Philippe Moulin

Les Authentiques Trésors du Rock 1965-1979



Le Livre


Les Authentiques Trésors du Rock 1965-1979


La Chronique


Consacrer un livre aux trésors du rock n'est pas en soi une idée originale : le nombre d'ouvrages disponibles, en français ou en anglais, est là pour en témoigner. Tout l'intérêt d'une telle entreprise réside donc dans la présentation et le traitement du sujet et sur ces plans-là, Philippe Moulin a su renouveler les codes en présentant son livre comme un roman où le héros, en l'occurrence le rock, évolue au fil des années depuis le Subterranean Homesick Blues de Bob Dylan jusqu'au The Wall du Pink Floyd.

Entre ces deux extrêmes, le rock a connu d'innombrables révolutions et remous qui auront pour conséquence de multiplier les styles musicaux. Dans cet océan en perpétuel mouvement, faire jaillir la lumière sur quelques 450 albums choisis pour leur importance historique ou sur base d'autres critères plus artistiques n'était certainement pas une sinécure. Mais au bout du compte, les disques présentés dans ce livre apparaissent comme des choix judicieux si bien que le livre aurait pu être sous-titré "les albums qu'il faut avoir écouté au-moins une fois dans sa vie."

Evidemment, il y a des laissés pour compte, certains d'ailleurs étonnants (l'auteur s'en explique dans l'interview qui suit) mais dans l'ensemble, l'essentiel est là et, de toute façon, les pistes sont données pour que le lecteur puisse lui-même approfondir ses connaissances en faisant un minimum de recherches. Bien écrits et présentés selon un ordre chronologique, les différents chapitres se lisent facilement tandis que des mots écrits en caractères gras permettent une lecture en diagonale pour ceux qui recherchent l'une ou l'autre information. Des chapitres en forme d'introduction ou de conclusion, respectivement consacrés au rock avant 1965 et à celui des années 80, ainsi qu'un glossaire, un guide des albums essentiels et un index des artistes complètent le livre qui est, par ailleurs, agrémenté de belles photos et des principales pochettes d'album reproduites en couleur.

Les Authentiques Trésors du Rock 1965-1969 constituent ainsi tout à la fois un guide pour mélomanes débutants, une coupe dans le temps racontant l'évolution musicale d'une période particulièrement féconde et, enfin, une célébration de quelques-uns des plus grands disques de musique populaire jamais enregistrés, ceux qui ont servi de bande son à toute une génération et qui continuent à en séduire de nouvelles.

[ Chronique de P. Dulieu ]

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L'Interview de Philippe Moulin


  • Pierre: Bonjour Philippe. A ce stade ce n'est plus la peine de faire les présentations puisqu'elles ont déjà été faites dans une autre interview parue dans ce magazine et consacrée à ton second livre sorti récemment : Les Maîtres de la Fusion Jazz Funk, Jazz Rock. Passons donc plutôt à la première question. Commencer une histoire du rock en 1965, année charnière du rock moderne marquée par la parution, entre autres, de Highway 61 Revisited et de Rubber Soul, paraît logique. Mais pourquoi s'arrêter en 1979 à l'aube d'une nouvelle révolution musicale engendrée par les inventions technologiques ?

    Philippe: Bonjour Pierre, c'est un plaisir de réaliser avec toi ce nouvel interview autour de mon premier livre axé sur le Rock. Il est essentiel en effet que les deux intervenants maîtrisent le sujet ; ce ne fut pas toujours le cas par le passé.
    Pour répondre à ta question, au fil des années 1980, les productions et les arrangements, dans leur grande majorité, se ressemblent et se radicalisent hélas en une formule simpliste et volontairement commerciale. Le Rock-F.M. envahit les radios. Un formatage excessif du son rend insipide la plupart des produits culturels de l'industrie musicale rock. Le compact-disc fait son apparition (tout nouveau tout beau), mais si le son gagne en dynamique et en brillance, il a en revanche beaucoup perdu en naturel et en chaleur. En outre, les albums manquent trop souvent d'inspiration et de profondeur, ce qui ne les empêche nullement de sortir à profusion. La majorité des artistes ne contrôlent plus ou ne veulent plus contrôler ni leur musique, ni leurs projets qui appartiennent, pour la plupart, aux producteurs, aux maisons de disques et aux multimédias grandissants. Une nouvelle génération de groupes apparaît, leur musique s'orientant à fond vers le lucratif marché du hard rock et du heavy métal. En parallèle, des claviers synthétiques assiègent également le classic rock, en devenant les nouveaux maîtres de cérémonie. Pour beaucoup, même si la créativité artistique est moindre, le succès commercial décolle et incite les maisons de disques et beaucoup de musiciens à continuer dans cette voie toute tracée !
    Dans les années 1990, très peu de « nouveaux artistes » pop-rock me séduiront vraiment sur la durée. On peut heureusement citer Radiohead, Beck, Lenny Kravitz, Ben Harper, Nirvana, Fiona Apple, Beth Orton et, bien sûr, la comète Jeff Buckley, un artiste d'exception, à la vie bien trop éphémère, comme ce fut également le cas pour son père. Son album Grace (1994) sera et demeure le chef-d'œuvre absolu à mon sens de cette décennie. Les espoirs déçus seront également nombreux. A titre d'exemple, le clin d'œil charmeur et subtil du premier album du groupe The La's (1990) sera sans suite. L'orientation trip-hop verra émerger des groupes comme Massive Attack ou Portishead. Le mouvement dit "Jam-Band" apparu dès le milieu des années 80 va se définir comme un genre à part entière, permettant à d'excellents musiciens, parfois virtuoses, mais n'ayant pas toujours la plume très originale ou créative, de revisiter avec passion, talent et quelquefois beaucoup de grâce, un large éventail de styles, comme le blues-rock, le country-folk, la musique psychédélique, le rock progressif, le funk-rock, le jazz-fusion, le hard-blues, et j'en passe.
    Une mouvance culturelle s'est construite autour de cet amour et de ce retour aux racines, pouvant inclure au passage des sonorités nouvelles comme la musique électro. Cette scène de musiciens aux influences variées a tenté, avec plus ou moins de réussite (artistique ou commerciale) de faire revivre l'esprit de liberté et la richesse de l'expression musicale, chers aux années soixante et soixante-dix. Ce marché parallèle sortait du format imposé par les principales maisons de disques (les majors) et, par la même occasion, laissait libre cours à l'improvisation musicale. Enfin, les grands artistes en place vieillissaient et la relève s'avéra un peu juste. Certes, U2, Prince, Sting, les Stray Cats, Stevie Ray Vaughan et quelques autres, comme le jeune Beck, sauront maintenir ou développer un niveau musical comparable à celui de leurs aînés. Certains amateurs de rock, issus de cette nouvelle génération d'artistes préfèrent à l'évidence ces deux décennies aux deux précédentes développées dans mon ouvrage qui, je le rappelle, n'a pas pour vocation d'être une encyclopédie, mais plutôt une anthologie subjective du rock à une période bien précise.


  • Pierre: Ecrire un livre sur l'histoire du rock, c'est évidemment, si l'on considère la pléthore de disques qui sortent chaque année, faire des choix. Comment as-tu sélectionné les disques proposés pour chaque année : sur la base de leurs ventes ? De leur importance artistique selon des critères objectifs ? De l'émotion subjective qu'ils t'ont procurée ? De leur réputation chez certains exégètes du rock ?

    Philippe: Je crois que tu connais déjà la réponse, Pierre. L'importance artistique a toujours été pour moi l'élément primordial. Mes chroniques parlent essentiellement de musique, au sens propre du terme. J'essaie d'être le plus objectif possible, au risque de ne pas faire plaisir aux inconditionnels de tous bords. L'émotion est certes subjective selon chaque personne. En ce sens, dans le domaine de l'art et plus précisément ici dans celui de la Musique, le vécu, les diverses expériences, la curiosité, le plaisir d'écoute, la connaissance, la comparaison et l'analyse sont autant d'éléments qui affinent et définissent notre perception et notre émotion et, finalement, nos goûts. De ce fait, il est plus aisé ensuite de se faire sa propre opinion en restant le plus possible impartial.


  • Pierre: Il existe plusieurs livres disponibles en français sur le même sujet. Peux-tu nous dire ce qui donne à celui-ci sa spécificité ?

    Philippe: J'ai voulu réaliser un ouvrage sans concession, s'adressant autant aux néophytes qu'aux passionnés de musique rock au sens large du terme, tout en étant très sélectif sur le choix des albums sélectionnés et chroniqués et sur les années abordées, contrairement à la majorité des livres sur le sujet. De surcroît, la langue de bois ne faisant pas partie de ma personnalité, je prenais le risque assumé de ne pas plaire à tout le monde, mettant en exergue mes préférences. Je voulais également un beau livre, grand format, tout en couleur avec un papier de qualité, de belles photos d'artistes, agréable à lire de par sa présentation chaleureuse et sa mise en page très précise. Tout cela a un coût et beaucoup d'éditeurs n'ont pas eu le courage de me suivre dans cette démarche anti-commerciale, mais qui s'est avérée bénéfique au fil du temps et judicieux à en juger par mes nombreux lecteurs qui ne cessent de me féliciter pour avoir écrit un ouvrage « pas comme les autres ». Je remercie au passage Didier Carpentier, l'éditeur de ce livre qui a bien voulu accepter une grande partie de mes exigences. Le bouclage a été réalisé dans l'urgence pour que le livre sorte avant les fêtes de Noël 2012. De ce fait, la relecture à été rapide et quelques coquilles ont survécu ! Rien n'est parfait en ce monde, mais lorsque je compare mon ouvrage aux autres traitant du même sujet, je suis assez satisfait du résultat…


Les Authentiques Trésors du Rock 1965-1979


  • Pierre: Je constate que tu t'es globalement plus intéressé au contenu qu'au contenant, à savoir davantage à la musique plutôt qu'aux pochettes. C'est normal, mais certaines pochettes des disques qui sont de vraies œuvres d'art n'ont-elles jamais exercé un attrait particulier sur toi (avant même d'écouter la musique) ?

    Philippe: Si la musique a toujours été pour moi plus importante que les pochettes de disques, j'ai bien sûr été très sensible et admiratif face aux magnifiques pochettes vinyles des années 60 et 70. A cette période j'achetais beaucoup de vinyles, mais jamais pour leurs pochettes, il me fallait écouter ce qu'elles renfermaient. Mais quel bonheur lorsqu'un grand disque bénéficie en outre de magnifiques illustrations de couverture comme celles, à titre d'exemples, des Beatles, des Who, de Santana, Yes, Jethro Tull, Led Zeppelin ou Frank Zappa. Une très belle couverture d'album n'a jamais influencé mon analyse sur la musique qu'elle renfermait. En revanche, il est regrettable que certaines personnes soient passées à côté de chefs-d'œuvre musicaux simplement à cause d'une illustration de couverture qu'ils ont jugé ratée (à tort ou à raison). J'ai vécu quelques expériences dans ce domaine lorsque j'étais disquaire.


  • Pierre: Pour le fun, pourrais-tu nous citer quelques exemples de très bons albums de rock avec des pochettes complètement ratées ?

    Philippe: Avec plaisir car, au regard de certains, ils méritent une seconde chance, même si, comme on dit, les goûts et les couleurs...
    - Pet Sounds des Beach Boys (les bruits de la ferme, gaz naturels compris, n'étaient pas encore tendance); - Watt de Ten Years After (la pochette vinyle avant-première était pourtant parfaite !); - Second Helping de Lynyrd Skynyrd (sans commentaire…); - Phosphorescent Rat de Hot Tuna (sans commentaire…); - Double Dose de Hot Tuna (le recto de ce double album live de légende est affligeant).


  • Pierre: Certains disques souvent jugés comme essentiels ne se retrouvent pas dans tes sélections annuelles. Je pense par exemple à Freak Out des Mothers Of Invention, Disraeli Gears de Cream ou White Light White Heat du Velvet Underground. Connaissant ta vaste culture et ton éclectisme, j'imagine qu'ils ont été volontairement omis. Pour quelle raison ?

    Philippe: Pour Freak Out des Mother Of Invention, il méritait amplement de figurer dans le livre, mais j'ai toujours eu du mal à l'écouter en entier, le délire vocal en est la principale raison et le chroniquer dans le contexte de l'époque m'embarrassait particulièrement. En ce qui concerne Disraeli Gears (1967) c'est un oubli regrettable, je l'avoue. J'ai toujours préféré écouter le groupe en live et je n'avais jamais acheté le disque. C'est assurément leur plus grande réussite enregistrée en studio ; je trouve que la production artistique de l'ensemble a bien traversé les décennies sans prendre une ride par rapport à leurs autres albums. Par ailleurs, je n'ai jamais été très partisan du Velvet Underground et de leur sonorité « garage » et « punk rock » avant l'heure. La discographie et le répertoire de Lou Reed développés après le Velvet Underground (ayant largement intégré les morceaux du Velvet) m'ont davantage convaincu.


  • Pierre: Les disques de soul qui ont contribué largement à l'histoire musicale de cette période ne sont pas très représentés. Je pense par exemple à River Deep Mountain High d'Ike et Tina Turner, Otis Blue d'Otis Redding, Lady Soul d'Aretha Franklin ou Stand de Sly & The Family Stone. Considères-tu qu'il s'agît d'un style, comme le blues, à traiter à part du "Rock" ? Et dans ce cas, quelle serait ta définition du rock qui semble en revanche bien inclure le folk, le reggae, le jazz-rock, le blues-rock et le country-rock ?

    Philippe: J'ai hésité à inclure des artistes incontournables qui figurent dans ma discothèque personnelle depuis des décennies comme James Brown, Ike & Tina Turner, Otis Redding, Aretha Franklin, Sly & The Family Stone, Stevie Wonder et quelques autres comme le Funkadelic ou Eric Burdon & War pour deux raisons fondamentales. La première, parce-que le rock n'était pas vraiment la dominante musicale et/ou l'esprit initial de leur style respectif, même si, par exemple, la sonorité très appuyée et psychédélique du Funkadelic attirait forcément beaucoup d'amateurs de rock. Ces genres et styles de musique méritent à eux seul un grand ouvrage à part. La seconde raison est d'ordre plus technique, laquelle m'a contraint hélas à ne pas dépasser le nombre de pages maximum souhaité par l'éditeur. De ce fait, j'ai dû faire l'impasse sur des artistes purement rock que j'apprécie beaucoup, mais moins essentiels, comme Frank Marino & the Mahogany Rush ou le méconnu Pat Travers. J'aurai dû retirer trois ou quatre chroniques d'artistes comme certaines de Ry Cooder et Taj Mahal, largement présents dans le livre : cela m'aurait permis d'inclure, entre autres, Frank Marino, Pat Travers ou encore Rush et Scorpions et d'éviter ainsi quelques reproches de fans inconditionnels. En ce qui concerne le blues, le blues-rock, le folk, le reggae, le country-rock, le jazz-rock, toutes ces formes de musiques se sont naturellement apparentées à un moment ou à un autre à la musique rock. A partir des années 60, les magasins de disques, petits ou grands, ont dû compartimenter la musique par genre. Le blues d'un côté, le rock de l'autre, le blues-rock se rangeait dans le rock, tout comme le folk, le reggae était rangé à part, tout comme la musique soul-funk. Un seul livre sur le rock ne peut contenir toutes ces variantes. Au fil des décennies, la musique a fusionné sans cesse avec notamment la musique du monde et les nouvelles technologies. Un classement par genres et par styles est indispensable, mais est devenu de plus en plus difficile à effectuer et parfois sujet à la controverse.


  • Pierre: En ce qui me concerne, Taj Mahal et Ry Cooder méritaient bien une place de choix dans le livre. En revanche, tu as été honnête en accordant la place nécessaire aux grands groupes punk. Pourtant, te connaissant, j'imagine que ça n'a pas été la partie du livre la plus agréable à écrire. Que penses-tu réellement (et sans langue de bois) des Sex Pistols, Ramones et autres Damned dont les albums sont souvent inclus dans les listes des meilleurs disques de rock, toutes époques confondues ?

    Philippe: Certains ont découvert le rock avec les Sex Pistols et les Damned entre autres, alors forcément cela change la donne et leur perception du rock dans son ensemble. Ils leurs est sans doute difficile d'apprécier des groupes comme Steely Dan ou Yes et réciproquement. Les Sex Pistols se sont définis eux même : « La plus grande escroquerie du rock'n'roll ! » et ce n'est certainement pas moi qui vais dire le contraire. Je pense avoir été clair dans mon ouvrage. Bien que particulièrement extraverti, la rock'n'roll attitude, tout comme la punk attitude n'ont jamais fait partie de ma panoplie vestimentaire et comportementale. Les grands gagnants dans l'histoire sont, entre autres, les journalistes de la presse musicale française dite « spécialisée », profitant de la censure radio et de l'interdiction de vendre singles et albums du groupe sur le sol britannique permettant à la France (dite plus libérale à cette époque) de récupérer à fond le mouvement punk et tout son folklore. Certains disquaires ont joué le jeu - à chacun sa soupe, tout est bon pour vendre de la galette même si elle n'est pas royale ! Mes chroniques sur les New York Dolls, les Sex Pistols et les Ramones ont dû agacer et irriter certains de mes lecteurs. D'autres ont adoré ! Pour les disques des Damned, j'ai toujours eu la chance, lorsque je vivais en appartement mal insonorisé, qu'aucun de mes voisins n'en possède…


  • Pierre: Malgré tout, en dépit de leur musique simpliste et caricaturale et de leur démarche intransigeante, ne penses-tu pas que le mouvement punk a quand même débarrassé le rock d'un côté prétentieux, pompeux et mercantile qui commençait à devenir une peu trop proéminent chez certains ? Après tout, sans le punk, The Clash ou Motörhead n'auraient pas vu le jour tandis que David Bowie, Peter Hammill, Peter Gabriel et peut-être même Robert Fripp n'auraient peut-être pas changé si radicalement leur approche musicale à l'aube des années 80 ? Qu'en penses-tu ?

    Philippe: Sur le fond je suis d'accord, mais pas sur la forme, car développer une vulgarité à outrance sans pour certains savoir jouer d'un instrument n'était pas revenir aux sources du rock'n'roll ou du rock. The Clash est à mon sens le seul groupe issu du mouvement punk qui a su, à tous les niveaux, revendiquer avec talent ce nouveau mouvement culturel. Je pense que le groupe Motörhead aurai vu le jour même si le punk n'avait pas explosé en 1977. Il y a toujours eu par le passé des groupes de hard rock comme le MC5 ou les Stooges qui jouaient du punk rock avant l'heure. Bowie a toujours été un caméléon du rock, il ne s'est jamais laissé enfermer longtemps dans un style. Le mouvement punk l'a certes influencé, mais pas plus que d'autres formes de musique. Il en va de même pour Peter Hammil, Peter Gabriel ou Rober Fripp, des musiciens avérés ; leurs racines musicales, profondément ancrées dans la musique rock progressive n'a jamais disparu malgré l'arrivée du punk. La plupart des artistes en place doivent à un moment ou à un autre tenir compte des modes et des tendances véhiculées par les médias, les producteurs et la concurrence. Dans le même temps, ils doivent éviter de perdre leur propre identité. La musique rock survivra tant qu'il y aura des artistes authentiques, créatifs, qui ne misent pas tout sur le paraître et la provocation.


  • Pierre: As-tu prévu d'écrire un second volume des « Authentiques Trésors du Rock » pour la période 1980 à aujourd'hui ou bien, considérant l'éclatement et la multiplicité des genres dont beaucoup s'avèrent moins intéressants pour les vrais mélomanes, considères-tu que c'est mission impossible ?

    Philippe: : Si ma santé et le temps me le permettent, j'écrirai la suite des Authentiques Trésors du Rock en parlant uniquement des albums qui m'ont marqué de 1980 à nos jours. Une sélection très stricte donc. Avant cela, il me faut écrire la suite des « Maîtres de la Fusion Jazz », un travail vraiment énorme !


Les Authentiques Trésors du Rock 1965-1979


  • Pierre: Au plan musical, quelle "Lady Du Rock" t'a le plus marqué ? Et pourquoi ?

    Philippe:Sur le plan musical, la "Lady du Rock" qui m'a le plus marqué se situe entre le Folk, le Rock et le Jazz ; certains ont certainement deviné que je parle de Joni Mitchell, musicienne accomplie, multi-instrumentiste, chanteuse, auteure, compositrice ayant notamment composé l'illustre morceau éponyme du film on ne peut plus culte "Woodstock" magistralement repris par Crosby, Stills, Nash & Young. Cette muse charmante au mille talents n'est pas une "Lady du Rock" au sens propre du terme, comme les sex-appeals Blondie ou Pat Benatar, bien qu'elle ait influencé de grands noms du Rock. De surcroît, son aura et plus précisément son impressionnant parcours musical comprenant, entre autres, ses propres albums et compositions comme les précieux "Court and Spark" (1974), "The Hissing of Summer Laws" (1975) et "Hejira" (1976) ajoutés à ses relations très personnelles avec de grandes stars du rock et du folk-rock furent par moments très rock'n'roll !


  • Pierre: Si tu ne pouvais emporter comme souvenir que dix albums physiques de rock sur Mars, lesquels choisirais-tu ?

    Philippe:1. Dark Side Of The Moon de Pink Floyd; 2. Who's Next des Who; 3. Electric Ladyland de Jimi Hendrix; 4. Sergent Pepper's… des Beatles; 5. Close To The Edge de Yes; 6. Blow By Blow de Jeff Beck; 7. Let It Bleed des Rolling Stones; 8. Crosby, Stills & Nash de Crosby, Stills & Nash; 9. Caravanseraï de Santana et 10. Okie de J.J. Cale.


  • Pierre: Une autre question amusante et un peu similaire est celle-ci : quels sont selon toi les meilleurs premiers albums (début albums) de l'histoire du rock, ceux qui ont installé leurs auteurs directement au panthéon des groupes les plus célèbres ?

    Philippe:Are You Expérience (1967) de Jimi Hendrix - The Doors (1967) des Doors - Steppenwolf (1968) par Steppenwolf - Crosby, Stills & Nash (1969) par Crosby Stills & Nash - Led Zeppelin (1969) par Led Zeppelin - In The Court Of The Crimson King (1969) de King Crimson - Chicago Transit Authority (1969) de Chicago - Santana (1969) de Santana - Naturally (1971) de J.J Cale - America (1971) de America - Can't Buy A Thrill (1972) de Stelly Dan - Van Halen (1978) de Van Halen et Grace (1994) de Jeff Buckley.


  • Pierre: Quel est ton tout premier "souvenir rock", disque, concert, autre ?

    Philippe:Mon premier "souvenir rock" fut le jour où j'ai eu la chance d'assister à mon tout premier concert et pas des moindres : Les Who passaient à Paris, au théâtre des Champs-Elysées. Parisien de naissance, j'avais alors quatorze ans et des brouettes, accompagné sur les lieux par ma mère qui ne voulait absolument pas que je m'y rende seul et qui assista également au concert. Le choc fut immence, je fus bouleversé comme jamais auparavant, tant par la musique jouée par le quatuor anglais que par le spectacle visuel hallucinant qu'il développait sur scène. Ma vie à partir de ce jour-là se trouva chamboulé à jamais. Je prenais dès lors les membres du groupe pour des Dieux !


  • Pierre: Quel est ton dernier disque de rock acheté ?

    Philippe:Difficile à dire avec certitude, mais je crois que c'est l'album "Rival Sons" (2019) du groupe Feral Roots, si l'on exclut les achats de disques de Jazz Rock.


  • Pierre: L'opposition entre les deux grands groupes anglais des 60's est, comme tu le soulignes, simpliste mais à un moment de notre adolescence, on s'est tous retrouvé dans un clan ou dans l'autre. Alors finalement, étais-tu "Beatles" ou plutôt "Rolling Stones" ?

    Philippe:Ni l'un ni l'autre en fait. J'ai commencé par adorer les Beatles que j'ai découverts en 1964 avec leurs fameux I Want To Hold Your Hand, Can't Buy My Love et A Hard Day's Night. Puis la déferlante de singles a continué de plus belle en 1965, complétée par la parution des albums Help et Rubber Soul. Aucune concurrence de ce niveau n'existait à cette période. Comme beaucoup à l‘époque, la sortie fracassante du 45 tours I Can't Get No des Rolling Stones m'a accaparé et obsédé, comme beaucoup. Mais cela ne suffisait pas vraiment à faire basculer ma préférence pour les Rolling Stones, même si j'appréciais beaucoup The Last Time et Get Off My Cloud. En 1966, du haut de mes onze ans, ma préférence alla tout naturellement vers l'album Revolver des Beatles plutôt qu'Aftermath des Stones, que j'ai préféré ensuite au fil des années. En 1967, la sortie de Sergent Pepper's et l'escadron de 45 tours extraits de Magical Mystery Tour creusent encore l'écart pour moi entre les Beatles et les Rolling Stones. Cependant, à partir de 1968, un troisième groupe anglais est entré dans la compétition Beatles/Rolling Stones : The Who. La parution successive de grands albums comme Sell Out (1967), Tommy (1969), Live At Leeds (1970) et Who's Next (1971), ajoutée à leur jeu de scène époustouflant ont radicalement changé la donne pour moi en tant que groupe préféré, durant deux décennies. La séparation des Beatles en avril 1970 - lesquels, de surcroît, avaient arrêté prématurément les concerts en aout 1966 - changea à nouveau la donne. Jimi Hendrix et son œuvre me fascinaient également au plus haut point, mais sa mort prématurée en septembre 1970 le mit également hors compétition à l'aube de cette nouvelle décennie. En définitive, je fus donc plutôt Who ! au passage premier groupe punk de l'histoire Rock, entre autres, avec son fracassant single My Generation paru en 1965 suivi par des prestations scéniques non moins explosives. Pour la petite histoire, c'est Pete Townshend (leader incontesté du groupe, après bien des combats avec son chanteur charismatique) qui prononça le premier le mot Punk en 1973 dans l'album-concept Quadrophenia. Un nouveau "Game of Thrones" du rock avait vu le jour avec quatre puissants prétendants, à savoir Les Rolling Stones, les Who, Pink Floyd et Led Zeppelin.


Quatre Chroniques extraites du livre de Philippe Moulin


The Jimi Hendrix Experience : Axis: Bold As Love The Jimi Hendrix Experience : Axis: Bold As Love
(Track Records), 1967

Axis Bold As Love sort à quelques mois d'intervalle du précédent. Il complète parfaitement le premier album, avec une musique toujours nourrie de blues et de rock-psychédélique qui s'oriente davantage vers la soul et le rhythm'n blues. Chas Chandler, son manager, a mis le paquet : c'est l'Olympique Studio de Londres qui est choisi pour l'enregistrement. La production est indéniablement plus riche, mais le temps est compté et le groupe doit travailler vite. Des échéances commerciales leur imposent de sortir l'album pour les fêtes de Noël. Cette précipitation sera frustrante et préjudiciable. Jimi aurait préféré avoir plus de temps pour certaines chansons, pour un meilleur aboutissement. Sans compter qu'il oubliera sur la banquette d'un taxi les bandes d'enregistrements de la première face du vinyle. Contre mauvaise fortune, bon coeur ! Il leur fallut donc tout réenregistrer en une journée !

Quoi qu'il en soit, les compositions sont de nouveau très originales et le jeu de guitare de Jimi s'est encore enrichi. La pochette est magnifique et chargée de symboles. Hendrix, tel un Dieu rassembleur est entouré de disciples et de femmes hindous. De sa main droite ouverte, il prône la paix universelle. L'inattendu et le curieux EXP introduit une histoire de science fiction, écrite par le romancier Manley Hall, véritable source d'inspiration pour Jimi Hendrix comme la suite nous le démontre. L'axe de rotation de la terre, « Axis », change progressivement d'orientation, entraînant ainsi la chute de la civilisation humaine. Mitch Mitchell, le batteur de l'Expérience se transforme un court instant en journaliste de l'info-rapido et interroge naïvement un extraterrestre, en l'occurrence Hendrix, sur l'existence des O.V.N.I. Des interférences et des bruits « urbains » précèdent la réponse. Le jazz-blues-psychédélique, Up From The Skies avec son tempo jazzy et sa guitare wah wah nous révèle leur présence. Puis Spanish Castle Magic, un rock-blues torride contraste avec la soul et le funk, assimilés par notre trio stellaire, comme en témoigne Wait Until Tomorrow. Le rhythm'n blues revient en force ensuite avec un époustouflant et rageur Ain't No Telling.

Mais même les dieux ont besoin de repos : Little Wing arrive à point nommé, cette merveilleuse ballade bluesy n'a pas échappé à la grâce divine de son créateur. On reste malgré tout sur notre faim (2 mn 24 s !) face à tant de beauté que l'on ne voudrait jamais entendre s'arrêter (les éblouissantes versions live qui sortiront après sa mort n'en seront que plus précieuses). Puis les cartes astrales nous rappellent avec If 6 Was 9 que le monde est en mouvement perpétuel constant et que même si celui-ci est imprévisible, faut-il pour autant que cela génère de l'inquiétude ? Non est la bonne réponse selon Jimi. L'intro de You Got Me Floatin' révèlera la voie à prendre pour jouer un blues futuriste. Le guitariste Robin Trower sera l'un des premiers à l'emprunter, suivi plus tard par Stevie Ray Vaughan et beaucoup d'autres. Encore un moment magique avec le poétique et merveilleux Castles Made Of Sand. L'introduction soul de One Rainy Wish paraît suspendue, elle rappelle combien la voix du maître pouvait devenir chaleureuse et se fondre dans son jeu, lorsque celui-ci devenait aérien. Sur Little Miss Lover Jimi, à l'instar de Sly Stone, invente le funk-psychédélique, assurant l'avenir de George Clinton et de ses deux groupes légendaires : Parliament et Funkadelic. Enfin Bold As Love illustre magistralement l'une des caractéristiques de Jimi, à savoir une introduction soul suivie d'une envolée bluesy.

Face à la musique du maître, les mots ne sont qu'accessoires. A chacun de définir et d'exprimer ce qu'il ressent face à une telle créativité.


The Who : Live At Leeds The Who : Live At Leeds
(Decca), 1970

Le plus illustre des enregistrements de concert reste sans conteste le fabuleux, l'incroyable Live At Leeds des Who.

Ce n'est pas un hasard si nos quatre énergumènes étaient, avec ceux du Jimi Hendrix Expérience, la plus grande machine de guerre sur scène à la fin des années soixante. Hendrix parti fonder un nouveau groupe, le Band Of Gypsie, s'orientera pour un temps vers une musique plus soul-blues, délaissant la fureur blues-rock-psychédélique de ses débuts (qu'il ne retrouvera d'ailleurs plus vraiment sur scène par la suite). Ce faisant, il laisse le champ libre à Pete Townshend et à sa meute enragée qui vont s'engouffrer sur les traces de ce premier.

A l'aube des années soixante-dix, les Who sont au sommet de leur art. Depuis la sortie de Tommy, ils ne cessent d'embraser les scènes du monde entier, avec une énergie incroyable. Daltrey se sert de son micro comme d'une fronde, Townshend mouline et martèle sa guitare SG, Moon doté d'une rapidité et d'une puissance phénoménale martyrise sans pitié ses fûts et Entwistle physiquement impassible, planté sur la gauche de la scène, fait galoper ses doigts de façon vertigineuse sur le manche de sa basse. Le spectacle est total et unique en son genre, le monde du rock est sous le choc. Ils s'offriront le luxe de jouer dans les plus prestigieux Opéras américains et européens, hormis l'Opéra de Paris, où ils devront se contenter du Théâtre des Champs-Elysées les 16 et 17 janvier 1970.

Le 14 février, les Who sont à Leeds en Angleterre, les bandes tournent, le concert est enregistré et soigneusement remixé par Townshend lui-même ; le disque sort en mai. Sa pochette imite avec humour les nombreux pressages pirates vinyles alors en circulation (pochette en carton brut et étiquette blanche sur le vinyle). Elle contient, entre autres, un poster noir et blanc, souvenir des légendaires soirées du mardi, au Marquee Club en 1964. Townshend y figure dans une gestuelle symbolique, bras droit tendu, il semble prêt à assener l'un de ses fameux et spectaculaires moulinets. Le logo WHO qui figure sur le poster joint deviendra l'emblème du groupe. Le vinyle original ne comprenait que six chansons, six brûlots dont l'impact est immédiat. Le son unique des Who s'explique essentiellement par l'énergie sonore créée et développée grâce aux personnalités opposées mais complémentaires de ses membres. Très peu de groupes sont effectivement composés de quatre individualités aussi fortes et contraires.

Tout commence par Young Man Blues (une reprise de Mose Allison) : la fameuse guitare Gibson SG de Townshend double le riff, suivi par un bref déluge de batterie annonçant la relève du combat par Moon. Daltrey et son allure d'athlète spartiate rentre dans le jeu, sa gorge est d'emblée chaude et puissante. Entwistle prend place et, depuis les entrailles de la scène, construit un mur de basse gigantesque et indestructible. L'assaut est donné, le groupe s'exécute et le carnage commence. La guitare vitriole de Townshend affronte la tornade Moon. Le sol fume, on raconte que là où passent les Who, l'herbe ne repousse plus ! Puis Substitute met l'accent sur les textes subtils du leader et permet à chacun de reprendre son souffle quelques instants, car ce qui suit est de nouveau sans pitié, avec la reprise foudroyante du Summertimes Blues d'Eddie Cochran, implacable et définitive, tout comme le Shakin'All Over de Fred Heath, mythifié pour l'éternité. Ils enchaînent, avec une version de My Generation très imposante sur plus de quatorze minutes de folie, de sauvagerie titanesque et d'improvisations comme touchées par la grâce ; le tout incluant des extraits de Tommy revisité à cette occasion. L'énergie, la technique et la créativité développées sont telles que jamais aucun autre groupe de rock, avec seulement trois instruments, n'a atteint et n'atteindra un tel niveau musical sur scène. L'époustouflante section rythmique basse-batterie instaurée par Moon et Entwistle reste unique et inimitable. Daltrey chante comme un dieu pendant ce concert et Townshend montre qu'il ne craint personne à la guitare. L'osmose est au maximum lorsque Magic Bus et son intro de génie achèvent les éventuels survivants, son riff d'ouverture est devenu légendaire. S'ensuit une voix charismatique et guerrière, puis une basse herculéenne en pleins travaux. A l'affût, s'impatiente le plus dangereux de tous, l'imprévisible, l'incontrôlable et non moins destructeur Keith Moon. Installé derrière ses fûts, il attend son tour, trépignant et grimaçant comme un démon. Son attaque est tout aussi terrifiante que spectaculaire. Le combat amorcé est titanesque et les armes employées non répertoriées : lancers de micro tourbillonnant dans les airs, sauts de carpe haute voltige et powers-chords assénés par une hélice humaine, une batterie-mitrailleuse en furie et une basse-araignée démesurée qui frétille joyeusement sur sa toile à quatre cordes. La victoire est totale : conquérant et invincible, le quatuor règne enfin en maître absolu. Tous les groupes de rock et de hard-rock futurs auront à se mesurer à ce Live At Leeds. Who's Next ?

Une réédition de l'intégralité du show sortira en 2001 avec Heaven And Hell, I Can't Explain, Fortune Teller, Tatoo, Happy Jack, A Quick One et tout Tommy bien sûr!


The Doors : Morrison Hotel The Doors : Morrison Hotel
(Elektra), 1970

Les Doors reviennent avec Morrison Hotel à leur meilleur niveau musical. Les deux albums précédents, Waiting For The Sun sorti fin 1968 et The Soft Parade sorti fin 1969 ne possédaient pas assez d'originalité et d'énergie, malgré l'indéniable qualité de certaines chansons comme Love Street, Five To One, Wild Child ou The Soft Parade. Peu d'entre elles pouvaient rivaliser avec celles contenues dans The Doors et Strange Days, leurs deux premiers albums. Le groupe a néanmoins atteint une popularité immense, renforcée par la sortie d'un single très accrocheur, Hello I Love You, extrait de l'album Waiting For The Sun et rappelant fortement le style des Kinks. Dans le même temps, Jim Morrison ne supporte plus ce statut de superstar-sex-symbole du rock devenu incontrôlable. De plus et de ce fait, son réel talent de poète n'est pas vraiment reconnu ni totalement apprécié à sa juste valeur. Jim absorbe toutes sortes de drogues et se met à boire à outrance. Son état physique se dégrade progressivement. L'énorme scandale survenu après leur spectacle donné à Miami en mars 1969 ne fera qu'empirer la situation ; Morrison est accusé d'avoir effectué des gestes et comportements obscènes sur le devant de la scène. La presse grossit l'affaire. Du coup, les radios boycottent leurs chansons et les concerts initialement prévus sont tout simplement annulés. Sale affaire ! La tension au sein du groupe laisse présager la dissolution de celui-ci. Heureusement, le retour au travail en studio leur permettra de sauver un temps les apparences, et le groupe. Début 1970, le groupe enregistre Morrison Hotel, encore produit par Paul Rothchild ; l'album sortira en février. Jim et sa bande ont retrouvé l'énergie et l'inspiration nécessaires pour refaire surface, avec l'un de leurs plus grands albums. La face 1 du disque vinyle s'intitule Hard Rock Café, la face 2 Morrison Hotel. Les deux titres illustrent le recto et le verso de la double pochette originale américaine. Elle est devenue un objet culte très recherché par les fans, les collectionneurs et les revendeurs de tous poils. Le rock, le blues et le rhythm'n blues sont à la fête, ils dominent la quasi totalité de l'ensemble. Les compositions sont toutes écrites par Morrison et par le groupe.

La guitare de Robbie Krieger est omniprésente, Ray Manzarek varie davantage le son de ses claviers et John Densmore est toujours aussi précis et efficace derrière sa batterie.

Blues-rock-boogie sur l'imparable et légendaire Roadhouse Blues, rock'n roll boogie avec You Make Me Real, sublime rock-psyché sur Waiting For The Sun, le sommet artistique de l'album qui rappelle fortement Strange Days. Rhythm'n blues puissant avec Peace Frog et son intro ravageuse, ballade poétique et sentimentale avec Blue Sunday. Ship Of Fools et Land Ho ! sont plus classiques et manquent un peu de profondeur, contrairement à The Spy, un blues hypnotique saisissant suivi du grandiose et majestueux Queen Of The Highway, puis du troublant Indian Summer. Le blues-rock Maggie M'Gill est plus conventionnel mais reste efficace. Il termine néanmoins le disque sans grande surprise. Vous pouviez encore mieux faire les gars ! Un grand album des Doors tout de même, les légères faiblesses ressenties étant dues à un petit manque de créativité musicale. Son empreinte blues-rock accrocheuse et pertinente atteindra toutefois un très large public.


Joni Mitchell : Hejira Joni Mitchell : Hejira
(Asylum Records), 1976

Joni Mitchell en état de grâce, audacieuse comme jamais, sort Hejira, un album en tout point prodigieux. Sa fascinante pochette incite d'emblée à la curiosité et au voyage. Un voyage authentique, dicté par le coeur et l'esprit d'une grande artiste à fleur de peau. Un voyage musical et poétique d'une rare beauté où les diverses mélodies et sonorités, subtilement jazzy, sont à vous couper le souffle d'émotion. Certes, les séances d'enregistrements avaient accueilli du beau monde. Les musiciens présents sur cet album relèvent autant de l'exception que du prestige : Larry Carlton aux guitares, Jaco Pastorius à la basse fretless, Victor Feldman au vibraphone, Neil Young à l'harmonica, Tom Scott du L.A Express, Bobbye Hall aux percussions, John Guerin à la batterie et Joni Michell, en lead vocal, cette dernière assurant également les parties de guitares acoustiques. Toutes les compositions sont signées par la déesse américaine et quelles compositions ! Des sentiments profonds s'y profilent à travers des textes d'un grand lyrisme. Joni nous livre ici ses pensées, à travers ses propres expériences et ses passions amoureuses ; mais aussi son hommage à l'aviatrice pionnière Amelia Earhart, disparue en mer le 2 juillet 1937, qui fut la première femme à traverser, entre autres, l'océan Atlantique en solitaire en 1928 !

Les musiciens l'ont bien compris, d'où l'exceptionnelle délicatesse apportée dans l'approche de leur instrument respectif, qui confère à l'ensemble une musicalité renversante. Les harmoniques de Pastorius et de Carlton sont particulièrement inspirées et enchantent à merveille vos oreilles à chaque mesure. Ainsi, la richesse et la complexité feutrée des instruments mettent en valeur la voix délicate, envoûtante et sublime de Joni Mitchell. La musique vient ainsi sublimer cette atmosphère poétique confondante. Le tout forme l'un des plus grands chefs-d'oeuvre de sa carrière musicale, assurément le plus abouti. En ce sens, Hejira autorise deux approches différentes, pouvant d'ailleurs être complémentaires : l'une, attentive, pour sa grande et subtile maturité musicale, avec un Jaco Pastorius au sommet de son art : à la fois omniprésent et tout en retenue. La seconde approche, peut-être plus passive, ne se contente que des qualités relaxantes thérapeutiques de l'album. A vous de choisir ! Dans tous les cas, difficile de comparer une chanson à une autre, tant l'ensemble est fluide et gracieux. Un disque intemporel donc et bien sûr indispensable. Cette artiste hors du commun est encore aujourd'hui injustement méconnue du grand public, hormis sur le continent américain, sa terre natale. Et dire que Joni Mitchell se considère avant tout comme une artiste-peintre ! Une femme possédant une aussi large palette de talents peut-elle rester encore longtemps si peu connue en Europe, le berceau culturel du monde occidental ?



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