Le Rock Progressif

Special The Reasoning + Autres Groupes avec Voix Féminines


Série IV - Volume 4 Volumes : [ 1 ] [ 2 ] [ 3 ] [ 5 ] [ 6 ] [ 7 ] [ 8 ] [ 9 ] [ 10 ]

The Reasoning : Awakening (Comet Music), UK 2007
Premier disque du groupe de Cardiff formé par l’ex-bassiste de Magenta Matthew Cohen, Awakening bénéficie déjà de la présence rayonnante de la chanteuse Rachel Jones qui officiait autrefois dans Karnataka. Arrivée tardivement juste avant l’enregistrement de l’album, elle n’a toutefois pas eu le temps de s’approprier les compositions et se cantonne la plupart du temps à des interventions en retrait, ce qui n’empêche pas les harmonies vocales d’être fascinantes quand sa voix se mêle avec bonheur à celle profonde du guitariste Dylan Thompson et au timbre plus aigu du claviériste Gareth Jones. Dans le style néo-prog, le son est résolument moderne avec quelques effluves de métal quand la basse acrobatique de Matthew Cohen et la batterie puissante de Vinden Wylde conjuguent leurs efforts pour faire monter la sauce (Awakening et Aching Hunger). La guitare juteuse de Lee Wright zèbre certains titres (Chasing Rainbows) plus que d’autres sans pour autant déchaîner les passions. Sacred Shape, qui fait penser à Mostly Autumn, s’avère des plus convaincants : introduction celtique à la Clannad, accompagnement acoustique, ostinato de piano, basse envoûtante et guitare floydienne installent une ambiance aérienne tandis que les constructions vocales sont une fois encore superbes. Si Playing The Game et Fallen Angel aux tempos plus enlevés sont sans surprise, Shadows Of The Mind repose sur une mélodie plus sombre rehaussée pas de beaux solos de piano acoustique et de guitare. Le sommet du disque réside dans son dernier titre (Within Cold Glass) aux accents folkloriques amplifiés par l’inclusion d’instruments traditionnels : la mélodie sur fond de piano acoustique est d’une grande limpidité et c’est Rachel Jones qui prend en charge le département vocal tandis que l’on est gratifié du plus beau solo de guitare entendu sur cet album … délivré par l’inimitable Steve Rothery (Marillion) au jeu plus fluide et majestueux que jamais. En dépit de ses faiblesses et de quelques titres sans saveur, Awakening pose les bases de ce que deviendra plus tard The Reasoning et ouvre les portes à d'autres productions à venir qui s'avèreront plus essentielles.

[ The Reasoning Website ] [ Awakening (CD & MP3) ]

The Reasoning : Dark Angel (Comet Music), UK 2008
The Reasoning s’est constitué en 2005 autour du bassiste Matthew Cohen, issu de Magenta, des guitaristes Lee Wright et Dylan Thompson, de Vinden Wylde (drums), et de Gareth Jones (claviers). Mais le groupe, originaire du pays de Galles, a acquis une autre dimension quand il a été rejoint par la célèbre chanteuse de Karnataka, Rachel Jones, devenue entre-temps l'épouse de Matthew Cohen et par conséquent créditée ici en tant que Rachel Cohen. Sa voix féminine apporte une grande spontanéité à cette musique pas trop complexe mais fort bien écrite, arrangée avec goût et superbement interprétée. Déjà, leur premier album, Awakening, faisait souffler un vent frais sur le néo-prog mais Dark Angel montre encore une nette progression, spécialement dans les harmonies vocales, résultant probablement de l’intégration plus profonde de la chanteuse dans son nouvel environnement. En tout cas, la combinaison de sa voix avec celles de Dylan Thompson et de Gareth Jones est absolument remarquable. Il est bon de préciser quand même que cette musique n’a pas grand-chose de comparable avec celle popisante de Karnataka même si quelques chansons sont jouées en acoustique et imprégnées de folklore où l’on peut encore déceler quelques très discrètes influences celtiques. Les principales différences proviennent des riffs de guitare à tendance métal qui parsèment certaines compositions et de la variété dans les parties instrumentales où l’on mettra particulièrement en exergue les solos musclés du nouveau guitariste Owain Roberts (successeur de Lee Wright). La production est de Matthew Cohen mais le mixage a été confié à John Mitchell (membre d’Arena, It Bites, Kino et Frost* en plus de ses activités d’ingénieur du son pour une foule de groupes dont Touchstone) qui a su donner à cette musique le relief qu’elle mérite : le son est mordant ou aérien mais toujours dynamique avec une présence maximale. Si vous aimez des ensembles comme Mostly Autumn ou Arena, ne ratez pas ce Dark Angel, une production captivante de bout en bout, capable de propulser The Reasoning au panthéon des maîtres du néo-prog moderne.

[ The Reasoning Website ] [ Dark Angel (CD & MP3) ]

The Reasoning : Adverse Camber (Comet Music), UK 2010
Sans que l’on ne sache trop comment, il arrive parfois en musique que les choses évoluent naturellement pour atteindre un oméga, point de perfection ultime entrevu dans le passé mais resté jusque là hors de portée. Après un premier album (Awakening, 2007) intéressant mais affaibli par quelques compositions moyennes et un second (Dark Angel, 2008), plus mature aussi bien sur le plan de l’écriture que de l’interprétation, voici Adverse Camber qui marque à nouveau une étonnante évolution par rapport à ses prédécesseurs. La feuille de route n’a pas pour autant changé : le style est toujours ce mélange décapant de chansons pop-rock, d’arrangements prog et d’effluves métalliques avec un penchant naturel mais discret pour le folklore et les belles mélodies. La différence réside ici dans le fait que les six titres, sans aucune exception, ont le grain de magie nécessaire pour propulser l’auditeur dans le ciel étoilé et au-delà. Normal quelque part, puisque cet album, avec ses 41 minutes, est à peine plus long qu’un antique LP et n'offre que l’essentiel, ce qui, en passant, laisse penser que les compacts ont bien souvent favorisé le remplissage et la dilution pour des raisons commerciales. Et puis, The Reasoning a encore élargi sa palette sonore en intégrant Maria Owens qui vient renforcer des harmonies vocales pourtant déjà bien étoffées avec les deux chanteurs en plus de Rachel Jones-Cohen dont la voix est plus ouatée que jamais. Ecoutez par exemple The Thirteenth Hour : c’est un festival somptueux de chants amplifiés par des chœurs qui installent une atmosphère grandiose sans pour autant être pompeuse. On appréciera aussi le travail du guitariste Owain Roberts, très présent sur cet album et décidément en nette progression lui aussi. C’est bien souvent lui qui apporte le punch nécessaire à des titres comme Diamonds And Leather ou The Nobody Effect, tendant la corde par des riffs inattendus et de courts mais intenses solos. La nature progressive de cet opus se traduit pas les nombreux changements de tempo et par la juxtaposition de sections aux climats variés au sein d’un même morceau sans que ces derniers n’en deviennent pour autant hétérogènes. Intelligemment mixé par Joe Gibb (David Bowie, Massive Attack, Depeche Mode, Catatonia...), Adverse Camber échappe désormais au style néo-prog classique genre Marillion, Jadis ou Arena en affichant des couleurs originales, subtiles et modernes dignes des plus grands créateurs actuels. Le soleil brille dans le ciel soudain éclairci de The Reasoning qui fonce maintenant à vive allure vers une reconnaissance internationale. Brillant !

[ The Reasoning Website ] [ Adverse Camber (CD & MP3) ]

The Reasoning : Acoustically Speaking (Comet Music), UK 2010
Contrairement à leurs ancêtres des années 70, les groupes de prog modernes ont fini par se plier à la mode consistant à enregistrer des compilations de leurs compositions interprétées avec des instruments acoustiques. Arena (The visitor Revisited, 1999), Pendragon (Acoustically Challenged, 2002), Threshold (Wireless - Acoustic Sessions, 2003), Porcupine Tree (We Lost The Skyline, 2008) et Marillon (Less Is More, 2009) sont quelques un des groupes ayant passé cette épreuve avec succès, encore que, dans la plupart des cas, ces albums acoustiques sont sortis confidentiellement en marge des discographies officielles et ne sont souvent disponibles qu’en nombre limité à partir des sites web de leurs auteurs. C’est le cas de Acoustically Speaking dont la première édition en CD n’a été pressée qu’à 1000 exemplaires. Dommage car cet album est une petite merveille qui risque de rester inaccessible à beaucoup de fans. Il reprend trois titres majeurs de chacun des trois albums en studio du groupe : Aching Hunger, Sacred Shape et Within Cold Glass sont extrait de Awakening; In The Future, Dark Angel et A Musing Dream de Dark Angel ; The Thirteenth Hour, Script Switch Trigger et The Nobody Effect de Adverse Camber. La première chose qui frappe à l’écoute de ces versions acoustiques est la beauté des mélodies devenues beaucoup plus séduisantes et accessibles maintenant que les aspects « métal » ont été gommés. Bien sûr, le minutage a été revu à la baisse avec la disparition des longs passages instrumentaux au profit de quelques interludes nécessaires mais concis. Du coup, les chansons sont plus folk, voire poppisantes, même si les arrangements restent somptueux, enrobant dans un écrin de velours les harmonies vocales de Rachel Cohen et Dylan Thompson encore renforcées par l’addition récente de la chanteuse Maria Owen. Une autre bonne surprise réside dans le jeu léger et terriblement subtil du nouveau batteur Jake Bradford Sharp, aux antipodes de la frappe lourde de Vinden Wylde qui officiait sur les deux premiers disques. Après l’excellent Adverse Camber, Acoustically Speaking révèle une nouvelle vision, une autre manière d’aborder la musique qui laisse, enfin, l’espace nécessaire à la voix inimitable de Rachel Cohen. Dans un style plus intimiste, cet album est aussi beau et indispensable que son prédécesseur mais il est clair qu'il aura des répercussions sur la progression du groupe de Cardiff et peut-être même sur son line-up.

[ The Reasoning Website ] [ Acoustically Speaking (CD) ]

The Reasoning : And Another Thing (EP - Comet Music), UK 2012
Depuis Adverse Camber et Acoustically Speaking, tout deux parus en 2010, The Reasoning a fait une pause mais n’a pas cessé pour autant ses activités. Le groupe s’est en effet produit en 2011 au Festival Rites of Spring (RoSfest) aux Etats-Unis et en a profité pour y enregistrer son premier album live (The Bottle of Gettysburg, Comet Music, 2011). Après avoir signé avec le label Esoteric / Antenna, voici que sort enfin en février 2012 un compact avec de nouveaux titres enregistrés en studio qui sera donc le dernier à paraître sur Comet Music, le label indépendant du groupe. Bon, ce n’est qu’un EP avec quatre nouveaux titres d’une durée totale de 20 minutes mais, d’une part, il précède un album complet annoncé pour septembre (Adventures In Neverland) et d’autre part, les quatre chansons sont excellentes dans le style propre du groupe qu’on peut qualifier de néo-progressif mélodique moderne mené par une voix féminine. Important aussi est le fait qu’on peut encore y entendre l’excellent guitariste Owain Roberts qui a beaucoup aidé à définir la sonorité de The Reasoning (écoutez le grain de sa guitare sur Apophenia et l’originalité de son soutien en background sur Pale Criminal pour comprendre ce que le groupe lui doit). On sait que l’homme, en retrait pour cause de maladie, a soudain disparu le 10 mars 2012 quelque part autour de Cardigan et qu’il est maintenant remplacé par Keith Hawkins mais personne ne l'oubliera. Les trois premiers morceaux ont des tempos moyens mettant en évidence la voix superbe de Rachel Cohen et sont à la fois plaisants et très accessibles. Le compact se referme sur 21 Grams, une composition poétique plus dense, plus austère et plus progressive qui promet beaucoup. Et comme la production met encore une fois en valeur avec une clarté maximale toutes les composantes de la musique, on ne peut que recommander le téléchargement de cet EP en FLAC (pour profiter de la qualité sonore) sur le site officiel du groupe. C’est juste ce qu’il faut pour faire saliver en attendant le prochain opus qu’on espère toujours aussi bon.

[ The Reasoning Website ] [ And Another Thing (CD) ]

The Reasoning : Adventures In Neverland (Esoteric Recordings), UK 2012
Après l’étrange disparition d’Owain Roberts en mars 2012, le groupe a recruté le guitariste Keith Hawkins sans pour autant provoquer un bouleversement notable dans leur style musical. Le premier titre Hyperdrive confirme que le son « The Reasoning » sera reconduit tel qu’il existait déjà sur Adverse Camber. La voix mélodieuse de Rachel Cohen posée sur la trame dynamique tissée par les autres membres du groupe enchante au premier abord et laisse espérer un autre album sans défaut. Mais seulement voilà: The Omega Point déboule ensuite en respectant à peu de choses près la même formule. Il n’en faut pas davantage pour créer une impression de monotonie qui se perpétuera quasiment tout au long du répertoire. Deux titres échappent toutefois à cette constatation: le mystérieux Forest Of Hands And Teeth dont la mélodie n’est malheureusement pas assez forte pour marquer les mémoires et le très réussi Adventures In Neverland qui clôture l’album de bien belle manière. On est ici plus proche de Mostly Autumn avec une instrumentation aérée d’autant plus accrocheuse qu’elle était inespérée. La voix de Rachel Cohen est superbe dans ce contexte planant tandis que le travail sur les guitares acoustiques et électriques est extrêmement raffiné sans parler de ce solo stratosphérique floydien qui parvient une fois encore à donner des frissons dans l'échine. Toutefois, si ce dernier morceau redonne à la fois confiance et espoir dans l’avenir du groupe, il ne suffit pas pour sauver cet album d’une certaine médiocrité. Peut-être qu’une production un peu plus éclairée aurait pu épicer davantage les chansons et peut-être aussi que la présence d’un chanteur mâle en alternance avec la voix de Rachel Cohen aurait diversifié la tonalité de l’album? Difficile à dire mais ce qui est certain, c’est que The Reasoning est désormais un projet qui mérite un sérieux recadrage.

[ The Reasoning Website ] [ Adventures In Neverland (CD & MP3) ]

Magenta : Chameleon (Tiger Moth Records), UK 2011
Formé en 2001 autour du pianiste Rob Reed et de la chanteuse Christina Booth, Magenta a sorti depuis cette date cinq disques en studio, fort appréciés des amateurs, à raison d’un tous les trois ans. Leur style néo-prog symphonique associé à la voix agréable de la chanteuse rendent leurs albums particulièrement accessibles et certains s’étonneront sans doute que Magenta n’ait jamais grimpé plus haut dans l’échelle des valeurs progressives. Encore davantage axé qu'auparavant sur les vertus de compositions bien écrites, Chameleon ne révolutionne certes pas leur style de musique mais confirme les qualités d’un groupe qui se situe désormais quelque part entre Mostly Autumn et Renaissance, deux autres groupes plus célèbres également emmenés par des voix féminines. On trouvera ici quelques exemples du savoir faire de Magenta notamment avec l’excellent Book Of Dreams qui s’avère être le meilleur titre du répertoire : enrobage symphonique éclatant avec chœurs, mélodie superbe sur tempo medium, lâcher de guitare poignant de Chris Fry plus la voix enjôleuse de Christina Booth pour sublimer le tout en un rêve éveillé, cette chanson-là est parfaite. Guernica est un autre bon moment avec son arrangement de cordes très efficace. On notera ici la présence d’une guitare acoustique qui colore d’ailleurs la plupart des morceaux de l’album. Chris Fry, qui rappelle parfois le jeu arborescent si particulier de Steve Howe, maîtrise particulièrement bien cet instrument et on en trouvera ici une confirmation dans Reflections, un court instrumental aux teintes folk et automnales chargé de belles phrases claires et d’harmoniques. Malheureusement, tout n’est pas du même niveau et Magenta s’égare un peu quand il veut jouer trop rock comme sur Raw ou Breathe, trop abrasifs, où quand il allonge la sauce de manière interminable comme sur le titre final, Red, qui aurait pu facilement être réduit de moitié. Ces lacunes ne devraient toutefois pas empêcher les amateurs d’écouter Chameleon ou, tout au moins, de supporter le groupe en achetant au détail les trois ou quatre meilleurs titres de cet album : Guernica, Book Of Dreams, Glitterball et éventuellement Reflections.

[ Magenta Website ] [ Chameleon (CD & MP3) ]

Kate Bush : The Kick Inside (EMI Records), UK 1978
La musique folk de Joni Mitchell est au jazz ce que la musique pop de Kate Bush est au rock progressiste. Ses chansons installent des ambiances singulières, les arrangements sont souvent sophistiqués et la chanteuse sait s’entourer de musiciens compétents dont beaucoup ont des liens avec le progressif. En plus, son mentor est David Gilmour, le guitariste du Pink Floyd, qui la remarqua par hasard en écoutant une bande enregistrée par elle alors qu’elle n’avait pas encore seize ans. Séduit, Gilmour la fit signer illico par EMI qui lui laissa le temps de peaufiner son style avant de lancer sa carrière discographique. Son premier album, The Kick Inside, ne fut édité qu’en 1978 alors que la chanteuse était âgée de 19 ans mais il comprend des compositions déjà écrites quatre années auparavant. Quelle maturité pourtant dans ces textes juvéniles et déjà débordants d’une sensualité aussi précoce que mystérieuse. Bush s’accompagne elle-même au piano en jouant des progressions d’accords délicats qui soutiennent sa voix enjôleuse tandis qu’au fil des plages, des musiciens expérimentés viennent étoffer les partitions : le guitariste Ian Bairnson, le bassiste David Paton et le batteur Stuart Elliot (trois musiciens du Alan Parsons Project) ainsi que le claviériste Duncan Mackay (10cc, Colosseum II), le saxophoniste Alan Skidmore (Soft Machine) et le violoniste et chef d’orchestre David Katz (Quatermass) se sont tous faits un nom dans le petit monde du prog. Et si c’est le grand David Gilmour lui-même qui est crédité comme producteur exécutif sur deux titres, c’est en fait le producteur du Alan Parsons Project et de Kansas, Andrew Powell lui-même, qui s’est chargé d’arranger et de produire The Kick Inside et le résultat est emballant grâce à un mixage parfait et une sonorité qui n’a pas pris une ride depuis tant d’années. Des treize morceaux qui composent le LP original, il n’y a rien à jeter même si quelques chansons sont meilleures que d’autres comme le superbe Moving, introduit par le chant des baleines, qui est dédié à son professeur de mime ou The Saxophone Song, enluminé par les solos de Skidmore, ou encore The Man With The Child In His Eyes, mélodie rêveuse enrobée dans une orchestration magique. Mais le sommet du disque est bien sûr ce Wuthering Heights, une composition inspirée par le livre d’Emily Brontë et le film du même nom réalisé en 1970 avec Thimothy Dalton. La voix de Bush s’y fait théâtrale tandis que l’atmosphère à la fois diabolique et romantique du film est rendue avec une impressionnante présence. Sur les derniers mots de la chanteuses, vient se greffer une note de guitare jouée en sustain qui se prolonge par un solo harmonieux qui coule comme du miel. Beaucoup pensent encore que David Gilmour était aux commandes mais c’est à Ian Bairnson que l’on doit ce petit morceau d’anthologie. Certes, Kate Bush fera d’autres albums plus matures que celui-ci et qui seront jugés supérieurs par les critiques mais, en ce qui me concerne, aucun n’a la fraîcheur ni la spontanéité de ce Kick Inside. Et surtout, c’est ici et nulle part ailleurs que vous entendrez cette chanson pour les âges qu’est Wuthering Heights.

[ Kate Bush Website ] [ The Kick Inside ]

Curved Air : Airborne (BTM/RCA), UK 1976 - Réédition CD + 1 titre en bonus (Repertoire), 2011
Quand paraît Airborne, dernier disque enregistré par Curved Air, le line-up d’origine n’existe plus depuis longtemps et les expérimentations classico-rock des trois premiers albums appartiennent au passé. Des membres fondateurs, seuls subsistent le violoniste Darryl Way et la chanteuse Sonja Kristina mais cela suffit pour garder une certaine identité au groupe qui intègre par ailleurs des musiciens compétents comme le bassiste Tony Reeves (Greenslade, Colosseum) et le batteur Stewart Copeland (futur membre de Police) plus le guitariste inconnu Mick Jacques et quelques musiciens de studio comme le saxophoniste Alan Skidmore (Soft Machine), le claviériste Robin Lumley (Brand X), Bob Sargeant à l’orgue et le musicien de jazz Frank Ricotti. La musique est plus rock qu’auparavant et le son plus lustré avec des riffs de guitare qui claquent (écoutez les introductions de Kids To Blame et de Moonshine) tandis que quelques morceaux comme Desiree, délicieux pop-rock à l’ambiance californienne, et Heaven (Never Seemed So Far Away) sont des thèmes solides avec, sur ce dernier titre, des solos énergiques de violon et de guitare. Copeland qui, à l’époque, avait une affaire de cœur avec Kristina, s’essaie ici pour la première fois à la composition en coécrivant deux titres dont Kids To Blame qui, plus tard, sera repris sur scène par le groupe Police quand qu’il était encore en manque de chansons. Sa frappe sèche et précise rend le son plus moderne et davantage en phase avec le rock du milieu des 70’s. Hot And Bothered est un drôle de boogie joliment enluminé de cuivres jazzy avec un bon solo de saxophone suivi d’un autre au violon tandis que Juno étonne par son incroyable solo de vibraphone joué par un Ricotti déchaîné. Et puis, il y a aussi l’épique et progressif Moonshine qui retrouve les gloires d’antan et s’étend sur plus de onze minutes avec de multiples variations de tempo tout en poussant Darryl Way dans ses ultimes retranchements. La réédition inclut aussi le fameux Baby Please Don’t Go du bluesman Big Joe Williams qui bien qu’enregistré pendant les mêmes sessions, fut à l’époque édité en simple sans être repris sur le LP initial. Là, le groupe se laisse aller au rock le plus basique qu’il joue toutefois avec une redoutable efficacité, démontrant du même coup comment Sonya Kristina pouvait faire décoller son combo avec une énergie digne des plus grandes chanteuses de rock. En dépit de deux ballades très moyennes (Broken Lady et Dazed), cet album peut donc être jugé comme une réussite même s’il est clair qu’avec sa majorité de rocks mainstream, l’amateur de progressif n’y trouvera pas son compte.

[ Curved Air Website ] [ Airborne (CD) ]

Karnataka – The Gathering Light (Immrama Records), UK 2010
Delicate Flame Of Desire, l’avant-dernier album sorti par le groupe britannique Karnataka, date déjà de 2003 et il est resté dans les mémoire comme un versant plus commercial de Mostly Autumn, mâtiné d’influences puisées chez Enya. Toutefois, c’est à un nouveau groupe qu’on a affaire aujourd’hui avec The Gathering Light puisque le bassiste Ian Jones est le seul musicien faisant le lien entre l’ancien et le nouveau line-up. Dans une certaine mesure, la direction artistique n’est pourtant pas fondamentalement différente même si la musique est plus progressive qu’auparavant dans le genre symphonique. Les influences celtiques, par exemple, ont été conservées et même renforcées avec la participation, en invité sur quatre morceaux, du désormais célèbre Troy Donockley (Iona) dont les flûtes sont de plus en plus souvent appelées à la rescousse sur des projets qui requièrent des couleurs nordiques (The Seed And The Sower de The Enid, Dark Passion Play de Nightwish, Passengers de Mostly Autumn, Metamorphosis de Magenta, The Shackelton’s Voyage et bien d’autres). Par ailleurs, si Rachel Jones (qui a rejoint The Reasoning) était une chanteuse très compétente, sa remplaçante Lisa Fury ne l’est pas moins et on peut déjà la classer, au même titre que Heather Findlay, parmi les nouvelles divas du rock progressiste. Sa voix claire et mélodieuse brille dans la nuit : c’est elle la lumière du Karnataka nouveau (The Gathering Light) à laquelle s’accrochent les fans de mélodies pures et éthérées. Pour remplacer Jonathan Edwards, Paul Davis and Gavin Griffiths, partis eux aussi former un excellent groupe dénommé Panic Room, Gonzalo Carerra (claviers), Enrico Pinna (guitares) et Ian Harris (drums) ont uni leurs efforts au sein d’un combo étonnamment soudé pour un premier essai. Pinna en particulier se fend de magnifiques solos de guitare qui planent à la manière de ceux de David Gilmour et rehaussent le côté atmosphérique des compositions. La tendance est ici au tempo moyen : pas de virtuosité gratuite ni de grande démonstration de savoir-faire. La beauté, la mélodie, le lyrisme et la sensibilité priment sur tout le reste mais sans jamais tomber dans la niaiserie. Même les arrangements sont nuancés et riches et pour les rendre plus somptueux encore, on a fait appel, sur quatre titres, à un autre spécialiste : le légendaire violoncelliste Hugh McDowell qui officiait jadis chez Electric Light Orchestra. Sa contribution aux textures est majeure, en particulier sur le long titre éponyme qui clôture l’album dans un indescriptible moment d’émotion. Ajoutez encore une production cristalline ainsi qu’un graphisme éclatant et on peut élire The Gathering Light comme un des disques d’envergure de l'année 2010.

[ Karnataka Website ] [ The Gathering Light ]

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