice (Single Edit) (3:31) - 6. Amnis Flows Aeternum (Single Edit) (4:51)


Ben Craven : Monsters From The Id (digipack)Ben Craven est indubitablement aujourd'hui l'une des plus brillantes incarnations de la scène progressive australienne. C'est le 15 août 2011 que son second album Great And Terrible Potions révéla à un large public ce chanteur, compositeur et multi instrumentiste basé à Brisbane. Sous une inoubliable pochette illustrée par Roger Dean, qui signa en outre le logo de Ben Craven, ce répertoire présentait une musique des plus originales, un harmonieux amalgame entre bandes sonores aux orchestrations remarquables et pièces progressives dans la pure tradition des grandes formations des années 70 (Yes, Emerson Lake & Palmer, Pink Floyd). En 2016, l'excellent Last Chance To Hear poursuivait cette phase ascensionnelle par des plages plus longues et des développements instrumentaux plus riches. L'un des titres (Critical Mass Part 2) fut élu meilleure pièce instrumentale aux Australian Independant Music Awards en 2019.

Cette fois encore, cinq années auront été nécessaires à cet artiste méticuleux et perfectionniste, dont six mois d'enfermement dans son studio, pour nous livrer Monsters From The Id, une plongée freudienne dans les tréfonds d'un inconscient humain aux pouvoirs décuplés par la technologie. Ce thème était en gestation dans l'esprit du musicien depuis sa découverte du film Planète Interdite (Fred McLeod Wilcox, 1956) un classique de la science-fiction américaine qui inspira le titre de l'album. La crise sanitaire, des mesures et un confinement particulièrement strict dans cette région du monde, auront fortement marqué le propos sombre et pessimiste de l'œuvre. Les deux pièces épiques d'une vingtaine de minutes qui en constituent l'ossature, sont, dans ce format, un hommage non dissimulé à Mike Oldfield. Le découpage ingénieux de chacun de ces deux morceaux (pas moins de 12 parties pour le second) permet à la fois d'en fluidifier le développement, de polariser l'attention et de passionner l'écoute au fil d'une riche diversité de paysages sonores et d'ambiances.

Monsters From The Id ravira de concert les amateurs avertis de prog symphonique et les passionnés de musiques de cinéma contemporaines. Die Before You Wake démarre sur une orchestration d'une puissante intensité dramatique appuyée par des chœurs dignes de Carl Orff ou de Basil Poledouris, et que rejoignent bientôt les guitares électriques de Ben Craven puis son chant suave et poignant. A présent, la mélodie est reine, bercée par de langoureux solos de guitare et de nappes cristallines de claviers. Sur une transition orchestrale, le musicien nous embarque dans une de ces envolées instrumentales dont nous comblèrent jadis Tony Banks et Rick Wakeman. La pièce se referme sur une séquence atmosphérique qui, à l'instar de son piano éthéré et d'une guitare slide haut placée, évoque irrésistiblement l'univers de Pink Floyd. Si les textes de ce premier morceau font état d'un épicurisme excessif auquel s'abandonne l'humanité, Amnis Flows Aeternum pointe, quant à lui, une foi aveugle en de fausses divinités. Une guitare acoustique hackétienne introduit cette seconde plage, et ouvre sur un thème baigné dans un climat pouvant faire penser à de célèbres partitions de John Barry ou encore au thème de Twin Peaks (A. Badalamenti). Puis, nous sommes véritablement empoignés par une musique au développement plus complexe et proche du registre d'Emerson Lake & Palmer, une instrumentation luxuriante, où les changements sont portés par une section rythmique plus puissante. Le chant, bien que plus effacé, reste tout autant chargé d'émotion, et le niveau mélodique est toujours intact. Un homérique solo de guitare électrique précède le formidable crescendo final. Les quatre titres bonus suivants sont à la fois des reprises des thèmes forts des deux pièces précitées et des chansons indépendantes, dans un format court de type « radio ».

Dans un élégant digipack, cet album joliment illustré en couverture par Freyja Dean (fille de Roger), intègre un dvd reprenant le répertoire en version 5.1 DTS et les singles en vidéo. Oeuvre à ce jour la plus aboutie de Ben Craven, cet opus fera date dans l'histoire du rock progressif. Altaira, un troisième titre plus apaisé et empreint de sentimentalisme, initialement prévu ici puis abandonné pour des raisons de durée, sera intégré à une suite prochaine de l'album. Enfin, Ben avance également sur une collaboration avec le claviériste Tim Bennetts, les deux musiciens s'étant trouvé une complicité créative digne du duo David Gilmour/Richard Wright. Autant de projets à suivre de près. [4½/5]

[ Chronique de Michel Linker ]

[ Monsters From The Id sur Bandcamp ]
[ A écouter : Wicked Delights - Die Before You Wake ]

Esthesis : Watching Worlds Collide (Indépendant), France, 19 août 2022
Esthesis : Watching Worlds Collide
Aurélien Goude (claviers, chant, guitare Lap steel: 4, 6, guitare: 2, harmonica: 7, programmation batterie: 3, programmation basse: 6); Baptiste Desmares (guitare); Marc Anguill (basse); Arnaud Nicolau (batterie); Maceo Le Fournis (saxophone ténor: 1,2,4,5,7); Alex Foucan (trombone: 1,2,4,5,7); Yannis Beugré (trompette: 1,2,4,5,7); Mathieu Vibert (violon: 3, 8); Vincent Blano (banjo, banjo électrique, Dulcimer de montagne, percussions: 4

1. Amber (6:46) - 2. Place Your Bets (7:23) - 3. Skimming Stones (5:12) - 4. Wandering Cloud (6:00) - 5. Vertigo (5:00) - 6. 57th Street (12:00) - 7. Through My Lens (8:07)


Esthesis : Watching Worlds Collide La fin de l'année 2020 fut, entre autres, marquée par la sortie de The Awakening, un premier coup d'essai (si l'on ne compte pas l'EP Raising Hands en 2019) qui consacrait déjà Esthesis au-delà de l'hexagone, si l'on en juge par les nombreux articles élogieux de médias spécialisés parmi lesquels celui du fameux magazine britannique Prog dont les lecteurs l'élurent en 2020 « meilleur groupe non signé par un label ». Emmenée par l'auteur compositeur, chanteur et poly instrumentiste Aurélien Goude, la formation toulousaine présentait un somptueux patchwork d'ambient et de rock atmosphérique dans une mouvance floydienne, une musique se voulant suggestive et vectrice d'émotion, portée par un tempo majoritairement lent, un piano classicisant et des guitares et claviers aériens. Esthesis témoignait déjà, bien au-delà de ses influences, d'une signature personnelle très marquée.

Annoncé en Juin par le single Place Your Bets, ce second opus réunit autour du leader le même line-up à l'exception du batteur Arnaud Nicolau en lieu et place de Florian Rodrigues. Le titre de l'album évoque celui du célèbre film de science-fiction When Worlds Collide (1951) mais le sujet développé ici ne concerne pas le choc des mondes, mais bien au sein de notre planète, celui des confrontations humaines dans une époque pour le moins tourmentée. Ce nouveau répertoire conserve les belles qualités mélodiques du précédent, sa force émotionnelle ainsi que le caractère cinématographique d'une musique suscitant chez l'auditeur une variété d'images mentales et de sensations. Il s'est en outre enrichi d'une mosaïque de styles supplémentaires allant du jazz, voire de la soul, au métal en passant par l'électro. Place Your Bets, qui nous régale au passage d'un chorus du saxophoniste ténor Macéo Le Fournis, livre véritablement le cap de ce second album en illustrant bien cette évolution avec, entre autres, l'apport d'une section de cuivres invitée sur cinq titres. Les paysages sonores, les changements, le chant et les arrangements vocaux d'Aurélien rappellent Steven Wilson et Porcupine Tree dans les années 90. Quant à la section rythmique, elle a gagné en puissance.

Le batteur Arnaud Nicolau et le bassiste Marc Anguill introduisent le premier morceau Amber dont le propos sur le harcèlement de rue est appuyé par des effets électroniques et par les guitares tour à tour acérées et aériennes de Baptiste Desmares. La mélancolie de la fable écologique Skimming Stones est magistralement rendue par le violon de Mathieu Vilbert qui remplace ici la six-cordes. Démarrant sur des notes vaporeuses de piano, Wandering Cloud, métaphore sur un amour chimérique, flatte et accroche l'oreille par sa mélodie et par des arrangements fastueux. Sur une luxuriante instrumentation portée par le groove de Marc Anguill et l'énergie d'Arnaud Nicolau, la pièce instrumentale Vertigo évoque, avec des sonorités toutefois plus modernes, la bande originale d'un bon polar, son titre faisant d'ailleurs référence au chef d'œuvre inoubliable d'Alfred Hitchcock. Il est vrai que les ambiances des films noirs teintent aussi ce répertoire, jouant sur l'ombre et la lumière à l'instar de la pochette en noir et blanc de l'album. Démarrant sur des bruits urbains, 57th Street et son thème de la femme fatale inhérent au genre, est un travelling de 12 minutes où la partition du compositeur remplace la caméra du metteur en scène, faisant défiler Manhattan au fil de cette célèbre avenue reliant les docks de New York à l'East River. L'album se referme sur Through The Lens, un sujet cher à Aurélien et d'une triste actualité, à savoir la guerre vue au travers de son objectif, un morceau qui, en mariant avec bonheur plusieurs univers musicaux, témoigne une fois de plus du niveau d'accomplissement atteint par le groupe sur ce second album.

Contrairement à son prédécesseur dont la sortie fut confrontée à la crise sanitaire, Watching Worlds Collide fera l'objet sur le dernier trimestre, d'une large tournée en France. Pour autant, le compositeur prolifique qu'est Aurélien Goude s'attèle déjà à la préparation d'un troisième album qui s'orientera cette fois vers un registre plus avant-gardiste et expérimental. De quoi rester attentif aux activités de ce groupe qui flirte désormais avec le meilleur de ce que la scène progressive internationale peut offrir. [4½/5]

[ Chronique de Michel Linker ]

[ Watching Worlds Collide sur Bandcamp ]
[ A écouter : Place Your Bets - Skimming Stones ]

Jean Pascal Boffo : In Spiral (Autoproduction), France, 27 mai 2022
Jean Pascal Boffo : In Spiral
Jean Pascal Boffo (guitares, synthétiseurs); Claire Chookie Jack (basse); Patricia Alves Peito (basse); Seraphin Palmeri (claviers); William Bur (batterie)

1. Fly Away (4:13)- 2. Cosmic Blossom (4:05) - 3. Childhood Dream (3:48) - 4. Seed Of Light (4:00) - 5. Epicycle (5:04) - 6. Blue Nebula (4:21) - 7. Inner World (4:12) – 8. Connection Breakdown (4:41) – 9. Space Time (4:24) – 10. Night Sky (5:16)


Jean Pascal Boffo : In SpiralIl est des musiciens pour lesquels une présentation en quelques lignes s'avère un exercice indubitablement compliqué pour ne pas dire chimérique ; tel est bien le cas du guitariste et compositeur Jean Pascal Boffo, artiste autodidacte et éclectique qui rayonne sur la scène progressive française depuis le milieu des années 70. Pour le grand public, le morceau Invizible (extrait de Parfum D'Etoiles) fut en 2000 et pendant treize ans, le générique de l'émission "Sous Les Etoiles Exactement" sur France Inter. En 1986, son premier album Jeux De Nains fut aussi la toute première production du label Musea créé quelques mois plus tôt à Metz, et devait inaugurer un partenariat de près de trois décennies. Également ingénieur du son, il créa en 1990 son propre studio (ex Association Amper) qui réalisera quelque 300 albums. Parallèlement à ses nombreuses collaborations, notamment avec Christian Decamps & Fils (Nu en 1994), sa discographie personnelle, tout à tour intimiste, orchestrale ou symphonique, représente une véritable mosaïque de styles, allant du folk (Vol D'Oiseaux) à une fusion mâtinée de musique ethnique (Nomades, Offrande), en passant par un classicisme aux couleurs impressionnistes (Rituel). Au détour d'un album, on peut ainsi croiser Steve Hackett et Anthony Phillips (Jeux De Nains, La Boite A Musique, Invizible) ou savourer une rencontre entre Pat Metheny et Jan Akkerman (Vu Du Ciel). Du courant zeuhl (Carillons) à la musique cinématique (Le Jardin Des Fleurs), son champ d'inspiration et ses influences sont indubitablement d'une éminente diversité.

Annoncé par trois singles magnifiquement mis en images par Alicia Hiblot, voici donc le quatorzième opus de Jean Pascal Boffo marqué par un retour à l'électrique après quatre albums majoritairement acoustiques. Renouant avec ses premières productions, Il s'agit également d'un répertoire totalement instrumental, exception faite du chœur du Conservatoire de Metz qui enveloppe délicatement le dernier et somptueux morceau Night Sky. In Spiral intègre par ailleurs, comme dans Infini en 2004, des éléments électroniques, Jean Pascal retrouvant en l'occurrence le claviériste Séraphin Palmieri avec lequel il avait formé le duo électro expérimental Sounds In Progress. Pour autant, la musique préserve ici sa substance organique et sa dimension humaine. De nouveaux musiciens ont pris la suite de Laurent Payfert et Hervé Rouyer au sein du line-up : la rencontre avec William Bur fut une des genèses du projet, et aux côtés du batteur, les deux bassistes Claire Chookie Jack et Patricia Alves Peito complètent alternativement une section rythmique toujours ancrée dans le rock.

Les premières notes vaporeuses de claviers dans Fly Away lèvent le rideau sur un ensemble très compact de dix morceaux d'un format court allant de 4 à 5 minutes. Sur les tempos changeants d'une rythmique dont la pulsation produit un effet hypnotique, la guitare se substitue au chant pour exposer des thèmes et mélodies qui magnétisent dès la première écoute, tels des vers d'oreille. Les effets électroniques qui se juxtaposent aux synthétiseurs et claviers créent une dimension spatiale suscitant un état onirique entre veille et songe (Childhood Dream, Seed Of Light, Inner World, Space Time). Fluide et aérienne, la six-cordes sillonne ces mondes intérieurs où l'espace et le temps se confondent, et où se dessinent des paysages lumineux (Fly Away, Cosmic Blossom, Epicycle, Night Sky) ou tourmentés, à l'instar du sombre et crimsonien Connection Breakdown. Il faut enfin souligner la qualité des arrangements qui, entre autres, associent admirablement la modernité de l'électronique aux sons vintage portés par les Fender Stratocaster et Jaguar.

Comme ce fut le cas lors de ses précédentes invitations au voyage, Jean Pascal Boffo nous livre une fois encore une œuvre inspirée qui marie avec bonheur émotion, lyrisme et maestria technique. Ajoutons une production cristalline de la part de cet explorateur de l'acoustique qui, à l'instar d'un Alan Parsons ou d'un Steven Wilson, poursuit indéfectiblement sa quête de la quintessence sonore. Incontournable ! [4½/5]

[ Chronique de Michel Linker ]

[ In Spiral sur Bandcamp ]
[ A écouter : Childhood Dream - Night Sky ]

Marillion : An Hour Before It's Dark (Intact Records), 4 mars 2022
Marillion : An Hour Before It's Dark
Steve Hogarth (chant, chœurs, piano, glockenspiel, piano électrique); Steve Rothery (guitare électrique, guitare acoustique); Mark Kelly (grand piano, claviers); Pete Trewavas (basse, guitare acoustique, orgue); Ian Mosley (batterie); Kat Marsh (chœurs); Luis Jardim (shaker, cabasa, sonnaille, tambourin, congas, djembé); Annemie Osborne (violoncelle); Bethan Bond (harpe); Nicole Miller (viole); Ingrid Schang & Maia Frankowski (violons); Sam Morris (cor); P. Bisser & D. Paslow (bruitages); B. Hartshorn & G. Underwood (sons)

1. Be Hard On Yourself (9:24) - 2. Reprogram The Gene (7:00) - 3. Only A Kiss (0:39) - 4. Murder Machines (4:21) - 5. The Crow And The Nightingale (6:34) - 6. Sierra Leone (10:49) - 7. Care (15:14) - 8. Murder Machines (12" remix)


An Hour Before It's Dark (Digipack)Vingtième album studio de Marillion si l'on tient compte de With Friends From The Orchestra, An Hour Before It's Dark s'inscrit dans une continuité évidente avec son prédécesseur Fear. L'émotion est palpable tout au long de ce nouveau répertoire qui compte de longues suites découpées en trois à cinq parties. Il marque une nouvelle étape forte de l'ère Hogarth à travers une approche introspective que portent des textes nourris par la crise sanitaire des deux années écoulées. Le rock symphonique et théâtral de la période Fish des premiers albums paraît aujourd'hui bien loin. L'heure est à présent, comme le mentionne d'ailleurs le label du groupe, aux sujets sociétaux, politiques et à la question centrale du devenir de l'humanité. La musique se place plus que jamais au service des textes et de leurs messages. Côté production, due à la patte de l'ingénieur du son Michael Hunter, force est de reconnaître qu'une fois encore, nous touchons ici au sublime. Si l'album fut majoritairement réalisé au Racket Club du groupe, quelques titres ont également été enregistrés aux fameux studios Real World de Peter Gabriel considérés par bon nombre de musiciens comme le saint des saints.

Sorte d'objurgation face au consumérisme outrancier et à notre inaction devant la menace climatique, le premier morceau Be Hard On Yourself, installe d'emblée une de ces ambiances éthérées qui parsèment l'album. Des chœurs puis les claviers aériens de Mark Kelly, les variations harmoniques et l'étonnante rythmique de Ian Mosley soudent les trois sections d'une des plus belles pièces d'introduction d'album. Sur un tempo plus enlevé, Reprogram The Gene exhorte l'humanité à se réveiller sur un texte en forme de métaphores, laissant à chaque auditeur la liberté d'en avoir sa propre lecture. Murder Machines touche le cœur du sujet de cette pandémie qui a détruit le lien social et familial de la manière la plus tragique. Le chant est sublimé par un refrain accrocheur, les guitares atmosphériques et plaintives de Steve Rothery et la puissante section rythmique. Dans The Crow And The Nightingale, pièce lyrique par excellence, Steve Hogarth rend un tendre hommage au musicien canadien Léonard Cohen, l'un de ses principaux influenceurs en termes d'écriture. Cette ballade est portée aux nues par de célestes harmonies vocales et un remarquable solo final de Steve Rothery. Toujours servi par une éblouissante instrumentation, le chanteur et parolier touche l'état de grâce avec Sierra Leone, une allégorie de 12 minutes évoquant ce diamant unique trouvé par un enfant travaillant la terre et qui refusera de le vendre, une symbolique très forte dans ce pays faisant en permanence l'objet de fléaux et de convoitises. Enfin, Care, pièce épique de 15 minutes en forme d'ode aux soignants, marque véritablement l'apothéose de ce répertoire. Les baguettes de Ian Mosley se font discrètes ; le groove du bassiste Pete Trewavas fait peu à peu place à Steve Hogarth qui porte l'intensité émotionnelle à son comble lorsqu'il chante toute la fragilité humaine et l'abnégation des personnels de santé ; la mélancolie suinte des notes de claviers de Mark Kelly tandis que Steve Rothery nous régale de ses sons édéniques, issus notamment de sa Blade RH-4. Cette pièce, la dernière si l'on ne tient pas compte du remix de Murder Machines, donne quelque part toute son homogénéité au répertoire.

Ce groupe fondateur du courant néo-progressif depuis son premier single Market Square Heroes en 1982, peut toujours, après quatre décennies émaillées de grands albums, se prévaloir d'un nombre aussi bluffant de fans ; à ce titre, il se devait d'offrir ici encore, dans un élégant digipack, et en ajout du cd audio signé par les quatre musiciens, un dvd comprenant le "making of" d'un nouvel opus qui fera date. [4½/5]

[ Chronique de Michel Linker ]

[ An Hour Before It's Dark (CD / LP / Digital) ]
[ A écouter : Murder Machines - The Crow And The Nightingale - Care ]

Kubusschnitt : The Core (Bandcamp), Multinaltional, 2022
The Core
Andy Bloyce, Tom Coppens et Ruud Heij (synthés)

1. Rule of Exception (18:51) - 2. Fire Within (12:49) - 3. The Network Opens (15:23) - 4. Galactic Flow (21:16)


Kubusschnitt a été créé en 1999 par quatre musiciens issus de pays européens différents : Andy Bloyce (Royaume-Uni, également actif sous le nom de Soviet Space Dog Project), Tom Coppens (Belgique, Hyperkube), Ruud Heij (Pays-Bas, collaborateur de Gert Emmens avec qui il forme un duo depuis 2003) et Jens Peschke (Allemagne, membre du trio Navigator). Au fil des ans, le groupe a connu plusieurs changements de personnel avec de longues périodes d'inactivité. Sorti en février 2022, The Core marque le retour inattendu, après vingt années de silence studio (leur dernière production nommée Entropy's Evolution date de 2001), d'un trio composé de trois des quatre membres originels : Andy Bloyce, Tom Coppens, and Ruud Heij.

Riche en longues structures séquencées, la musique reste toujours inspirée de la « Berlin School » (Tangerine Dream et Klaus Schulze entre autres) mais avec une touche personnelle qui inclut de belles et longues parties « ambient ». Quatre titres, dont deux d'environ 20 minutes composent le répertoire de cet album vendu en digital 24 bits et en compact (format 16 bits) sur la plateforme Bandcamp. Les pistes ayant servi de base à la réalisation de cette nouvelle production ont été enregistrées dans le studio de Ruud aux Pays-Bas et on peut imaginer qu'elles sont, elles aussi comme chez tant d'autres artistes, le produit de l'isolation due à la pandémie.

Ceux qui apprécient la musique instrumentale électronique créative trouveront ici largement de quoi être satisfait, les quatre longues plages offrant alternativement des passages atmosphériques propices au voyage cosmique (Fire Within) et d'autres emmenés par des séquenceurs furieux qui s'emballent comme le U.S.S. Enterprise poursuivi par une armée de Klingons (Galactic Flow). Depuis Entropy's Evolution, leur style n'a pas considérablement changé mais The Core marque le retour en forme d'un groupe qu'on pensait bel et bien disparu dans une faille spatio-temporelle et prouve, si besoin en était, qu'après tant d'années de musique synthétique, « l'Ecole de Berlin » n'a pas encore exploré toutes les planètes cachées dans la lueur pâle des soleils lointains. [4/5]

[ Chronique de Pierre Dulieu ]

[ The Core sur Bandcamp (CD / Digital) ]
[ A écouter : Galactic Flow ]

Jean Pierre Louveton - Sapiens 3/3 : Actum (Quadriphonic / Bandcamp), France, 11 mars 2022
Jean Pierre Louveton Sapiens 3/3 : Actum
Jean Pierre Louveton (voix, guitares, basse, instruments virtuels); Jean Baptiste Itier (batterie : 1,4,5); Florent Ville (batterie : 2,3); Guillaume Fontaine (claviers : 3); Didier Vernet (basse : 2, 3); Stéphanie Vouillot (piano : 5c, 5d, voix : 2); Marguerite Miallier (vielle à roue : 4); Sylvain Maon (saxophone soprano : 5d)

1. Paradis Perdu (5:53) - 2. Mon Cercueil (6:08) - 3. Alias (La Machine) (4:50) - 4. Dansez Maintenant (5:12) - 5. Memento Mori (23:01) : a) Marche Vers l'Inconnu – b) Tempus Fugit – c) La Mort Du Roi – d) Paria – e) Acta Fabula Est


Si l'on associe les discographies respectives de Nemo et de Wolfspring à celle de JPL, Sapiens 3/3 Actum est le vingt deuxième album studio, et onzième en solo, de Jean Pierre Louveton. Ce troisième volet conceptuel conclut une trilogie inaugurée en 2020 sur l'histoire de l'humanité ; il se focalise à présent sur les questions inhérentes au présent et au futur de notre espèce, notre devenir dans un monde régi par l'hégémonie technologique, et notre survie au sein d'un environnement que nous nous évertuons à dégrader.

Cette fois encore, des textes engagés et incisifs sont portés par une musique transfigurée, ambitieuse et magnifiée par de larges séquences instrumentales, comme l'introduction du premier morceau Paradis Perdu et ses riffs tranchants de guitare auxquels se mêlent de subtils claviers vite emportés par la rythmique du fougueux batteur de Némo, Jean baptiste Itier ; la musique appuie admirablement ce sujet central de l'album qu'est l'introspection d'un homme moderne face à l'enfer vers lequel son égo et sa cupidité l'ont aveuglément conduit. Mon Cercueil ajoute une sensation claustrophobique par son tempo lent puis légèrement changeant, une basse épaisse et des solos plaintifs de guitares dont le premier prend une connotation blues. Puis c'est dans la pure tradition d'un rock teinté de métal qu'Alias La Machine, aux sons acérés de la six-cordes de Jean Pierre Louveton, combinés ici aux claviers torrentueux de Guillaume Fontaine également contributeur avec le second batteur Florent Ville de la composition du morceau, nous plonge dans cet univers orwellien. Puis l'ombre fait place à la lumière, le temps de Dansez Maintenant, une pièce festive et surprenante par ses changements d'ambiances, passant d'un rock délicat à une musique issue du folklore populaire au rythme de la vielle à roue de Marguerite Miallier.

Et l'on ne pouvait imaginer plus belle conclusion à cette saga Sapiens que Memento Mori, dernier morceau du répertoire, une pièce épique d'une durée de 23 minutes, découpée en cinq parties, initiées par deux instrumentaux, classicisants, dont le premier expose un thème récurrent par la suite sous la forme étonnante d'une marche militaire. La Mort Du Roi, puis Paria, appuyé par le saxophone soprano de Sylvain Maon, nous élèvent dans la stratosphère aux confins du jazz et de la fusion, mettant encore en exergue l'exceptionnelle technique aux nombreuses facettes du guitariste. Acta Fabula Est, peut-être le titre plus progressif, et qui referme cet opus, résume à merveille ce florilège varié de mélodies, de sons et d'harmonies.

A la suite du somptueux Deus Ex Machina, Jean Pierre Louveton nous livre avec Actum un nouveau joyau, mettant une fois de plus sa virtuosité et ses talents de compositeur et d'arrangeur au service d'un projet musical signifiant et plein d'émotion. Ainsi se conclut une trilogie exceptionnelle qui fera date dans la discographie de Jean-Pierre Louveton et de ses différents avatars. [4½/5]

[ Chronique de Michel Linker ]

[ Sapiens, chapitre 3​/​3 : Actum sur Bandcamp ]
[ A écouter : Mon Cercueil - Alias (La Machine) ]

Big Big Train : Welcome To The Planet (English Electric Recordings), UK, 28 janvier 2022
Big Big Train : Welcome To The Planet
Gregory Spawton (basses, pédales de basse, guitares acoustiques 6 & 12 cordes, mellotron, orgue, synthétiseur, chœurs); David Longdon (chant, flûte, tambourin, mellotron, piano); Rikard Sjöblom (guitares, orgue, orgue Hammond, synthétiseur ARP, mellotron, accordéon, chœurs, Fender Rhodes, piano); Nick D'Virgilio (batterie, percussions, chant, clochettes, vibraphone, mellotron, Fender Rhodes, orgue, synthétiseur); Carly Bryant (piano, synthétiseur, chant); Dave Foster (guitare acoustique, guitares électriques 6 & 12 cordes); Clare Lindley (violon, chant, chœurs); John Storey (euphonium); Nick Stones (cor); Dave Desmond (trombone); Ben Godfrey (trompette); Jon Truscott (tuba); Aidan O Rourke (violon); Derek Reeves (violon); Riaan Vosloo (contrebasse)

1. Made From Sunshine (4:04) - 2. The Connection Plan (3:55) - 3. Lanterna (6:29) - 4. Capitoline Venus (2:27) - 5. A Room With No Ceiling (4:52) - 6. Proper Jack Froster (6:46) - 7. Bats In The Belfry (4:54) - 8. Oak And Stone (7:12) - 9. Welcome To The Planet (6:41)


« L'expérience de la pandémie nous a montré que nous devons faire le meilleur usage de notre temps sur Terre. Dans cet esprit, et avec de nouveaux membres du groupe à bord nous donnant un nouveau souffle, nous avons décidé de retourner rapidement en studio pour écrire et enregistrer Welcome To The Planet. » : Gregory Spawton explique simplement ainsi la prompte sortie de ce nouvel opus, six mois seulement après le somptueux Common Ground. Il est en outre nécessaire de rappeler la disparition brutale, le 20 novembre dernier, de David Longdon, chanteur charismatique et homme de scène, véritable force motrice du groupe, qui depuis 2009 (The Underfall Yard), a installé Big Big Train au tout premier plan de la scène internationale ; ce drame fera de Welcome To The Planet le marqueur indélébile d'une fin de chapitre dans l'histoire du groupe.

Pour autant, ne boudons pas notre plaisir car ces neuf morceaux relativement courts (un seul titre dépasse les sept minutes) font de Welcome To The Planet une nouvelle et incontestable réussite. Chaque membre s'est attelé à l'écriture d'une musique toujours accrocheuse, changeante, et qui alterne des titres portés par une instrumentation luxuriante avec des pièces plus intimistes. Composé par le guitariste Dave Foster sur des textes de David Longdon, qui partage le chant avec Clare Lindley, Made From Sunshine ouvre le répertoire sur une mélodie allègre et entraînante. Comme sur les quatre derniers titres, le line up s'est étoffé d'une section de cinq cuivres. Le groupe fait ici état d'un large éventail de références dans le pop rock (évoquant Johnny Marr pour les lignes de guitare et Crowded House pour les harmonies vocales). Puis le violon embarque The Connection Plan sur le rythme enlevé d'une pièce que Nick D'Virgilio aurait tout autant pu destiner à un album de Spock's Beard. Également signé par le batteur, l'instrumental Bats In The Belfry est une pièce de fusion progressive tour à tour aérienne et énergique, mettant naturellement en vedette la section rythmique qui porte littéralement les guitares, orgues et cuivres. Paisible et sombre, avant de monter crescendo, Lanterna renvoie au mémorable Atlantic Cable de l'opus précédent, mariant avec grâce guitares acoustiques & électriques, piano, orgues, synthétiseurs et mellotron. Composée par Gregory Spawton, la sixième plage, Proper Jack Froster, aux accents parfois médiévaux, est un hymne à la vie et à la félicité qui nous berce et nous enveloppe délicieusement par la magie du duo vocal formé par David Longdon et Carly Bryant. Quant à Rikard Sjöblom, il assure, à l'exception de la rythmique, l'ensemble des instruments, des guitares aux claviers en passant par l'accordéon, sur son titre A Room With No Ceiling, un instrumental dont les paysages sonores peuvent évoquer Beardfish avec une pointe de psychédélisme. Oak And stone, atmosphérique et mélancolique, est enluminé par la voix de David Longdon que le piano, le violon et les chœurs accompagnent, rappelant Peter Gabriel dans la période des années 80 ; l'opus se referme sur un morceau titre haut en couleurs de Carly Bryant, également au chant, avec de somptueux arrangements symphoniques de cuivres et de chœurs aux confins des musiques du monde qui ponctuellement s'emportent tel un gospel puis retombent dans un final apaisé.

Welcome To The Planet pourrait certes désappointer les aficionados d'un rock progressif complexe incluant des pièces longues et épiques (Grand Tour, English Electric part 1 & 2). Pour autant, et dans la continuité de Common Ground, son accessibilité immédiate et cette indéniable propension, aussi bien à flatter nos oreilles qu'à toucher au cœur, devraient permettre à Big Big Train de capter une audience plus large. Reste au demeurant pour Gregory Spawton et son groupe à trouver un successeur au regretté David Longdon et, si la tâche semble ardue, ne doutons pas qu'in fine, Big Big Train parviendra à surmonter la terrible épreuve de la perte tragique d'un de ses membres les plus éminents et à poursuivre son florissant parcours. [4½/5]

[ Chronique de Michel Linker ]

[ Welcome To The Planet (CD / Digital) ]
[ A écouter : Welcome To The Planet (live acoustic performance) - Proper Jack Froster ]

Drifting Sun : Forsaken Innocence (Bandcamp / Indépendant), 2021 (CD) / 2022 (vinyle)
Drifting Sun : Forsaken Innocence
Pat Sanders (claviers); Mathieu Spaeter (guitares); John 'Jargon' Kosmidis (chant); John Jowitt ( basse; Jimmy Pallagrosi (drums) + Invités : Eric Bouillette (violon : 1,5, guitare : 7); Ben Bell (orgue Hammond solo : 3); Gareth Cole (guitare : 4)

1. King of the Country (11:36) - 2. Insidious (8:08) - 3. Dementium (9:10) - 4. New Dawn (6:48) - 5. Forsaken Innocence (Part 1) (10:51) - 6. Forsaken Innocence (Part 2) (14:52) - 7. Time to Go (2:28)


Forsaken Innocence est le septième disque en studio de ce groupe de néo-prog formé à Londres au début des années 90 par des musiciens français et américains. Depuis cette lointaine époque, en dépit de plusieurs changements de personnel, Drifting Sun a su évoluer jusqu'à devenir aujourd'hui un représentant majeur d'un genre finalement assez codé et qui a plutôt tendance à se répéter. Et cette nouvelle production représente aujourd'hui la manifestation la plus aboutie de cette évolution. Pour s'en convaincre, il suffira d'écouter King of the Country qui démarre l'album. Après une ouverture avec chœurs et accents médiévaux, la musique décolle fièrement pour un morceau épique de plus de onze minutes dans lequel alterneront interludes mélodiques et cavalcades instrumentales. L'orgue rugit comme au bon vieux temps d'Uriah Heep tandis que le violon d'Eric Bouillette en invité porte la mélodie comme chez Kansas. C'est vivant, ample et plein de ferveur, idéal pour lancer une oeuvre particulièrement tonique et créative. Il est clair que ce quintet bénéficie aussi de la présence à la basse de John Jowitt (IQ) qui assure une fondation solide avec son complice batteur Jimmy Pallagrosi (Karnataka).

La musique et les textes sont parfaitement en phase, le concept explorant la lutte entre le bien et le mal ainsi que le thème de l'innocence perdue que chacun, devenu adulte, tente de retrouver dans une quête difficile voire impossible. Un sujet évidemment propice à des changements continuels d'atmosphère et de contexte musical où le plus léger côtoie le plus sombre. Parfois, c'est le côté le plus inquiétant et le plus obscur qui prend le dessus comme dans le morceau Dementium qui trahit une forme de paranoïa.

La pièce de résistance du répertoire est le titre éponyme décliné en deux parties. La première commence avec une flûte comme du Jethro Tull avant de faire bon usage des synthés de Pat Sanders. Ici encore, le violon est une addition bienvenue qui étoffe encore un arrangement déjà bien dense. La seconde partie, instrumentale, confirme que le groupe sait composer des tapisseries sonores aux motifs variés tissés par les claviers et les guitares. Plus que les solos individuels, c'est l'expression collective qui confère à cette musique son unité et son impact. Time To Go clôture le disque sur une belle mélodie chantée avec émotion par John 'Jargon' Kosmidis et enluminée par le piano de Pat Sanders combinée à la guitare acoustique d'Eric Bouillette.

Forsaken Innocence sort Drifting Sun de l'ornière « néo » où il a été confiné jusqu'ici. Sa musique est désormais plus grandiose, plus travaillée et plus diverse (allant du symphonique à des tendances heavy), ce qui le rapproche de groupes plus éclectiques comme The Flower Kings, Arena ou Big Big Train sans oublier quelques influences des grands classiques légendaires des 70's pour faire bonne mesure. [4/5]

[ Chronique de Pierre Dulieu ]

[ Forsaken Innocence (CD / Vinyle / Digital) ] [ Forsaken Innocence sur Bandcamp ]
[ A écouter : King of the Country - Forsaken Innocence Part I - Forsaken Innocence Part II ]

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