Compacts de Jazz Belge :
Autres Suggestions (3)




"Une musique de jazz originale et indépendante,
obéissant à ses lois propres, existe déjà en Amérique.
Je ne vois pas pourquoi elle ne pourrait pas se développer aussi bien en Europe.
L'utilisation des chants populaires, l'invention d'airs propres au génie particulier
de la race permettraient à d'habiles spécialistes de former un répertoire
qui se transformerait sans doute peu à peu et
dont l'évolution donnerait peut-être un jour naissance à une nouvelle esthétique."

Albert Roussel, in Le Jazz de Coeuroy et Schaeffner. Ed. Claude Aveline, 1926



  1. Jan de Haas : For The One And Only (IGLOO IGL 138), 1999. Jan de Haas, batteur émérite d'une multitude de combos, défend ici son autre passion : le vibraphone. Lignes mélodiques claires, improvisations chaloupées et interaction intelligente avec les autres instruments sont quelques unes de ses caractéristiques. Sans compter un grand sens de l'espace sonore qui laisse respirer la musique. Bien entouré par la très présente Nathalie Loriers, agile et swinguante au piano, et par la rythmique Piet Verbist / Hans Van Oosterhout à qui on a laissé une grande liberté d'action, Jan de Haas s'est fait plaisir en interprétant quelques thèmes aux parfums divers, de la ballade au bop intense, dont il est parfois l'auteur. ce compact assez court (47 minutes) délivre un jazz qui pour être sans prétention n'en est pas moins fort agréable à écouter. [ Commander ]

  2. Greetings From Mercury : Continuance (CARBON 7), 1999. Jeroen Van Herzeele (ts) et Peter Hertmans (gt) persistent et signent avec ce second CD de Greetings From Mercury et proposent six nouvelles compositions qui font toutes la part belle au rapper Steven Segers. Capté cette fois en public (au Vooruit), cet alliage réussi de jazz et de rap n'en apparaît que plus percutant. Même si ce genre de fusion est parfois éreintant pour un jazzman, il est difficile d'en nier la qualité : rythmes envoûtants, textes soignés (et reproduits sur la pochette pour mieux suivre), improvisations musclées au saxophone (monumental sur Snakes) et à la guitare (magistrale sur Continuance), sans oublier surtout la frappe foudroyante du batteur d'Aka Moon : Stéphane Galland. A noter aussi, sur le troisième titre, la longue introduction au sitar par Michel Andina dont le nom est familier pour avoir été crédité sur de multiples pochettes en tant qu'ingénieur du son. Avec le temps, Greetings From Mercury a gagné du mordant et, d'ores et déjà, on veut un troisième album ! [ Commander ]

  3. Frank Vaganée Trio : 2 trios (WERF), 1998 & 1999. Deux compositions de Monk, une d'Ornette Coleman, une de Billy Strayhorn et quatre de Frank Vaganée (as) pour un quartette, avec John Ruocco (ts), Rosario Bonaccorso (b) et Dré Pallemaerts (dr), qui déboule à toute allure. Voici une musique dense, pleine de chorus aux phrases torrentielles et marquée par l'empreinte des grandes blowing sessions. Il faut dire que nos deux compères saxophonistes s'y connaissent en cavalcades : il n'y a rien de plus jouissif que de les entendre, ensemble ou séparément, enjamber allègrement les barres de mesures. Après 67 minutes aussi intenses, quand les cuivres brûlants ont été déposés, il faut longtemps avant que le souvenir de ces âpres batailles ne s'éteigne. [ Commander ]

  4. Phil Abraham Trio : Fredaines (LYRAE), 1999. Déjà le cinquième album du tromboniste et probablement le plus abouti. Après 5 années d'Orchestre National de Jazz français, Phil Abraham revient à une formule en trio. Avec sa musique intimiste pleine de couleurs et de swing, ce disque nous entraîne au cœur d'une ballade impressionniste. Le guitariste français Frédéric Favarel et le contrebassiste hollandais Hein Van de Geyn croisent leurs instruments avec beaucoup de sensibilité autour du trombone ou de la voix du leader. Ces sons fluides qui vont droit au cœur conviendront à tous les poètes du jazz. [ Ecouter / Commander ]

  5. Paolo Radoni Quartet Live : Coast To Coast (LYRAE), 1998. L'ancien guitariste rock de Kleptomania et de Here & Now reconverti au jazz dans les années 70 est un musicien talentueux souvent présent sur la scène belge mais dont on parle peu. Ce quatrième disque, enregistré en direct pour le label Lyrae, le présente en quartette avec le saxophoniste Ben Sluijs, le contrebassiste Sebastiaan Cooijmans et le batteur vétéran Felix Simtaine. On y découvre un jazz de facture classique, bien ancré dans la tradition, support idéal pour des improvisations mélodiques élégantes jouées avec sobriété sur une guitare au son capiteux. La prise de son chaleureuse laisse filtrer l'ambiance du concert.... Et puis, il y a cette superbe composition ensoleillée nommée Ricordo qui fait vaguement renaître en moi les images des favelas d'Orfeu Negro. [ Ecouter / Commander ]

  6. Jazz Addiction Band : Nice Cap (LYRAE), 1999. Tous ceux qui ont vu le Jazz Addiction Band sur scène le savent : voilà un orchestre qui assure un jazz mainstream de grande classe. Il n'y a pas le moindre temps mort sur ce disque emballant. Une section de cuivres effilée comme un aileron de requin, des saxophones à la hauteur et une rythmique stimulante agrémentée de percussions y font vivre la musique, la débarrassent de ses chaînes et la restituent aux danseurs. Le saxophoniste Fabrice Alleman s'envole plus souvent qu'à son tour pour notre plus grand plaisir et Mimi Verderame, compositeur batteur que l'on sait aussi guitariste, fait ici la preuve de son talent sur la 6 cordes dans une approche à la George Benson toute en nuances. Avec ses plans latinos, ses airs de grand orchestre, ses cuivres sautillants et ses percussions à la Ray Barretto, Nice Cap est un disque chaleureux qui vous en mettra plein les oreilles.

  7. Gilbert Isbin Plays Nick Drake (Traurige Tropen 008), 1998 & 1999. Un chanteur guitariste anglais, autiste et plus ou moins folk, décédé à l'âge de 26 ans en novembre 1974 : trois disques inégaux et une carrière météorique sinon inexistante ont fait de lui un artiste culte encensé par quelques-uns, ignoré par tous les autres. Ses mélodies saturniennes, son jeu en picking hors normes, la déstructuration du temps et les accordages inusités ont retenu l'attention d'un autre guitariste étrange : Gilbert Isbin, prince des harmonies insolites conçues sur une simple guitare acoustique. Il en résulte un disque profondément original, intimiste, mélancolique et que l'on pourrait croire totalement improvisé s'il n'y avait, comme toujours chez Isbin, cette précision troublante qui sous-tend sa poésie. Superbe.

  8. Diederik Wissels - Bart Defoort : Streams (IGLOO IGL 157), 2001. Les hasards de l'édition font que sortent en même temps deux compacts de deux pianistes partageant une vision similaire d'un jazz européen de chambre, épuré et subtil : Diederik Wissels et Ernst Vranckx. Sur ces deux disques, la basse est jouée par Stefan Lievestro et le saxophone est soufflé par Bart Defoort, devenu à force de talent et d'expérience l'un des musiciens majeurs de la scène belge. Defoort et Wissels se partagent les dix compositions offertes, toutes fascinantes par leurs qualités harmoniques et lyriques. On ressent dans son âme le souffle qui agite les grandes herbes de la prairie crépusculaire affichée sur la très inspirée pochette. Vranckx est notre sélection du mois mais celui-ci aurait pu prendre sa place : ces deux disques sont à saisir ensemble comme les témoignages d'un jazz européen de grande qualité, aussi dynamique que poétique.

  9. Ivan Paduart : True Stories (IGLOO IGL 146), 1999. Une chose qu'il faut reconnaître à Ivan Paduart, c'est qu'à chaque nouveau disque, il s'offre un vrai projet. Pour ce retour chez Igloo, il a monté un septette sur mesure : le saxophoniste Charlie Mariano dont le lyrisme naturel s'intègre bien dans l'univers mélancolique du leader, l'introspective Nathalie Loriers en alternance avec Paduart au piano et au synthé, le violoniste Jean-Pierre Catoul dont on connaît les accointances avec les pianistes de cœur (Charles Loos), le guitariste Peter Hertmans (très abercrombien sur sa propre composition Remember) assurant partout un travail harmonique remarquable, et la rythmique Van Oosterhout / Lievestro. L'unité du groupe est impressionnante et le mixage acoustique / électrique est une totale réussite. La musique semble légère, fluide, aérienne, parfois allègre et parfois évanescente. Elle expire alors une quiétude un peu saturnienne à l'instar du paysage déserté de la pochette avec sa mer troublante et immobile comme celles des images du dessinateur Loustal. [ Commander ]

  10. Aka Moon : Invisible Sun (CARBON 7 C7-047), 1999. Dans le célèbre roman d'Arthur C. Clarke, les Raméens font tout par trois. Ainsi en est-il aussi d'Aka Moon. Le précédent disque, Invisible Mother, n'était en fait que le premier volet d'un nouveau triptyque dont voici le second : Invisible Sun. L'esprit reste le même : concrétisation des concepts du I Ching comme source d'inspiration, sophistication des rythmes, alternance des passages écrits et improvisés, volonté de confrontation avec des univers musicaux extérieurs à la sphère du quartet, primauté de la rigueur sur la facilité. Par contre la démarche a radicalement changé puisque le quartet, confronté dans le précédent opus à un ensemble de musique contemporaine (Ictus), a cette fois fait appel à un orchestre de jazz de 7 musiciens. Du coup, le disque est nettement plus jazz que le précédent, offrant de magnifiques passages arrangés parsemés de solos variés (Pierre Bernard à la flûte sur Cosmic Duke, Geoffroy De Masure au trombone sur Tchen, Erwin Vann au ténor, Antoine Prawerman à la clarinette… tandis que sur Offering, Fabrizio Cassol n'hésite pas à recourir aux grandes orgues de l'Eglise de la Visitation pour matérialiser sa spiritualité). Mais le grand moment est pour la fin : Peace, qui clôture le disque, résume avec sérénité le propos de l'œuvre en une magistrale fusion de tous ses éléments qui la hisse un palier au-dessus. Ce second volet est incontestablement une réussite, moins ardu à l'écoute que le premier mais tout aussi passionnant. Le troisième, Invisible Moon, qui naîtra d'une nouvelle confrontation avec la musique indienne, est attendu avec impatience. [ Commander ]

  11. Octurn : Round (WERF 018), 2000. Après Chromatic History et Ocean, l'ensemble Octurn revient après deux années de silence avec de nouvelles têtes et une palette musicale élargie. Moins strictement assujetti aux expériences contemporaines, Round sonne parfois comme le dernier opus d'Aka Moon ou de Deep In The Deep. C'est le cas avec Round-Miroirs, une composition du tromboniste émérite Geoffroy de Masure par ailleurs compagnon de longue date des aventures en big band de Fabrizio Cassol. Le disque démarre avec ce que l'on peut considérer être sa pièce maîtresse : Notes gone be there est une longue suite composée par Kenny Werner qui y joue aussi du piano. Ici, on a droit à un zapping entre les styles, une ambiguïté permanente, une mise en scène subversive, un carrousel funky et ostensiblement insolite : on pense à Frank Zappa ou à Magma dans leurs œuvres les plus bizarres, celles qu'il faut réécouter dix fois avant d'espérer en saisir le fil. Et après la dixième minute, voici soudain Toots Thielemans et son harmonica qui s'intègre à merveille dans un contexte où on ne l'attend pas sauf si l'on imagine cette musique comme la bande son d'un film surréaliste. Le sixième et dernier titre est une reprise de When the wind blows, qui figurait déjà sur le précédent disque d'Octurn, mais cette fois jouée au piano solo par son compositeur d'obédience classique contemporaine Frederic Rzewski. Le reste est plus dans la ligne de ce que l'on pouvait attendre du groupe : une seconde composition de Rzewski et deux œuvres d'un autre compositeur classique contemporain : Denis Pousseur. Un disque réservé à ceux qui ont les oreilles éduquées et grandes ouvertes. Ardu mais passionnant. [ Commander ]

  12. Manuel Hermia : L'Esprit Du Val (IGLOO IGL 145), 1999. Du Hard Bop néocoltranien joué avec énergie et passion. Même le Juju de Shorter est décliné avec une belle vivacité. Le saxophoniste a une attaque franche et un beau son. Alors que, dans le même registre, Kenny Garrett sombre lamentablement avec son Simply Said racoleur, Manuel Hermia surfe avec brio sur la crête de la vague. Encore bravo pour ce tour de force ! [ Commander ]

  13. Philip Catherine : Blue Prince (DREYFUS JAZZ), 2000. Après son magnifique Live en 1996 avec Van Den Brink, Van Oosterhout et Van de Geyn et son swinguant Guitar Groove en 1998, le nouveau Catherine confirme l'éclatante inspiration du musicien et son individualité aussi. Digne héritier de René Thomas et de Chet Baker, le guitariste s'est créé un style propre qui se bonifie avec le temps d'un disque à l'autre. Avec la même rythmique qu'en 96 et un Bert Joris magistral à la trompette, Blue Prince ne décevra personne. Someday My Prince Will Come ? Oui, il est (re)venu. [ Commander ]

  14. Rêve d'Eléphant Orchestra : Racines du Ciel (WERF 026), 2001. Vraiment bizarre cette musique tout en rythmes moites. Dès les premières mesures, c'est l'Afrique Noire avec son cortège de sons étranges qui hantent les nuits de la savane. On pense à Hatari, à Mowgli ou au défunt groupe de rock Osibisa qui eut son heure de gloire au début des années 70. Et pas question de s'assoupir sur ces cadences lancinantes : on reste constamment sur ses gardes, à l'affût du troupeau de pachydermes qui va forcément surgir au détour d'un baobab. D'ailleurs, cet orchestre de 7 musiciens (dont Pierre Bernard, Laurent Blondiau, Michel Debrulle, Michel Massot et Stephan Pougin) s'intitule Rêve d'Eléphant Orchestra. Bon, à la longue, on se dit que ça manque peut-être un peu de mélodie même si le beat hypnotique reste super bon. C'est envoûtant, c'est déroutant et en concert, faudrait peut-être mieux pas les rater : ça pourrait aussi être sacrément festif. [ Ecouter / Commander ]

  15. Ben Sluijs Quartet : Seasounds (WERF 024), 2000. Ce compact est un hommage au défunt et désormais mythique Travers, le Club de Jazz bruxellois, où il a été capté live en mai 2000. Quelle que soit l'importance du public, les groupes qui se produisaient là avaient l'habitude de donner toujours le meilleur d'eux-mêmes. Et le quartette de Ben Sluijs ne faillit pas à la règle : il chavire sur l'instant emporté par le plaisir. Quatre nouvelles compositions, un standard (My Foolish Heart) et le Daydreaming repris du premier album du groupe, mais cette fois interprété sur un tempo un peu plus rapide et à l'alto plutôt qu'à la flûte, composent ce disque généreux (près de 70 minutes de musique.) Rien que le souvenir d'un jour enfui qu'on peut maintenant revivre indéfiniment. L'instantané d'un groupe saisi en pleine maturité. [ Commander ]


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