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Rachel Flowers : Bigger On The Inside (Indépendant), 1er Octobre 2021 | |
1. A B (4:13) - 2. Take Me Away (11:47) - 3. Too Much (7:47) - 4. Love Today (4:40) - 5. This Is The Way I Am (6:19) - 6. The Darkness (10:03) - 7. Feel (11:56) – 8. Beautiful Dream (4:42) – 9. With You (6:21)
Rachel Flowers (chant, piano, claviers, guitares, basses, orchestrations) Compositrice, arrangeuse, multi-instrumentiste et chanteuse, cette musicienne californienne, atteinte de cécité depuis sa naissance, peut déjà, malgré ses 28 printemps, se prévaloir d'un bien remarquable cursus. Rachel Flowers découvre le piano classique à l'âge de deux ans, prend ses premiers cours à quatre ans, puis étudie la flûte avant de rejoindre le Stanford Jazz Workshop. C'est au travers de nombreux concerts et vidéos qu'elle se révèle non seulement au public, mais également à plusieurs artistes, dont Herbie Hancock, le chef d'orchestre Terje Mikkelson, et sa référence majeure, Keith Emerson, qu'elle reprendra à maintes reprises pendant cette période. Il serait assurément long de citer, en nombre et en diversité, ses collaborations, d'Arturo Sandoval à Rick Wakeman, ou de Dweezil Zappa à Jordan Rudess en passant par Burt Bacharach, témoignage d'un non moins large éventail de genres musicaux. Fin 2016, Rachel assemble une partie de ses nombreuses compositions sur un formidable premier album instrumental : Listen est un patchwork jubilatoire de jazz, fusion, rock progressif, classique impressionniste et contemporain, musiques du monde et bandes originales de film. Après Going Somewhere qui associait ses premières compositions vocales à des textes déjà très inspirés, voici Bigger On The Inside, un troisième opus dont le titre fut suggéré par la série télévisuelle Doctor Who à Jeanie, une maman à la fois agent, coach et muse de Rachel, partageant également avec elle l'écriture des paroles de l'un des morceaux, This Is The Way I Am. Rachel Flowers incarne l'archétype même du musicien refusant toute catégorisation. De fait, chacune des neuf plages de ce répertoire nous livre son univers propre, lui-même riche en nuances et en arrangements méticuleux. A B, morceau d'ouverture et premier single qui annonçait l'album dès le mois de décembre 2020, nous happe littéralement par de lourds riffs de guitare dignes du King Crimson de la période Red, ponctués par un solo de piano électrique cher à Herbie Hancock, et soutenus par une vaillante section rythmique. Puis Take Me Away, l'une des trois pièces épiques, occupe une place à part dans le cœur de Rachel dans la mesure où sont ici mis en valeur ces sons puissants qu'elle affectionne : l'orgue à tuyaux qui inaugure cette pièce avec solennité, associé à un orgue Hammond, sans oublier de somptueux arrangements orchestrant une mélodie pop accrocheuse. Dans une même veine symphonique, The Darkness fut inspiré par les musiques de James Horner, souvenirs d'enfance liés notamment au film Titanic, avec du cor anglais et des harmonies jazz semblables à celles du dernier opus de Keith Emerson avec orchestre, Three Fates Project ; ajoutons quelques notes de guitare électrique façon Steve Vai lorsqu'il était accompagné par le Holland Metropole Orchestra. Troisième de ces morceaux à épingler, Feel nous plonge cette fois dans un groove enchaînant de limpides chorus de guitares électriques, de piano et de claviers torrentiels, toujours nappés de cordes, dans un jazz smooth qui évoquent aussi bien Steely Dan que le Secret Story de Pat Metheny. L'émotion transpire littéralement de la balade Beautiful Dream dans laquelle le piano accompagne seul le chant de Rachel en révélant sa remarquable tessiture dotée d'une gamme vocale à trois octaves et demi. This Is The Way I Am, autre pièce favorite de Rachel, est une composition de 2012, période où la musicienne ne disposait pas des bibliothèques sonores et orchestrales requises pour restituer ce morceau tel qu'elle l'imaginait, et tel qu'il se présente aujourd'hui sur le disque. La virtuosité, le sens mélodique et la sensibilité de Rachel rayonnent partout dans cet album admirable, où tout est quasiment affaire de famille, jusqu'à l'illustration de la pochette réalisée par son frère Vaughan. Les textes brillants, en partie coécrits avec Jeanie, expriment une vision du monde à la fois empirique et onirique, partageant ainsi les sentiments humains entre peur/dépression et joie/allégresse/ espoir. Elle résume simplement ainsi son message : « il y aura des ténèbres mais nous pouvons aimer, voler, car ils ne seront que temporaires ». Rachel envisage à présent la réalisation de deux albums, dans un registre jazz vocal pour le premier, puis un projet s'inspirant cette fois du Hip Hop. Il ne fait nul doute que l'avenir nous réserve encore bien d'autres surprises. [4½/5] [ Chronique de Michel Linker ] [ Bigger On The Inside (CD / Digital) ] [ Listen (CD / Digital) ] [ Bigger on the Inside sur Bandcamp ] [ A écouter : Bigger on the Inside (teaser) - A B ] |
Yes : The Quest (Sony music/InsideOut), UK, 1er Octobre 2021 | |
1. The Ice Bridge (6:59) - 2. Dare To Know (5:56) - 3. Minus The Man (5:34) - 4. Leave Well Alone (8:05) – 5. The Western Edge (4:24) - 6. Future Memories (5:08) - 7. Music To My Ears (4:39) - 8. A Living Island (6:47) CD bonus : 1. Sister Sleeping Soul (4:48) – 2. Mystery Tour (3:33) - 3. Damaged World (5:18) Jon Davison (chant, guitare acoustique 6); Steve Howe (guitares électriques, guitare 12 cordes, guitare acoustique, sitar, mandoline, chant, koto 4); Geoff Downes (piano, orgue Hammond, synthétiseurs, Fender Rhodes, mellotron) ; Billy Sherwood (basse, chœurs, claviers 3, 5 ; chant 5); Alan White (batterie); Jay Schellen (percussions); Fames Studio Orchestra ; Paul K Joyce (orchestrations) Sept ans après Heaven And Earth qui reçut un accueil plutôt mitigé, et une décennie après Fly From Here qui en revanche marqua une étape heureuse dans leur discographie, voici enfin le vingt-deuxième album studio de Yes. The Quest nécessita deux années de travail et, en raison du contexte, un enregistrement partagé entre l'Angleterre et la Californie. Cette fois également producteur, Steve Howe a souhaité donner à cet opus de nouvelles couleurs et un son différent de tout ce qui a été produit précédemment, évitant notamment les écueils de l'album de 2014. Cela s'est tout d'abord traduit par un travail de concertation collective à chaque étape du projet qui a suscité de fait une meilleure cohésion pour laquelle chaque musicien a pu donner le meilleur de lui-même. Le bassiste Billy Sherwood, déjà présent en tant que guitariste sur The Ladder (1999), en est l'un des acteurs importants, imposant au fil de ce répertoire un style propre mais fidèle à son illustre prédécesseur, le regretté Chris Squire, disparu en 2015. Sans recours cette fois à la programmation digitale, Geoff Downes a réuni une plus large palette de claviers (piano, Fender Rhodes, synthés, orgue Hammond et mellotron). Perpétuant aussi la « marque » Yes, le chant de Jon Davison au timbre de voix si proche de Jon Anderson, gagne incontestablement en force et en émotion sur cet album par rapport au précédent. Par ailleurs, Le guitariste producteur a souhaité, comme pour Magnification (2001) mais dans des conditions plus optimales, enrichir l'instrumentation sur trois titres par un ensemble à cordes en confiant les arrangements au célèbre chef d'orchestre Paul Kevin Joyce. L'album démarre en trombe sur Ice Bridge avec toute la solennité des premières notes de clavier qui font immédiatement penser à Fanfare For The Common Man d'Emerson, Lake and Palmer. Avec ses guitares au son lourd et parfois rageur, ce morceau est probablement celui qui sonne le plus rock en nous renvoyant à la période de 90125. Les guitares jouées par Steve Howe sont très présentes sur l'ensemble du répertoire. Howe utilise différents modèles parfois au sein d'un même titre comme sur la ballade Minus The Man dans laquelle il passe d'une Gibson E345 à une Fender Telecaster, ou encore sur le quatrième titre Leave Well Alone dans lequel il utilise un Koto japonais. Sur Future Memories, une pièce mélodique et, comme le second morceau Dare To Know, typique du groupe Yes, sa Fender Stringmaster steel est en outre accompagnée par la guitare acoustique de Jon Davison. L'album se referme sur A Living Island, pièce onirique et introspective coécrite par Jon Davison et Geoff Downes avec en filigrane le contexte du confinement, qui rappelle Halcyon Hymns, dernier album de Downes Braide Association. Le label ayant imposé une limite de temps de 50 minutes, le répertoire présente huit pistes d'une durée totale de 48 minutes. Ne s'agissant pas d'un double album, un CD bonus est inclus qui présente 3 titres supplémentaires dont l'intérêt majeur est sans doute le second morceau, Mystery Tour, amusant hommage rendu aux Beatles. Si Close To The Edge ou Relayer incarnent une époque révolue, The Quest, incontestablement meilleur que son prédécesseur, est un album bien produit, aux sons cristallins, dans lequel on retrouve parfois ce qui, dans Fly From Here, nous a enchantés. Ce line -up soudé et homogène permet aujourd'hui d'espérer de belles réalisations futures. On ne peut enfin, une fois encore, que s'émerveiller de ce somptueux digipack illustré, tradition oblige, par l'immense Roger Dean. [4½/5] [ Chronique de Michel Linker ] [ The Quest (CD / Vinyle / Digital) ] [ A écouter : The Ice Bridge - Dare To Know ] |
Möbius Strip : Time Lag (Distribution Ma.Ra.Cash Records / Bandcamp), Italie, 11 juillet 2021 | |
1. Chand Baori (8:57) - 2. Iblis's Hybris (7:52) - 3. Mateka's Speech (8:29) - 4. Old Tapestry (10:06) - 5. Möbius Cube (7:32) - 6. A Theme for the End (6:34)
Lorenzo Cellupica (piano, orgue, claviers); Nico Fabrizi (saxophones, percussions); Eros Capoccitti (basse électrique, percussions); Davide Rufo (drums, percussions) + Invités. En mars 2017, ce jeune quartet originaire de Sora (Italie) a sorti un premier disque éponyme dans lequel le jazz se teintait d'influences héritées de l'école de Canterbury (Soft Machine dans sa période la plus jazzy, In Cahoots de Phil Miller et autres Gilgamesh). Plus de quatre années après, Möbius Strip, qui existe toujours dans la même configuration et avec le même line-up, sort un second disque intitulé Time Lag. Une parenté avec l'album précédent est assurée par le graphisme de la pochette qui a été à nouveau réalisée par Francesco Tersigni. Premier titre du répertoire, Chand Baori nous permet de retrouver le jazz séduisant et accessible du quartet, un jazz encore zébré de sonorités rappelant l'école de Canterbury dans sa branche la plus jazzy. Si le jeu du claviériste Lorenzo Cellupica, qui enrichit considérablement les harmonies, est toujours aussi léger, celui du saxophoniste Nico Fabrizi apparaît ici nettement plus mordant que sur le premier album et semble avoir acquis une profondeur qui éclate avec brio dans un solo central d'une belle densité. Cette nouvelle maturité est encore plus apparente sur Iblis's Hybris qui bénéficie d'un arrangement de cuivres remarquable grâce à deux musiciens supplémentaires invités : le trompettiste Fabio Gelli et le tromboniste Romeo Venditti. Le travail d'orchestration ainsi que les mélanges sonores, le piano et l'orgue en particulier, témoignent que Möbius Trip a beaucoup travaillé et évolué, affichant désormais une réelle épaisseur qui lui faisait parfois défaut il y a quatre ans. Toutes ces bonnes nouvelles sont confirmées sur le long et foisonnant Old Tapestry dans lequel le claviériste et le saxophoniste rivalisent d'ardeur, se frayant un passage à travers les différentes sections avec une faconde et une force tranquille qui font plaisir à entendre. Le disque se clôture sur un morceau différent qui annonce peut-être une future mutation : A Theme For The End est en effet en partie chanté et peuplé de vocalises (assurées par des invités), une première pour le groupe qui n'a joué jusqu'ici qu'une musique instrumentale. On y entend aussi une trompette ainsi qu'une guitare électrique qui viennent s'ajouter au quartet de base. Le résultat est riche, multiforme et plus "rock" aussi, sans pour autant que le style global du disque n'en soit profondément perturbé. A la fois savante et exubérante, la musique de Möbius Trip s'est épanouie dans un registre varié et original. Elle plaira à ceux qui aiment leur jazz teinté de rock (ou l'inverse), avec de faux airs à la « Canterbury », et enrobé dans des arrangements soignés qui lui procurent sa spécificité ainsi qu'une réelle sophistication. [4/5] [ Chronique de Pierre Dulieu ] [ Time Lag sur Bandcamp ] [ A écouter : Time Lag (album) ] |
Argos : The Other Life (Indépendant), 20 août 2021 | |
1. Chameleon Sky (6:31) - 2. Broken Mirror (4:14) - 3. The Twilight Mind (6:45) - 4. Johnny Head-In-Air (5:25) - 5. I Carry Light (5:46) - 6. The Trial Of The Pyx (7:58) - 7. Weak End (3:10) - 8. The Shall See Hotel (6:23) - 9. The Library Of The Future (3:26)
Thomas Klarmann (chant, choeurs, basse, flûte, claviers); Robert Gozon (chant, claviers); Bogati-Bokor Akos (guitare électrique & acoustique, basse, claviers, choeurs); Ulf Jacobs (batterie, percussions, chœurs); Stephanie Semeniuc (chœurs); Marek Arnold (saxophones, clarinette); Thilo Brauss (claviers, orgue) Parmi les belles surprises de cette année 2021, la sortie de The Other Life, trois ans après Unidentified Dying Objects, marque une nouvelle étape forte dans le cursus du groupe allemand Argos, comme ce fut notamment le cas avec leur quatrième opus A Seasonal Affair en 2015. Toujours organisé autour de son noyau dur originel, à savoir le binôme Thomas Klarmann et Robert Gozon, le groupe a d'abord connu le départ du guitariste Enrico Florczak en 2019, puis l'heureuse intégration d'un ami de leur talentueux batteur Ulf Jacobs, Bogati-Bokor Akos, multi-instrumentiste comme les deux leaders et membre par ailleurs du groupe hungaro-roumain Yesterdays. Son apport sera aussi important comme interprète qu'au niveau des arrangements, du mixage et de la production qu'il assure dans ce sixième album solo. Si les influences majeures d'Argos, manifestes dès les deux premiers titres, restent liées à l'école de Canterbury (Hatfield And The North, Caravan), la musique composée essentiellement par Thomas demeure fortement enracinée dans l'âge d'or du rock progressif. A travers ses climats changeants et s'appuyant toujours sur une large palette de claviers vintages aux sonorités analogiques (orgues, mellotron), elle trouve aussi une filiation auprès de ces groupes des années 70 dans la mouvance de Yes tels que Fruupp, England ou Greenslade. Sur des textes tour à tour surréalistes, oniriques, remplis d'amertume ou de courroux, un climat mélancolique, annoncé dès les premières notes du piano de Robert sur Chameleon Sky, traverse le répertoire à l'instar de l'atmosphérique Broken Mirror, évocation du suicide d'un proche de Thomas. Ce sont les époques d'innocence et de liberté attachées à l'enfance que célèbrent avec nostalgie les chants suaves et nuancés de Robert et Thomas dans Chameleon Sky et Johnny Head-In-Air. Ce dernier titre, comme le morceau I Carry Light, aux lointains accents de Yes, bénéficient de l'apport d'un troisième claviériste, en la personne de Thilo Brauss. Comme en 2015 et 2018, le line-up comprend en outre, la présence sur deux titres de Marek Arnold (Seven Steps To The Green Door, Toxic Smile, United Progressive Fraternity...). Sur Johnny Head-In-Air, son saxophone soprano se mêle à la flûte de Thomas et à la guitare alternativement acoustique et électrique d'Akos ; il assure également seul une section de cuivres (saxophone alto & ténor, clarinette) sur The Shall See Hotel, huitième plage également sublimée par une intro à l'orgue d'église puis par les autres claviers arrangés avec brio par Thomas, ainsi que les magnifiques solos de guitare électrique d'Akos. Bien que courte, la pièce Weak End allie une complexité structurelle digne de Gentle Giant à des harmonies vocales rappelant Ian Anderson et Chris Squire. Enfin, au même titre que le premier morceau et pièce majeure Chameleon Sky, la courte ballade The Library Of The Future qui clôture le répertoire, incarne la quintessence de cette nouvelle collaboration tripartite entre Thomas (flûte aérienne et basse), Robert (piano) et Akos (guitare acoustique, claviers multiformes). Captivant et poignant de bout en bout, globalement plus introverti que l'album précédent et doté de cette fraîcheur apportée par Akos, The Other Life est assurément un bel album de transition pour Argos, un groupe en quête perpétuelle de nouveaux horizons musicaux, et qui a d'ores et déjà écrit plus de la moitié des titres de son prochain opus. [4½/5] [ Chronique de Michel Linker ] [ The Other Life sur Bandcamp ] [ A écouter : Weak End - The Library Of The Future ] |
Big Big Train : Common Ground (English Electric Recordings), UK, 30 juillet 2021 | |
1. The Strangest Times (5:08) - 2. All The Love We Can Give (8:06) - 3. Black With Ink (7:23) - 4. Dandelion Clock (4:14) - 5. Headwaters (2:27) - 6. Apollo (7:50) - 7. Common Ground (4:54) – 8. Atlantic Cable (15:06) – 9. Endnotes (6:59)
David Longdon (chant, chœurs, flûte, guitare acoustique, synthétiseur, piano, mellotron, vibraphone, tambourin); Gregory Spawton (basse, pédale de basse, chant, guitare acoustique, guitare acoustique 12 cordes, mellotron); Rikard Sjöblom (guitares électriques 6 & 12 cordes, guitare acoustique, chant, piano, synthétiseur, orgue Hammond, , orgue d'église, orgue Farfisa, mellotron, Fender Rhodes, piano électrique Wurlitzer, Clavinet,); Nick D'Virgilio (batterie, chant, percussions, mellotron, guitare Ebow, Fender Rhodes, piano électrique ,synthétiseur, CP70, ); Carly Bryant (chant); Dave Foster (guitares); Aidan O'Rourke (violon) ; Dave Desmond Five Piece Brass Ensemble. La crise sanitaire et ses confinements ont marqué un vif contraste avec les explorations et voyages célébrés dans l'album Grand Tour en 2019, annulant un calendrier de concerts planifiés en 2020 /2021, et en particulier une première tournée cruciale pour Big Big Train aux Etats Unis. Ce contexte entraîna également de significatifs changements au sein du groupe avec les départs de Danny Manners (claviers), Rachel Hall (violon) et Dave Gregory (guitares). Mais ce qui aurait pu incarner le chant du cygne pour cette formation britannique, fut tout au contraire l'occasion d'inscrire, avec ce douzième album studio, un nouveau chef d'œuvre dans la discographie déjà remarquable d'un groupe devenu essentiel sur la scène progressive internationale. Quant au line-up, l'inquiétude ne peut être de mise quand on considère, autour de David Longdon et de Gregory Spawton, la présence de deux autres compositeurs et multi-instrumentistes - Nick D'Virgilio (Neal Morse, Spock's Beard…) et Rikard Sjöblom (Beardfish, Rikard Sjöblom's Gunfly) - ainsi que de nouveaux musiciens : le guitariste Dave Foster sur deux titres, le violoniste Aidan O'Rourke du groupe folk Lau, sans oublier Carly Bryant au chant additionnel (également claviériste et guitariste au profit de la tournée future). S'il traite du sujet grave de la pandémie, le premier morceau The Strangest Times nous embarque paradoxalement dans une sémillante chanson pop au refrain accrocheur, conduite par le piano fougueux de Rikard Sjöblom et une section rythmique musclée, qui restitue ce côté Elton John que David Longdon déclarait vouloir insuffler au démarrage du répertoire. All The Love We Can Give allie une pop teintée de folk, aussi mélodique que complexe dans ses changements de rythme, et que servent à merveille les guitares épaisses de Dave Foster ainsi que les claviers mêlant Orgue Hammond, Fender Rhodes, synthétiseur et piano. Porté par la basse énergique de Gregory Spawton et la puissante batterie de Nick D'Virgilio dans une rythmique très ancrée dans les années 80, Black With Ink, est une métaphore sur la destruction du savoir à travers celle de la bibliothèque d'Alexandrie, magnifiée par le mellotron et par de divines harmonies vocales., Né pendant un moment de dérive de Gregory Spawton et évoquant le temps qui passe, Dandelion Clock nous plonge brièvement dans un univers qui, par ses arpèges de guitare, ses nappes de claviers, et la voix marquante de David Longdon, rappelle Genesis dans la seconde moitié des années 70. La deuxième partie de l'album est inaugurée par deux instrumentaux : le court et paisible Headwaters au piano, puis Apollo, pièce plus complexe écrite par Nick D'Virgilio, magnifiquement arrangée et orchestrée, et accompagnée par la flûte céleste de David Longdon. Porté par le chant de David, Common Ground annonce la pièce majeure de cet opus, Atlantic Cable, un immense moment de rock progressif symphonique à la mesure de ce gigantesque câble transatlantique, une pièce de 15 minutes, riche en nombreux rebondissements et pourvue d'une instrumentation luxuriante et d'extraordinaires harmonies vocales dignes de Gentle Giant. Enfin, la ballade Endnotes, sorte de réponse à Dandelion Clock, qui bénéficie comme sur l'instrumental Apollo de la collaboration du quintet de cuivres de Dave Desmond, referme paisiblement le répertoire. Par la diversité de ses morceaux, son accessibilité et un niveau mélodique soutenu, Common Ground peut s'avérer une porte d'entrée pour un nouveau public. Comme la belle illustration du digipack le montre, cet album, par son message, et au-delà de la crise sanitaire, est un appel à l'interdépendance humaine, celle qui nous invite à chercher ce « lieu commun » fait d'entraide et de solidarité. Quant à Big Big Train, le calendrier des concerts et tournées au Royaume Uni et aux Etats Unis est dans l'état actuel des choses, reprogrammé pour 2022. [4½/5] [ Chronique de Michel Linker ] [ Common Ground (CD / Digital) ] [ Common Ground sur Bandcamp ] [ A écouter : The Strangest Times - Apollo - Common Ground ] |
Neal Morse Band: Innocence & Danger (InsideOut Music), USA, 27 août 2021 | |
CD 1 : 1. Do It All Again (8:53) – 2. Bird On A Wire (7:23) – 3. Your Place In The Sun (4:13) – 4. Another Story To Tell (4:50) – 5. The Way: It Had To Be (7:14) – 6. Emergence (3:12) – 7. Not Afraid Part1 (4:54) – 8. Bridge Over Troubled Water (8:09) CD 2 : 1. Not Afraid Part2 (19:30) – 2. Beyond The Years (31:23) I. Far From Home II. The Far That's Always Near III. Kings & Queens & Bitter Things IV. Island In The Sun V. Drifting Throught The Years VI. Watercolor Sky VII. Worlds Away NEAL MORSE BAND : Neal Morse (claviers, guitars & chant); Mike Portnoy (batterie, percussions et chant); Randy George (basse frettée et fretless); Eric Gillette (guitar & chant); Bill Hubauer (piano, orgue, synthétiseur & chant) + Invités : Josee Weyland (violon); Gideon Klein (violon alto, violoncelle, contrebasse); Amy Pippin, Julie Harrison, April Zachary: voix (Bridge Over Troubled Water) Après deux concept-albums consécutifs (The Similitude Of A dream et The Great Adventure), l'équipe assemblée par Neal Morse revient aux fondamentaux en proposant une collection de chansons (comme dans le premier album : The Great Experiment) qui démontrent que le collectif ne s'enferme pas dans une routine, se réinvente constamment et - surtout - se montre plus cohérent que jamais. La première pièce annonce ce qu'il y a au menu de ces 90 minutes de musique : une orchestration riche et contrastée, un chant principal (Eric Gillette) qui s'harmonise avec les autres voix (dont celle, très distincte, de Bill Hubauer), des échappées instrumentales, des lignes mélodiques originales et une accroche infaillible qui – un peu comme dans les polars réussis – captive l'auditeur pour ne plus le lâcher. La cavalerie envahit le salon, emmenée à bride abattue par Mike Portnoy et Randy George. Le second morceau est exubérant, scintillant, parfait pour conserver l'engouement avec une mélodie accessible, facilement mémorisable, et un engagement total de la formation. Your Place In The Sun est idéalement placé. Cette plage enjouée, qui n'aurait pas dépareillé un disque de la fin des année 60, permet à Bill, Eric, Mike et Neal de se partager le chant de manière naturelle. Et cela continue allégrement avec une quatrième chanson parfaite, groovy à souhait et presque dansante, qui débouche naturellement sur la composition suivante grâce à un enchaînement assuré par une guitare et un piano. Nous entrons dans une zone plus calme, presque introspective, un peu psychédélique, guidée par une guitare éthérée et le chant clair d'Eric Gillette renforcé par celui de Bill Hubauer au timbre plus grave. Un court solo bluesy du même Eric renforce le climat « floydien » de cette magnifique composition. L'intermède acoustique, toujours à la guitare, qui semble hésiter entre classique et jazz, apporte une respiration bienvenue (Emergence) avant d'embrayer, mine de rien, sur la pièce suivante dont les harmonies vocales ne peuvent renier une filiation avec certains groupes américains des années Woodstock. Se laisser porter par ces voix est une parenthèse rêveuse teintée de nostalgie. La plage de clôture de ce premier disque est une surprise. A l'instar de la cuisine actuelle avec ses plats classiques revisités, les deux premières minutes ne peuvent laisser imaginer qu'il s'agit d'une réécriture de ce monument de Simon & Garfunkle : Bridge Over Troubled Water. Le chant est prenant, émotionnel, tout comme le solo de guitare rattrapé par l'intervention d'une section de cordes qui s'envole dans un crescendo convoquant tous les intervenants pour un final grandiose et émouvant, capable de tirer des larmes aux plus blasés. Ce premier volet est passionnant : impossible de décrocher ! Le second disque est constitué de deux longues pièces. Not Afraid Part Two est davantage marqué du sceau de Neal Morse qui assure le chant. Des sonorités de claviers particulières, des rebondissements dignes d'un best-seller d'auteur à succès, des échappées instrumentales virtuoses, le chant passionné de Neal : tout concourt à faire de ce morceau une épopée musicale complexe et ensorcelante. Il s'en dégage une majesté qui impose le respect. Le collectif NMB étant généreux par nature, le grand final est introduit par la formation de cordes bientôt rattrapée par le chant, lui-même suivi par paliers des autres instruments. Et c'est reparti pour une fresque foisonnante de plus de 31 minutes. La multitude d'idées, de trouvailles sonores, d'arrangements surprenants et de développements ingénieux subjugue. Randy George s'impose de manière impériale. Tel un feu d'artifice, cette aventure épique est le bouquet final époustouflant d'un groupe qui se réinvente en repoussant constamment des limites que l'on pensait cerner. Innoncence & Danger est un formidable double album qui confirme que la dynamique collective de ces artistes exceptionnels les porte sans cesse plus loin, toujours et beaucoup plus loin… [4½/5] [ Chronique d'Alain Bourguignon ] [ Innocence & Danger (CD / Digital / Vinyle) ] [ A écouter : Do It All Again - Bird On A Wire - Your Place In The Sun ] |
Xavier Boscher : Earthscapes (Orfeo'lab'), France, 9 juillet 2021 | |
1. Road to Happiness (3:51) - 2. Mountain of Spirit (7:15) - 3. Luminescent Forest (9:20) - 4. Carnal Cocoon (5:00) - 5. Sanctuary of Delight (4:32) - 6. Cobalt Blue Tarantula (5:27) - 7.
Field of Sapphire (3:32) - 8. Volcania (8:56)
Ecrit, interprété et composé par Xavier Boscher. Peinture d'Andréa & Xavier Boscher Dédiée aux paysages terrestres, la dernière production du guitariste Xavier Boscher est à nouveau présentée sous une pochette attrayante reproduisant une peinture de Andréa & Xavier Boscher, similaire à celle de Waterscapes mais en beaucoup plus sombre et tourmenté. En tout cas, elle convient pour décrire visuellement ce qu'on entend au début du premier titre, Road To Happiness : un univers rude et bouleversé avec une ambiance « métal » et un ciel plombé que parviennent toutefois à percer quelques rayons de soleil sous la forme de mélodies attrayantes qui changent totalement la perspective de cette composition évolutive. Mountain Of Spirit est de la fusion progressive instrumentale de haut niveau avec des harmonies glorieuses et un voile de spiritualité qui l'élève continuellement vers des couches atmosphériques supérieures. La « Montagne de l'Esprit » reste un lieu inaccessible au commun des mortels mais cette musique devrait quand même vous en rapprocher un peu. Ce qui vient ensuite (Luminescent Forest) est la plage épique du disque : près de 10 minutes d'une excursion musicale riche et évocatrice au beau milieu d'une forêt luminescente à la Avatar. Evidemment les surprises y sont nombreuses et les raisons de s'émerveiller le sont tout autant, ce que tente d'exprimer ce morceau qui abonde en mélodies et en harmonies classieuses. Ce n'est pas une musique planante mais plutôt dramatique et dynamique, emportée par une rythmique appuyée qui ne vous laisse guère de repos avant son terme. Après ce périple aventureux dans la forêt merveilleuses aux gymnospermes radieux, Carnal Cocoon est un havre de paix bienvenu où il fait bon se détendre avant de pénétrer dans le Jardin des Délices (Sanctuary Of Delight), délicieuse petite pièce mélodique jouée sur une guitare à cordes en nylon. Il valait mieux en effet se remettre en forme avant d'affronter la Tarantule Bleu Cobalt (Blue Cobalt Tarantula) dans une tourmente métallique au cœur de laquelle le monstre velu à huit pattes n'en finit pas d'éructer des dissonances enrobées de venin mortel. Retour au calme avec Field Of Sapphire, une balade élégiaque et concise, avant que ne déboule la dernière plage de l'album au titre encore une fois évocateur : Volcania. Et c'est bien sûr à une éruption volcanique qu'on assiste mais, plutôt qu'à une gigantesque explosion soudaine et chaotique, c'est au ralenti que Xavier Boscher nous invite à vivre cet évènement tellurique. Un peu comme si l'on regardait en spectateur cette gigantesque nuée ardente sortir lentement et majestueusement de la montagne pour dessiner dans l'air un champignon atomique. C'est le syndrome « Zabriskie Point », quand la musique du Pink Floyd enrobait l'explosion d'une villa au bord du désert, filmée au ralenti et sous tous les angles possibles, extirpant une forme de beauté d'un évènement violent et destructeur. Le guitariste Xavier Boscher continue d'enregistrer des disques passionnants, malheureusement un peu occultés par un statut de label indépendant ainsi que par le manque de curiosité des médias traditionnels. Mais si vous appréciez le rock instrumental, la fusion progressive, les guitares, et les thèmes musicaux évocateurs de récits fantastiques, cet album varié, plaisant à écouter et soigneusement agencé (jusque dans son graphisme) mérite certainement toute votre attention. [4½/5] [ Chronique de Pierre Dulieu ] [ Xavier Boscher : Earthscapes sur Bandcamp ] |
Luca Zabbini : One (Indépendant), 21 mai 2021 | |
1. What's Left Of Me (4:55) - 2. Everything Changes (3:46) - 3. Hello (4:57) - 4. Taking Time (5:24) - 5. Portrait (3:50) - 6. Constantine Cry (3:20) - 7. The Mood Of The Day (3:14) - 8. No One There (6:30) - 9. Karlsruhe Rain (3:34) - 10. Help Me To Sleep (4:55) - 11. I Don't Know (3:25)
Luca Zabbini (piano, orgue, synthétiseurs, guitares acoustiques, guitares électriques, basse, batterie, chant, chœurs, mandoline, arrangements des cordes, cuivres, bois, mixage, mastering); Antonio De Sarno (textes : 2,5, 9, 10, 11); Giorgio Franceschetti (textes : 1, 3, 4, 6, 7, 8) « Si j'étais acteur et que je devais interpréter les mêmes rôles encore et encore, cela me conduirait à l'épuisement, et je cesserais alors d'évoluer. Ceci est tout aussi vrai pour la musique ». Cette formule de Luca Zabbini résume en soi la motivation de son projet. Elle était très attendue, cette sortie de One qui, comme son nom l'indique, inaugure la carrière solo de ce pianiste virtuose italien, compositeur et fondateur, à l'âge de 19 ans, de Barock Project, dont les six albums studios, aujourd'hui regroupés et remasterisés dans le coffret The Box Set 2006- 2019, ont été hautement appréciés. Ce groupe a su marier avec splendeur et panache la musique baroque à un rock à la fois accessible et construit dans la plus belle tradition progressive symphonique des années 70 (E.L.P, Yes, P.F.M, Le Orme). Parallèlement à cela, Luca Zabbini, qui pratique le piano depuis l'âge de 6 ans et qui voue autant d'admiration à Keith Emerson qu'à Prokofiev, Bartok, Rachmaninov, Ginastera, et surtout Bach, a également composé dans les registres jazz, et bien sûr, classique ; citons simplement une suite pour deux pianos et deux violoncelles ainsi qu'un concerto pour piano et orchestre. Le contexte sanitaire ayant mis Barock Project en pause et désireux de se créer une identité musicale propre en s'affranchissant de toute contrainte extérieure, Luca Zabbini a donc profité du confinement de 2020 pour travailler un répertoire couvrant un large éventail musical. A l'exception d'Antonio De Sarno et de Giorgio Franceschetti qui ont écrit les textes, Luca a été le seul et unique artisan de son premier opus solo. Comme il l'a fait la plupart du temps par le passé quand il présentait ses démos aux autres musiciens de son groupe, il assure ici la totalité des instruments et cette fois, batterie incluse. Au seul service de sa voix, il compose, l'intégralité de ses chansons à la guitare acoustique, conçoit et peaufine, tel un orfèvre, l'ensemble des arrangements intégrant une orchestration de cordes, cuivres et vents. Il prend enfin en charge l'enregistrement, le mixage ainsi que le mastering et nous livre in fine un album à la fois très ouvert, parfois surprenant, et toujours inspiré. Le chant de Luca est l'élément central de ces 11 plages variées, courtes, extrêmement mélodiques et accessibles dès la première écoute. Le premier titre, What's Left Of Me, démarre sur des notes paisibles de piano, à la façon de Broken dans l'album Detachment. Il s'agit indéniablement d'une pièce progressive au fil de laquelle les instruments, guitare acoustique, puis électrique, claviers et chœurs, occupent peu à peu l'espace jusqu'au dénouement. C'est ensuite un vent de liberté et de totale désinhibition qui souffle sur l'ensemble du répertoire dans une vaste et jubilatoire palette de styles musicaux dont notamment la britpop, avec The Mood Of The Day aux accents AOR, ou encore Hello dans lequel le piano d'abord calme et saupoudré de notes d'orgue se met à swinguer et virevolter sur une rythmique qui n'est pas sans rappeler un certain Billy Joel. Le tempo peut se faire bluesy (No One There, la plage la plus longue), ou folk, voire bluegrass (Taking Time). Mais par-dessus tout, l'introduction orchestrale faisant place à l'électrique dans le second titre, Everything Changes, se fait annonciatrice de deux morceaux de bravoure combinant folk, rock et orchestrations luxuriantes (Constantine Cry et surtout Help Me To Sleep). L'émotion reste intacte, en particulier dans Karlsruhe Rain, pièce autobiographique qui occupe une place à part dans le cœur de ce musicien dont la virtuosité est omniprésente. Le piano se fait tour à tour baroque et romantique dans Portrait ou encore dans I Don't Know qui ferme le répertoire dans une belle fusion musicale entre le XVIIIe siècle et ces dernières décennies. Apanage d'un musicien accompli et arrangeur émérite, cet album aux multiples facettes devrait séduire un public plus large et prendre place parmi les meilleures sorties de cette année 2021. On notera par ailleurs que Luca Zabbini prévoit une tournée avec Barock Project qui inclura certains concerts communs avec Premiata Forneria Marconi, mais, compte tenu du contexte sanitaire, uniquement dans le périmètre italien. [4½/5] [ Chronique de Michel Linker ] [ One (CD / Digital) ] [ A écouter : What's Left Of Me ] |
Sylvan : One To Zero (Gentle Art Of Music), Allemagne, 28 mai 2021 | |
1. Bit by Bit (Overture) (6:16) - 2. Encoded at Heart (6:41) - 3. Start of Your Life (3:14) - 4. Unleashed Power (7:30) - 5. Trust in Yourself (5:32) - 6. On My Odyssey (6:26) - 7. Part of Me (9:16) - 8. Worlds Apart (3:57) - 9. Go Viral (6:40) - 10. Not a Goodbye (10:14) / Total 65:46
Marco Glühmann (chant); Johnny Beck (guitares); Volker Söhl (claviers); Sebastian Harnack (basse); Matthias Harder (batterie); invités: Kalle Wallner (guitares acoustiques supplémentaires); Yogi Lang (claviers supplémentaires); Katja Flintsch (violon et alto); Bine Heller (chœurs) La production de Sylvan s'est fortement ralentie, passant d'une moyenne de 2 ans entre chaque sortie à 3 pour Sceneries puis 4 pour Home et enfin 6 pour One To Zero. Ce dernier est le second album produit chez Gentle Art Of Music, le label de RPWL dont on retrouve Yogi Lang aux claviers additionnels et Bine Heller aux chœurs (elle figure également dans le Blu Ray God Has Failed / Live & Personnal). Etant donné la qualité en constante évolution, il est acceptable, voire souhaitable, que le quintet prenne le temps nécessaire pour nous surprendre à nouveau tout en renforçant son image de marque. Le dernier-né, le dixième, est un concept album en forme d'autobiographie d'une intelligence artificielle. Dès le morceau d'ouverture (Bit by Bit/Ouverture), Volker Söhl nous plonge dans l'ambiance générale du CD avec des parties de synthés aux sonorités futuristes incluant des « bruits d'ordinateur », appuyées par une rythmique en béton. La voix trafiquée de Marco Glühmann captive immédiatement. La musique est une combinaison de climats apaisés et d'envolées impétueuses, le tout en appui sur la mélodie. En un peu plus de six minutes, Sylvan nous rappelle avec maestria qui ils sont. La balade qui suit (Encoded at Heart), avec piano et basse bien apparente, installe Marco dans une zone de confort où son timbre particulier et sa conviction l'emportent. L'orchestration s'étoffe et les chœurs se font entendre tandis que la musique monte en puissance marquée par une intervention à la guitare très inspirée avant un final de bruits mécaniques/robotiques. Start Of Your Life marque un retour au rock, avec une mélodie imparable et un refrain entraînant par un groupe jouant à l'unisson ce qui pourrait être un single si l'époque s'y prêtait encore. Sur Unleached Power, le piano classique revient pour une intro mélancolique et intimiste qui permet à Marco de nous émouvoir davantage. La chanson se transforme ensuite en douceur en une pièce beaucoup plus atmosphérique et progressive. Le reste du disque évolue encore en introduisant du violon, un alto au son proche du violoncelle, du piano évoquant parfois la pluie, des chœurs, des guitares acoustiques et des claviers divers. Les harmonies parfaites, les mélodies séduisantes, les arrangements créatifs, les alternances de tempos ainsi que la cohésion de l'ensemble sont remarquables. Et toujours ce mélange de classique, de rock progressif et de sonorités modernes en phase avec les thèmes traités. Sylvan est en constante progression tout en conservant une façon de faire qui permet de le distinguer des autres bonnes formations de rock progressif : des thèmes intelligents et bien exploités, des compositions solides, raffinées et brillantes, des soli calibrés et inventifs, des effets mesurés sans oublier un chant très émotionnel contribuent à un résultat remarquable qui étonne tant le niveau, déjà élevé, est à chaque fois à nouveau dépassé. L'écoute est un régal tant tout est parfaitement en place, mesuré au cordeau, finement exécuté, d'un équilibre parfait, d'une fluidité et d'une mélodicité sans démonstration inutile. Ce talent rare permet d'ores et déjà de placer ce One To Zero dans la liste des grands albums prog de cette année. [4½/5] [ Chronique d'Alain Bourguignon ] [ One to Zero (CD / Digital / Vinyle) ] [ A écouter : Unleashed Power - Go Viral - Not A Goodbye ] |
Frost* : Day And Age (InsideOut Music) UK, 14 mai 2021 | |
1. Day and Age (11:49) - 2. Terrestrial (5:12) - 3. Waiting for the Lie (4:31) - 4. The Boy Who Stood Still (7:33) - 5. Island Life (4:14) - 6. Skywards (4:15) - 7. Kill the Orchestra (9:27) - 8. Repeat to Fade (6:15) Edition DeLuxe - CD 2 : versions instrumentales des 8 plages + Day And Age (edit) Jem Godfrey (chant, claviers); John Mitchell (guitars); Nathan King (basse) + Invités : Pat Mastelotto (batterie); Kaz Rodriguez (batterie); Darby Todd (batterie); Jason Isaacs (chant) Dynamique ! C'est le mot qui vient à l'esprit après les 12 secondes de narration par une voix de petite fille qui nous souhaite la bienvenue : «... Enjoy yourself » puis après un court ricanement, un « you scum » plutôt troublant, alors que Frost* se lance énergiquement dans une pièce épique de près de 12 minutes. Le choix n'est pas anodin et permet à la formation de poser les bases de l'album en tenant d'entrée de jeu l'auditeur en haleine. Exactement comme l'accroche d'un bon polar. C'est de la dynamite ! Je sais, c'est facile ! Mais je me permets cette expression car le reste du disque continue sur cette lancée ; pas de morceau de remplissage, pas de ventre mou, pas de gras, à l'os ! Cette chanson éponyme ne contient pas de solo de guitare - John Mitchell sait que ce n'est pas toujours nécessaire - mais bénéficie plutôt des claviers virevoltants de Jem Godfrey sur une rythmique soutenue. Basse ronflante et inventive de Nathan King et frappes puissantes, innovantes mais également nuancées de Kaz Rodriguez. C'est un morceau massif, solide. Les harmonies vocales viennent rafraîchir la chevauchée instrumentale et le groove d'enfer. L'agencement de ces différentes composantes est simplement parfait. C'est sur un solo abrégé de synthé que la fin vient nous surprendre... après 12 minutes ! Vous venez probablement d'écouter ce que FROST* a fait de mieux à ce jour. Sons bizarres, échantillonnage, claviers délirants, chant de John Mitchell rejoint par un Darby Todd déchaîné qui emmène la formation dans un morceau lourd, très contrasté, parfois violent, sombre mais toujours mélodique et cohérent. C'est Terrestrial. En revanche, ce sont des claviers plus doux qui lancent Waiting For The Lie bâti sur un arpège répété de Godfrey. Le son devient spatial avec des effets sur la voix et une batterie martelée avec conviction. La fin en crescendo s'interrompt pour laisser la petite fille chuchoter : « Wake up ». Dans The Boy Who Stood Still, la voix de Jason Isaacs (Discovery, Star Trek) relate l'histoire d'un garçon qui découvre le pouvoir qu'il détient de s'extraire de la masse pour devenir observateur de l'humanité. Des synthés déjantés, une basse aux lignes complexes, des chœurs intercalés dans la narration : c'est heurté, vigoureux, amplifié par des percussions telluriques déchaînées. Les paroles ironiques de Island Life, au sujet de l'amusement et du plaisir en vacances - avec diverses lectures possibles - sont chantées sur une mélodie imparable jouée très fort, toujours avec une section rythmique d'une puissance de feu redoutable (la basse emporte tout). Les mots « Enjoy yourself » reviennent à point nommé dans ce morceau. C'est au tour de Pat Mastelotto de manier les baguettes, avec son style intense et heurté, et de soutenir une chanson un peu moins dure (Skywards) où les motifs de claviers dominent une trame mélodique très cinématographique et mémorisable. Les parties chantées, accompagnées par des effets, échantillonnages, mélanges de sons de Godfrey, changent durant Kill The Orchestra. Des riffs imposants déchirent le morceau en différentes phases. Le ton passe du morose au rageur avant un retour sur le thème de la chanson-titre à 7' poursuivi jusqu'à la fin de la pièce. Pour Repeat To Fade, il semble que la formation ait décidé d'y mettre le paquet. Il leur en restait sous la pédale. Sur une batterie martyrisée par Pat Mastelotto, des nappes de claviers rutilantes, des échantillonnages, une guitare stridente et un rythme addictif imprimé par la basse, se pose le chant rugissant de Mitchell (« Enjoy yourself, you scum ») complété par des voix opératiques. Le groove fait parfois place à un délire sonore proche de la débâcle – mais sous contrôle – pour une montée en puissance que rien ne semble pouvoir arrêter... sauf le bruit blanc de la fin et le murmure ultime : « Can you hear me ? » Day And Age est un album très important dans la discographie du groupe. Il marque une évolution certaine tout en conservant une identité forgée avec les trois précédents. Pour comprendre et apprécier Frost*, il est nécessaire de tenir compte de leur recette personnelle qui brasse un sens musical percutant, un coté mathématique, une production impressionnante, un son massif ainsi qu'un humour « so british » parfois assez noir et pour le moins décalé. Les thèmes abordés dans Day And Age le sont avec un mélange de sérieux, un sens de l'ironie indéniable, une manière polissonne mais sans jamais les banaliser. D'aucuns diront ou écriront qu'il s'agit de leur meilleure production à ce jour. Je n'en suis pas loin. L'écoute du second disque – l'instrumental donc – met en évidence l'excellence du travail de tous les intervenants et la clarté de la production. Obtenir un son aussi puissant et énergique tout en conservant la totalité des subtilités et trouvailles qui parsèment les pièces est une entreprise particulièrement remarquable. Les conditions de travail ont été tout à fait singulières : la formation s'est enfermée, en janvier 2020, dans un studio éphémère dans le Sussex, en bord de mer, coincé entre un phare et une centrale nucléaire. Il y avait très peu de lumière du jour et le temps était calamiteux. Il est possible, voire probable, que le côté oppressant de certaines chansons y trouve son origine. [4½/5] [ Chronique d'Alain Bourguignon ] [ Day And Age (CD / Vinyle / Digital) ] [ A écouter : Day And Age - Terrestrial ] |
Kayak : Out Of This World (InsideOut Music), Pays-Bas, 7 mai 2021 | |
1. Out Of This World (6:06) - 2. Waiting (4:04) - 3. Under A Scar (6:29) - 4. Kaja (3:15) - 5. Mystery (3:58) - 6. Critical Mass (7:09) - 7. As The Crow Flies (4:09) - 8. The Way She Said Goodbye (3 :18) – 9. Traitor's Gate (3:18) - 10. Distance To Your Heart (4:18) – 11. Red Rag To A Bull (4:17) – 12. One By One (4:14) – 13. A Writer's Tale (9:29) – 14. Cary (2:59) – 15 Ship Of Theseus (3:43)
Ton Scherpenzeel (claviers, chant, chœurs); Bart Schwertmann (chant, choeurs); Marcel Singor (guitare, chant, choeurs); Kristoffer Gildenlöw (basse, chant, choeurs); Hans Eijkenaar (batterie) Les 48 ans d'une carrière, inaugurée par le premier album See See The Sun en 1973, en disent long sur ce groupe hollandais pour lequel le qualificatif de légende s'impose. Depuis bientôt cinq décennies, il a connu des périodes de grande créativité (on pense en particulier au brillant opéra rock Merlin en 1981 ou encore au fastueux concept-album Nostradamus The Fate Of Man en 2005), mais également des traversées du désert avec un bon nombre de changements de personnel. Pour autant, la pérennité de Kayak doit encore et beaucoup à son charismatique leader, Ton Scherpenzeel, ultime co-fondateur encore actif au sein du line-up actuel depuis la tragique disparition du batteur et producteur Pim Koopman en 2009. Ensuite, par un acharnement du sort, le prolifique compositeur, chanteur, claviériste et accessoirement accordéoniste ou bassiste, fut à son tour victime d'une crise cardiaque dix ans plus tard, obligeant le groupe à interrompre une tournée qui s'est soldée néanmoins par la sortie d'un excellent Live 2019, double album offrant une excellente opportunité pour (re)découvrir Kayak à travers une sélection de 22 titres emblématiques délivrés dans une dynamique de concert. Après le très réussi Seventeen en 2018, voici donc Out Of This World, dix-huitième album studio qui présente, au fil des 70 minutes que durent ses 15 plages, une musique luxuriante et changeante, tour à tour énergique et calme, accessible et parfois aventureuse. Le morceau titre ouvrant le répertoire démarre sur des claviers inspirés, bientôt rejoints par un synthétiseur, une guitare et par la voix lumineuse et intense du chanteur principal de l'album, Bart Schwertmann, étoffée par les chœurs. Les prodigieux arrangements rythmiques et instrumentaux, de divines harmonies vocales dignes de Kansas ou Queen, et ce sens mélodique accru caractérisant le compositeur lui confèrent une dimension symphonique, et en font une des pièces majeures de l'opus. L'originalité de l'album réside précisément dans l'alternance de morceaux ancrés, comme ce dernier, dans le rock progressif, véritable ADN du groupe, et de chansons pop/rock comme les trois chantées par Marcel Singor : Waiting, As The Crow Flies et Cary. Sa voix n'est pas sans rappeler à la fois Robert Wyatt et David Bowie. Rangeons également dans cette seconde catégorie les deux balades : The Way She Said Goodbye, écho lointain à Al Stewart et One by One, cette fois chantée dans une tessiture plus grave, par le bassiste Kristoffer Gildenlöw (Pain of Salvation, For All We Know). Sur un groove soutenu par la section rythmique, le son épais de la six-cordes et une pointe d'orgue Hammond, Traitor's Gate enchantera les amateurs de Styx, Journey ou Asia. Dans un tempo plus lent, proche du blues, Distance To Your Heart combine avec merveille cordes synthétiques et section rythmique mises au service d'un dialogue entre chant et chœurs à la manière d'Electric Light Orchestra. Mais la nature progressive de Kayak, rayonnante dès le premier titre Out Of This World, s'exprime et trouve sa quintessence sur quatre autres plages de l'album qui retrouvent le souffle épique de La Peregrina ou Walk Through Fire extraits du précédent opus. Sur Under A Scar, l'instrumentation appuyée par les chœurs monte graduellement en intensité pour ensuite redescendre vers l'apaisement. A l'instar de Traitor's Gate, le batteur Hans Eijkenaar joue un rôle central dans Critical Mass en propulsant les claviers et une guitare aérienne aux chorus somptueux. A Writer's Tale est la pièce la plus longue de l'album et en est également la plus complexe par la variété de ses thèmes et ses changements de rythmes qui alternent de paisibles chœurs synthétiques et un tempo rappelant Harold The Barrel de Genesis. Elle démontre, s'il en était encore besoin, toute la créativité de Ton Scherpenzeel. Par ailleurs, le leader chante uniquement sur Ship Of Theseus, sa voix poignante conférant un caractère dramatique à cette pièce sombre au son lourd qui clôture l'album. Par la diversité de son répertoire, son haut niveau mélodique et la qualité de ses arrangements, Out Of This World s'avère ainsi une indéniable réussite qui perpétue non seulement le succès de son prédécesseur Seventeen mais qui devrait aussi susciter un nouveau public. [4½/5] [ Chronique de Michel Linker ] [ Out of This World (CD / Vinyle / Digital) ] [ Out Of This World sur Bandcamp ] [ A écouter : Out Of This World - Mystery ] |
Downes Braide Association : Halcyon Hymns (Cherry Red Records), UK, 5 février 2021 | |
1. Love Among The Ruins (6:23) - 2. King Of The Sunset (6:36) - 3. Your Heart Wil Find The Way (5:19) - 4. Holding The Heavens (7:53) - 5. Beachcombers (3:30) - 6. Warm Summer Sun (4:33) - 7. Today (6:58) - 8. Hymn To Darkness (2:58) – 9. She'll Be Riding Horses (For Sue) (4:34) – 10. Late Summer (2:23) – 11. Remembrance (11:43) – Epilogue (0:36)
Christopher Braide (chant, piano, claviers, guitare, programmation); Geoffrey Downes (piano, claviers, programmation); Dave Bainbridge (guitares, bouzouki, mandoline); Andy Hodge (guitares basses); Ash Soan (batterie); Barney Ashton-Bullock (narration); Marc Almond (chant, paroles du second couplet 6); Tim Weller (batterie 9, percussions 4); Joe Catcheside (narration 7, chœurs 1); David Longdon (harmonie vocale 2); Elijah et Sascha Braide (chœurs 1, 4) Dans la mythologie grecque, l'alcyon incarne un oiseau de légende annonciateur de jours heureux, tandis que dans la terminologie anglaise, le mot renvoie à un passé édénique et paisible. De nos jours, Halcyon Hymns, cinquième production de Downes Braide Association depuis 2012, si l'on tient compte du Live In England sorti en 2019, est un pur produit du confinement. Chris Braide, chanteur, compositeur et producteur d'artistes de renom, a notamment participé à Chaos And A Dancing Star, dernier opus de Marc Almond, lequel lui a suggéré la réalisation d'un quatrième album studio avec DBA. Les ébauches et maquettes de chansons qui lui furent adressées par le claviériste Geoff Downes (Buggles, Yes et Asia) l'ont l'inspiré et suscité sa créativité. En un mois, il a ainsi au-delà de toute espérance pu mettre en forme les douze plages de cette œuvre en clair-obscur, apologie lumineuse du bonheur des instants présents, avec en filigrane de sombres menaces qui planent, et ce dans la foi en des jours meilleurs. Afin d'accentuer l'effet du message, un narrateur, en la personne de Joe Catcheside, introduit puis ponctue les morceaux de ce qui n'est pas un concept album, mais qui néanmoins raconte une histoire et forme un tout homogène. Les deux artistes ont en outre complété le line-up par le multi-instrumentiste et arrangeur Dave Bainbridge (Iona, The Strawbs), qui se cantonne ici à la guitare, ainsi que David Longdon de Big Big Train (harmonies vocales sur King Of The Sunset) et le chanteur glamour précité des années new wave, Marc Almond, dans un magnifique duo avec Chris Braide sur l'émouvant Warm Summer Sun. Le répertoire débute par le premier vers du poème du même nom, Love Among The Ruins, de Robert Browning. C'est une pièce bucolique et lyrique, nappée de synthétiseur et portée par la voix de Chris Braide sur les accords de guitare de Dave Bainbridge. Il annonce d'ores et déjà l'ambiance de l'ensemble de l'œuvre. Au fil des plages, l'auditeur découvre une musique accessible, retient instantanément le refrain de Today supporté par les notes d'un piano à la John Lennon et, par moment, d'une guitare à la George Harrison, et celui du mélancolique She'll Be Riding Horses. Pour autant, Halcyon Hymns présente à l'évidence des caractéristiques inhérentes au rock progressif, par exemple dans les arpèges de Holding The Heavens qui évoquent Steve Hackett sur une mélodie qui renvoie à Barclay James Harvest. Dans Beachcombers, les harmonies vocales rappellent Jon Anderson et Chris Squire. Enfin Remembrance qui précède un court épilogue constitue une pièce épique de 12 minutes, construite sous la forme d'un leitmotiv mélodique obsessionnel rappelant Fish (Perfume River ou Garden Of Remembrance), dans laquelle guitare, mandoline et piano, appuyés par une légère section orchestrale, créent un contraste avec le narrateur ainsi qu'avec le chant de Chris Braide; elle clôture l'opus, symbolisant la fin d'une saison estivale. En bref, cet album, à la fois plus fouillé et plus nuancé que les précédents, et minimisant la programmation au profit des instruments, devrait gagner à sa cause autant les fans de Yes (période Fly From Here) que les amateurs d'un pop/rock bien écrit et produit. Il est emballé dans une pochette digipack qui, dans l'esprit d'Asia ou de Yes, a été créée par Roger Dean. Un document sur la réalisation de cette illustration est présenté dans un DVD accompagnant le CD qui inclut également trois vidéos promotionnelles (Love Among The Ruins, Your Heart Will Find The Way et Today). [4/5] [ Chronique de Michel Linker ] [ Halcyon Hymns (CD / Vinyle / Digital) ] [ A écouter : Love Among The Ruins - Your Heart Will Find The Way - Warm Summer Sun ] |
Nad Sylvan : Spiritus Mundi (InsideOut Music) Allemagne, 9 avril 2021 (InsideOut Music), Multinational, 9 avril 2021 | |
1. The Second Coming (7:00 )- 2. Sailing to Byzantium (6:41) - 3. Cap and Bells (4:47)- 4. The Realists (2:18) - 5. The Stolen Child (4:58)- 6. To An Isle In The Water (4:36)- 7. The Hawk (4:09)- 8. The Witch and The Mermaid (1:57)- 9. The Fisherman (5:28) - 10. You've Got To Find A Way (Bonus) (5:55)- 11. To A Child Dancing In The Wind (5:08)
Andrew Laitres (composition, chant, voix, guitare acoustique nylon, steel et 12 cordes, claviers additionnels); Nad Sylvan (composition, chant, voix, claviers, guitares électrique et acoustique, basse, batterie, orchestration, programmation) ; Kiwi Te Kanna (hautbois, flûte chinoise, invité); Steve Piggot (guitare électrique additionnelle, invité); Jonas Reingold (basse, invité, 1 piste); Mirkko Demaio (batterie, congas / Invité); Steve Hackett (guitare acoustique 12 cordes, invité); Tony Levin (basse, invité 4 pistes) ; Neil Withford (guitare électrique et slide, invité). Après être passé par Unifaun (2008 - difficile à trouver) puis être convié par Roine Stolt à rejoindre Agents Of Mercy (3 Cds), Nad Sylvan a produit 5 albums en solo entre 1997 et 2019. Révélé au grand public par ses qualités vocales en accompagnateur de Steve Hackett pour son projet Genesis Revisited, puis lors de nombreux concerts, il trace aussi sa route hors de l'ombre de Peter Gabriel sur la seule base de son talent personnel. Des échanges avec Andrew Laitres (Vermont, USA), peu connu hélas, ont débouché sur le titre bonus du précédent effort de Nad, The Regal Bastard (2019) : The Lake Isle Of Innisfree. Les rencontres lors de la partie US de la tournée avec Steve Hackett ont permis d'échanger du matériel et des ébauches. Ainsi a pris forme Spiritus Mundi dont l'inspiration principale vient de poèmes de William Butler Yeats (1865-1939), un Irlandais honoré du prix Nobel de littérature en 1923, particulièrement admiré par Nad. L'album commence en douceur avec une intro à la guitare acoustique après quelques bruitages d'ambiance et une courte narration. Le chant, accompagné de loin au début, est rejoint par l'orchestration mais reste le fil conducteur. Nad se livre vocalement sans contrainte, naturellement, et vit son texte avec une grande conviction. Petites touches de clavier, percussions éparses, tout se fait dans la mesure. Les voix doublées/superposées sont du plus bel effet (A. Laitres). Une mise en bouche au goût salé. Dès la seconde plage, nous sommes embarqués dans le navire. L'accompagnement se fait plus présent et varié. Des sonorités exotiques et un côté envoûtant nous attirent vers l'ailleurs. La montée chromatique et le tempo plus marqué nous donnent envie de ramer en cadence. Voix a capella, chant d'oiseaux, progression descendante à la guitare acoustique, voici le très pastoral Caps And Bells ou le piano fait merveille au milieu de ce morceau qui se diversifie ensuite avec les instruments à l'unisson. La croisière se poursuit au fil des pièces d'orfèvrerie que sont ces chansons parfois arachnéennes. Le paysage sonore d'Isle In The Water repose sur les cordes, le mélange des voix, quelques touches de piano et une flûte lointaine qui se dérobe à la fin. The Hawk voit la section rythmique imposer un tempo plus marqué tandis que Nad donne de la voix avec quelques fioritures accompagnées au piano et, à la fin, une chorale entraînante. Les embruns nous fouettent la peau et la houle secoue notre esquif dans l'ultime The Fisherman agrémenté d'une partie de slide guitar (Neil Whitford) de toute beauté. La pluie fine sur le visage, nous quittons l'esquif avec regret, emportant des souvenirs forts. Vient ensuite, dans la version qui en est munie, la chanson You've Got To Find A Way, sur des paroles de Nad Sylvan, qui évoque à mots couverts cette période troublée que nous vivons (mais avec une note d'optimisme quand même) : une ballade toute simple, dans le ton de l'album, qui ne le dépareille en rien. Enfin la contribution de Steve Hackett dans la toute dernière pièce, To A Child Dancing In The Wind qui est d'une grande quiétude, se déroule en finesse sur de délicats accords à la guitare acoustique 12 cordes enrobée d'un fond orchestral aérien. L'instrumentation est soigneusement dosée pour laisser les voix s'exprimer (Andrew Laitres chante également, ne l'oublions pas) et leur donner l'espace nécessaire à une narration des plus claires. En incarnant des textes de William Butler Yeates, Nad Sylvan a pu se consacrer bien davantage à la musique et il est incontestable que l'extrême soin apporté aux arrangements donne à ce disque une plus-value incomparable. [4½/5] [ Chronique d'Alain Bourguignon ] [ Spiritus Mundi (CD / Vinyle / Digital) ] [ A écouter : The Stolen Child - The Hawk - The Fisherman ] |
Perfect Storm: No Air (Glassville records), Pays-Bas, 19 mars 2021 | |
1. Strength (8:18) - 2. The Search (6:55) - 3. Sun For Life (8:08) - 4. Hope (7:41) - 5. No Air (6:55) - 6. Mind's Eye (6:15) - 7. How It Ends (9:34)
Gert-Jan Schurer (guitares); Ard Offers (chant, claviers); Adel Saflou (chant); Hiske Oosterwijk (chant); Jesse Bosman (battrie); David Klompmakers (basse) Passant de la douce brise qui frôle l'oreille, à la tornade qui reste dans les tympans, Perfect Storm, formation originaire des Pays-Bas (Groningen), est influencé par toutes les directions où va le vent. Avec ses riffs de guitares tranchants, une batterie entraînante, des lignes de basses bien nettes, des parties de claviers scintillantes et des harmonies vocales enchanteresses, ce projet récent apporte au paysage musical actuel une fraîcheur et un souffle allant des basses aux hautes pressions. Le maître d'œuvre Gert Jan Schurer (guitares) s'inspire des sons de sa jeunesse et cite volontiers Porcupine Tree, Steven Wilson, Pat Metheny, Hans Zimmer et un peu d'Aphex Twin ... de quoi, en effet, se construire un édifice musical solide. Privilégiant le côté mélodique au passage en force avec un côté accrocheur sans omettre les passages instrumentaux bien placés, les arrangements soignés, les solos énergiques et les harmonies vocales, la formation se rend accessible sans céder à une quelconque facilité. C'est très bigarré mais pas barré, original dans son agencement, fouillé dans sa conception et bien équilibré entre les voix féminines et masculines avec une section rythmique bien présente, une guitare tirant parfois vers le métal et des lignes de claviers qui se glissent intelligemment dans l'ensemble. Toutes sortes d'ambiances, de climats, de tempos se succèdent ou se télescopent pour notre plus grande satisfaction. La palette des artistes est très vaste et colorée, ce qui leur permet d'offrir une série de tableaux de genres distincts et typés, d'inspirations variées, réalisés avec énormément de finesse et de talent. Il est étonnant qu'il s'agisse là d'un premier album tant les surprises sont nombreuses avec ces breaks, virages, changements, rebondissements et, de plus, un parfait équilibre entre les parties chantées et celles instrumentales. Les sept morceaux, pour une durée 54 minutes, évoquent le relationnel (avec soi-même, les autres, le monde qui nous entoure). L'insécurité, la peur, les jugements, le lâcher prise et l'espoir sont également abordés. Mais tout cela sur un mode, finalement, optimiste. A ce propos, il faut souligner la qualité des voix qui sont d'une belle justesse, prenantes et d'une amplitude étonnante dans le cas d'Adel Saflou. Il s'agit d'un chanteur de métal syrien qui a dû fuir son pays en guerre et a été accueilli comme réfugié aux Pays-Bas à Alphen-Aan-Den-Rijn à 200 km de Groningen. Pour en revenir au titre de l'album, No Air, je ressens plutôt une brise légère, parfumée, parfois plus tempétueuse et stimulante avec des pointes épicées brièvement emportées par un souffle furieux. Voici un disque qui fait voyager et qui s'avère être un vrai remède contre l'immobilisme et l'ennui. [4/5] [ Chronique d'Alain Bourguignon ] [ No Air (CD / Digital) ] [ No Air sur Bandcamp ] [ A écouter : Strengh - No Air - How It Ends ] |
Steve Hackett: Under A Mediterranaen Sky (Insideout), UK, 22 Janvier 2021 | |
1. Mdina (8:46) – 2. Adriatic Blue (4:52) – 3. Sirocco (5:14) – 4. Joie De Vivre (3:42) – 5. The Memory Of Myth (3:29) – 6. Scarlatti Sonata (3:41) – 7. Casa Del Fauno (3:52) – 8. The Dervish And The Djin (4:58) – 9. Lorato (2:30) – 10. Andalusian Heart (5:58) – 11. The Call Of The Sea (4:45)
Steve Hackett (guitares acoustiques, guitare à 12 cordes, charango, oud irakien); John Hackett (flûte); Roger King (claviers, programmation § arrangements orchestraux) ; Malik Mansurov (Tar); Arsen Petrosyan (duduk); Christine Townsend (violon, alto : 5, 10); Rob Townsend (saxophone soprano, flûte : 7,8), Franck Avril (hautbois : 10) S'agissant d'un artiste tel que Steve Hackett, la sortie d'un nouvel album représente toujours un évènement majeur dans l'actualité musicale. Under A Mediterranean Sky est, pour ce guitariste et compositeur qu'on ne présente plus, un retour à une formule acoustique, la première depuis Tribute en 2008. Le confinement ayant stoppé la tournée Genesis Revisited, ce fut donc l'occasion pour lui, de mettre en musique des souvenirs de voyages, de sites enchanteurs, combinant le contemplatif à l'imaginaire. Il a, en partie, co-écrit ces 11 titres avec son épouse Jo, ainsi qu'avec son producteur et complice, le claviériste Roger King, également à l'œuvre sur d'impressionnants arrangements orchestraux accompagnant le jeu du soliste. Mdina, évocation de cette ville maltaise chargée d'histoire, ouvre l'opus, tel le premier mouvement d'un concerto pour guitare et orchestre. Roulements de tambours et cors introduisent l'une des trois pièces les plus épiques, et sans doute la plus ambitieuse, de cet album, par un développement symphonique rappelant parfois Le Sacre Du Printemps de Stravinsky, au service d'un dialogue entre la section des cordes tour à tour fulminante et apaisée et la guitare nylon aux accents hispaniques. La suite alterne des pistes jouées par Steve Hackett seul et des pièces orchestrales comme celle précitée, mettant néanmoins toujours en valeur le jeu fluide, nuancé et très identifiable du guitariste. Parmi les pièces en solo, Adriatic Blue nous fait d'abord parcourir les côtes accidentées de la Croatie au rythme de ces fameux arpèges « hacketttiens » qui nous renvoient à Bay Of Kings ou même, plus loin encore, à la longue introduction de Blood On The Rooftops (Genesis, Wind And Wuthering, 1977). Joie De Vivre célèbre la France et son art de vivre au fil d'une pièce aux forts accents folk. Lurato, mélodie en ritournelle, faisant quelque part écho à Horizons (Genesis, Foxtrot, 1972), chante l'amour universel tel un madrigal de la renaissance italienne. Puis, à travers Scarlatti Sonata, Steve Hackett revisite avec virtuosité un compositeur de la période baroque comme il le fit autrefois pour Bach et Vivaldi. Seconde piste majeure de l'album, portée par la magistrale orchestration de Roger King, Sirocco transporte l'auditeur depuis le littoral d'Afrique du Nord jusqu'aux confins des déserts de Jordanie au rythme des percussions et d'une mélodie venue d'orient, comme portée par ce célèbre vent qui traverse les étendues infinies de sable et de roches; à environ 3'30", nous pourrions presque voir poindre à l'horizon la silhouette de Lawrence D'Arabie évoluant sur la célèbre partition de Maurice Jarre. Après une mélancolique introduction au violon de Christine Townsend, The Memory Of Myth évoque la Grèce antique et ses créatures mythologiques. Puis, sur une mélodie accrocheuse, aérienne et paisible associant les notes de flûte de John Hackett, La Casa Del Fauno nous convie au second siècle dans l'intimité de cette célèbre résidence de Pompeï. Notre périple nous conduit ensuite aux confins de la Perse et du Moyen Orient. The Dervish And The Djin est assurément la pièce la plus orientale du répertoire, l'orchestre étant complété par le saxophone soprano de Robert Townsend et surtout par le duduk de l'arménien Arsen Petrosyan ainsi que par le Tar de l'azerbaïdjanais Malik Mansurov. L'intensité monte graduellement sur un rythme évoquant une caravane en mouvement. Le guitariste fait une halte en Andalousie, et, en la circonstance, son instrument se pare des couleurs du flamenco et de la musique gitane. Andalusian Heart porte l'empreinte de musiciens comme Andres Ségovia et davantage encore Rodrigo (Concerto Andaluz) dont Steve Hackett revendique une part de son inspiration. Cette odyssée méditerranéenne prend fin dans le même souffle épique qu'elle a démarré par la troisième et remarquable pièce hautement symphonique de cet opus, The call Of The Sea, autour du « personnage » central, immuable et fédérateur de l'album : la Grande Bleue, magnifiée par ces accords et arpèges de guitare, toujours nappés et enveloppés d'une somptueuse orchestration suscitant un climat propice à la méditation et au rêve. En attendant un retour imminent de l'artiste à l'électrique au sein de sa formation, Steve Hackett nous livre aujourd'hui son album le plus intime et sans doute le plus abouti. Ajoutons à cela que le CD est présenté sous un beau format digipack et qu'il est doté d'un livret qui se parcourt comme un carnet de voyage illustré et commenté. [4½/5] [ Chronique de Michel Linker ] [ Under A Mediterranean Sky (CD / Digital) ] [ A écouter : Mdina (The Walled City) - Andalusian Heart ] |
Inner Prospekt : Canvas Two (Indépendant), Italie, 19 février 2021 | |
1. Glimpse (3.06) – 2. Soul Of Hundred Lives (17.48) – 3. King Of Spades (6.48) – 4. Why Me ? (8.08) - 5. Abby's Escape (6.13) – 6. White Skies (10.50) – 7. The Knight And The Ghost (9.29) – 8. The Queen Of Clubs (3.11)
Alessandro Di Benedetti (claviers, chant, batterie); Rafael Pacha (guitare 12 cordes, guitare électrique); Frédérico Tetti § Carmine Capasso (guitares électriques); Giuseppe Militello (saxophone); Giovanni Maucieri (batterie : 5) Nous ne sommes décidément pas au bout de nos surprises avec nos amis transalpins. Poète, compositeur multi-instrumentiste et chanteur, Alessandro Di Benedetti nous vient de Rome, et le monde du rock progressif le connaît très bien : claviériste de Mad Crayon, il a, entre autre, collaboré également avec Marco Bernard (The Samuraï Of Prog et The Guildmaster). Il décrit lui-même sa création musicale « sans restriction, ni limite d'aucune sorte » et signe aujourd'hui son dixième opus en solo, toujours sous le nom d'Inner Prospekt, qui fait suite au concept album Canvas One sorti il y a un an. Au travers de 8 titres, il présente de nouvelles compositions et revisite trois anciens morceaux. Alessandro ouvre cet album, comme il le clôture d'ailleurs, par une pièce instrumentale, Glimpse, qui, dès les premières notes de piano, installe un climat de mélancolie et de doux mystère. Soul of Hundred Lives, qui raconte l'histoire d'une âme errante, est une pièce majeure, symphonique à souhait, d'une durée de 18 minutes. Elle est emmenée par des claviers inspirés, tout à tour planants et carillonnants et dignes des grandes heures de Genesis ou de Yes, un chant à la voix suave et poignante du compositeur qui rappelle celle de Dave Cousins ou de Robert Wyatt, et par l'envol des guitares électriques de Frédérico Tetti. Dans King Of Spades, saxophone, guitare acoustique et arpèges de piano accompagnent une étrange et vaine idylle entre le roi de Pique et la reine, dans un jeu de cartes truqué (reprise du morceau composé pour l'album Beyond The Wardrobe par The Samuraï Of Prog). L'introspectif Why Me ? est introduit par la guitare 12 cordes de Rafael Pacha, bientôt relayée par un piano et des cordes synthétiques. Abby's Escape, qui évoque les chimères d'un enfant victime de violence paternelle, est magnifié par une mélodie obsédante et par de splendides développements instrumentaux d'une très grande puissance émotionnelle. White Skies est la reprise d'un titre de l'album de 2014, Dreaming Tony Banks au titre évocateur quant aux influences de Benedetti. Le morceau originel souffrait à l'époque de faibles moyens techniques (son et section rythmique) mais aujourd'hui, le niveau de production ainsi qu'une réelle qualité d'orchestration donnent une vraie dimension symphonique à ce titre. Ce récit pourrait faire écho à Soul Of Hundred Lives mais le compositeur concède une libre interprétation à chacun. The Knight And The Ghost, qui conte l'amour impossible d'un chevalier en une époque incertaine, thème récurrent chez l'auteur, est une pièce folk progressive au léger accent médiéval qui tient à la combinaison du violon synthétique et de la guitare acoustique (reprise de l'album du même nom de The Guildmaster). Enfin, The Queen Of Clubs referme ce recueil de contes par une ballade de jazz smooth emmenée par le saxophone de Giuseppe Militello, qui rappelle Jan Garbarek par le son aérien, légèrement nappé de guitare acoustique et de quelques notes de claviers. Alessandro Di Benedetti nous convie ici à un beau voyage musical éclectique mais toujours très mélodique, somptueusement arrangé et très bien produit. [4½/5] [ Chronique de Michel Linker ] [ Canvas Two sur Bandcamp ] [ A écouter : Canvas Two (Teaser) ] |
JPL : Sapiens, chapitre 2/3 : Deus Ex Machina (Indépendant / Bandcamp), France, 12 mars 2021 | |
1. Le flambeur (8.53) - 2. Deus ex Machina (1) : La Machine (5.41) - 3. Deus ex Machina (2) : Une pièce pour nous gouverner tous (6.40) - 4. Terre brûlée (8.52) - 5. Encore humains ? (12.48)
Jean Pierre Louveton (chant, guitares, basse, instruments virtuels); Jean Baptiste Itier (batterie); Florent Ville (claviers, programmation, instruments virtuels); Guillaume Fontaine (claviers, programmation, instruments virtuels); Stéphanie Vouillot (chœurs) Ça démarre sur les chapeaux de roue avec Le Flambeur. Guitares pyrotechniques et rythmique lourde délivrent un heavy rock à haut indice d'octane qui accompagne la course folle d'un protagoniste vers on ne sait où. Le lien avec le premier volume de Sapiens demeure obscur mais ce n'est pas grave, on comprendra mieux plus tard. Cette introduction particulièrement dynamique et remplie de verve instrumentale dure quand même presque 9 minutes et a l'avantage de stresser l'auditeur afin de le mettre en condition pour ce qui va suivre. Deus Ex Machina 1 : la machine prend graduellement le contrôle sur une musique forte où les claviers tiennent cette fois un plus grand rôle. L'idée maîtresse du concept avec l'avènement de la robotique se met en place tandis que ce premier volet se termine sur des accords grandioses et pleins de souffle dans la plus pure tradition d'un prog épique. La seconde partie de ce morceau, Une Pièce Pour Les Gouverner Tous, est un des grands moments de l'album : un idéal sonique de grande qualité avec un solo de guitare éblouissant qui monte dans les hautes couches atmosphériques comme pour célébrer la toute puissance de la nouvelle divinité. Décidément si ce disque est l'un des plus musclés de Jean-Pierre Louveton, il est aussi l'un des plus variés. Terre brûlée est une formidable épopée conquérante dont les paroles dramatiques et signifiantes résonnent avec une belle vitalité. Encore Humains? clôture l'album en beauté avec une pointe de nostalgie. La partie instrumentale enrichie par les chœurs de Stéphanie Vouillot n'a aucune difficulté à vous happer dans l'ailleurs. L'album nous laisse alors sur un constat désespérant : nous somme la créature qui ne sait plus d'où elle vient. Sommes-nous maintenant machine ou encore un peu humain ? Ne doutons-pas que l'épisode trois pourvoira à cette ultime question existentielle. Une fois de plus Jean-Pierre Louveton l'a fait. Avec son univers mi sociologique mi science-fictionnel qui évoque parfois les textes de Neil Peart pour Rush, ce second volet de sa trilogie Sapiens en impose et, surtout, impose son créateur comme une des figures de proue d'un mouvement progressiste francophone toujours fier et debout. Recommandé ! [4½/5] [ Chronique de Pierre Dulieu ] [ Sapiens, chapitre 2/3 : Deus Ex Machina sur Bandcamp ] [ A écouter : Deus ex Machina 1 : La Machine - Deus ex Machina 2 : Une Pièce Pour Les Gouverner Tous ] |
Psychic Equalizer : Revealed II (Bandcamp), Espagne, 19 mars 2021 | |
1. The Astronomers (7:09) - 2. Destination Zero (8:31) - 3. Something Hurts (4:53) - 4. The Last Of Humankind (5:36)- 5. You Won't Have My Faith (4:28) - 6. Lament (3:30)
Hugo Selles (claviers, basse); Carlos Barragán (guitares classiques et électriques); India Hooi (chant, bansuri, guitares acoustiques, claviers); Adrian Ubiaga (claviers, basse) + James Knoerl (drums) Revealed est une curiosité composée de 2 EP (5 morceaux pour le 1er et 6 pour le 2ème) constituant une suite cohérente à tous points de vue. La première partie est disponible depuis le 23 avril 2020. La seconde, à laquelle cette chronique se rapporte, sortira le 19 mars 2021. The Astronomer est une belle métaphore sur la recherche, le savoir, l'intégrité. Mise en musique dans un emballant morceau à tiroir où les mélodies se succèdent, virevoltent, donnent lieu à des échanges entre claviers/piano et guitare, sous forme de dialogue ou de parties communes. Des breaks et accalmies complexifient cette pièce qui accroche l'auditeur par sa structure complexe et son refrain accrocheur et mémorisable. Très bon choix pour ouvrir les hostilités. L'enfermement (les lois, les guerres, les frontières imperméables) est le thème de Destination Zero. L'introduction passe en rythmique impaire avant de céder la place à une accalmie (piano) et de repartir de plus belle dans une cavalcade avec joute entre guitare (avec basse « calée » dessus) et piano dans un tempo rapide et enlevé. Après un retour au thème principal et au chant (léger, enrichi de vocalises), une dernière envolée survient avant une fin abrupte. Something Hurts débute par un chant accompagné au piano avant l'entrée, majestueuse, de l'orchestre qui brode un motif musclé et très néo-progressif dans sa conception. La voix est magnifique et chante sa peine et sa souffrance sur une orchestration robuste avant un retour au calme (piano-voix) pour s'éteindre sur quelques dernières notes de clavier. Appuyée par la flûte, l'entrée en matière, douce et vespérale, de The Last Of Humankind ne laisse en rien présager l'arrivée d'une guitare saturée en shred avant que l'orchestre ne déboule au grand complet. Le tempo est rapide et le son plutôt « métal ». Break, avec piano bastringue, pour entrer dans une phase complexe à la structure un peu math rock. Le chant guide à nouveau la pièce vers une ambiance plus progressive (chœurs du plus bel effet) avec une mélodie bien marquée et une jolie intervention de guitare solo. La voix monte en toute fin pour s'arrêter brusquement, comme sur un cri. Il est vrai que ce morceau est très noir et véhicule un désespoir porté par India Hooi avec une grande conviction. Sur You Won't Have My Faith, la chanteuse débute son texte avec quelques notes de piano en appui avant que la pièce ne se structure. Elle évoque la tromperie, les promesses non tenues, le mensonge et la trahison. Morceau calme, mélodique, simple… qui se termine avec la dernière phrase mourante qui donne son titre à la chanson. Lament est une pièce orchestrale avec des vocalises prenantes. C'est très fin, presque aérien, chaque musicien jouant avec retenue. Un crescendo de voix mêlées/doublées donne une certaine majesté avec un finale en douceur. Psychic Equalizer, quintet au line-up stable, est en constante évolution. Les préoccupations humaines, philosophiques, écologiques, politiques des artistes imprègnent les chansons à travers des textes intelligents et poétiques. Musicalement, la diversité est au rendez-vous ainsi qu'un savoir-faire indéniable pour trousser des mélodies accrocheuses, surprendre par des développements inattendus, des trouvailles sonores, des contrastes étudiés, le tout avec un naturel parfait, une sorte d'osmose. L'écoute est un vrai moment de bonheur immersif et l'attention est maintenue sur la longueur. Les deux parties de Revealed se complètent à la perfection, jusque dans les visuels, et forment une œuvre achevée et soignée. [4½/5] [ Chronique d'Alain Bourguignon ] [ Revealed II sur Bandcamp ] [ Revealed I sur Bandcamp ] [ Revealed sur Amazon ] [ A écouter : The Astronomers (Revealed II) - Summer Clouds (Revealed I) - Unveiled (Revealed I) ] |
The Flying Caravan : I Just Wanna Break Even (2 CD / Digital / Bandcamp), Espagne, 11 janvier 2021 | |
1. Get Real (7:44) - 2. Flying Caravan (6:49) - 3. Upstream to Manonash (7:20) - 4. Love's Labour Mislaid (6:39) - 5. The Bumpy Road to Knowledge (16:45) - 6. A Fairy Tale for Grown-Ups, Part 1: Northern Lights (6:47) - 7. A Fairy Tale for Grown-Ups, Part 2: Change of Revue (5:05) - 8 .A Fairy Tale for Grown- Ups, Part 3: S.A.D. (Solitude Affective Disorder) (9:11) - 9. A Fairy Tale for Grown-Ups, Part 4: The World Had Turned Over (And I Couldn't Hold On) (4:42) - 10. A Fairy Tale for Grown-Ups, Part 5: Moonlight Labyrinth (3:52) - 11. A Fairy Tale for Grown-Ups, Part 6: Second Thoughts (2:57) - 12. A Fairy Tale for Grown-Ups, Part 7: The Sum of Your Fears (3:29) - 13. The Bumpy Road to Knowledge (16:56)
Antonio Vaiente (guitares); Izaga Plata (chant et voix); Pedro Pablo Molina (basse); José Sanchez (claviers); Lluís Mas (batterie, percussions) + Invités : Manuel Salido (saxophone); Juan Carlos Aracil (flûte); Jorge Aniorte (voix) Originaire d'Alicante, en Espagne, The Flying Caravan nous propose son premier album : I Just Wanna Break Even, disponible depuis le 11 janvier 2021. N'ayant peur de rien, ils pénètrent dans l'arène du rock progressif avec un double CD. La pièce d'ouverture, très blues et instrumentale, nous amène dans le vif du sujet avec un son catchy quand les claviers entrent dans la danse. Tel un hymne, The Flying Caravan pose les bases de ce qu'est le groupe. Upstream to Manonash lorgne vers Pink Floyd tandis que le chant d'Izaga Plata enjolive la chanson. Love's Labour Mislaid, avec sa guitare à la Santana, se démarque légèrement du reste. Avec ses 16 minutes, The Bumpy Road to Knowledge évoque un peu le King Crimson des débuts, la flûte et le saxo en plus. A Fairy Tale for Grown-Ups entame le second disque comme une suite en plusieurs parties : Northern Lights est un instrumental très réussi; introduit par la basse et la guitare bientôt rejointes par le chant d'Izaga, Change of Revue pose des questions existentielles; S.A.D. (Solitude Affective Disorder) continue ce cycle à la manière d'un Styx en pleine forme; The World Had Turned Over (And I Couldn't Hold On) avec une allusion à la rédemption se caractérise par un chant très doux; introduit par la basse rejointe par les claviers, Moonlight Labyrinth est un instrumental dominé par la guitare; Second Thoughts apparaît très lyrique avec une orchestration au top niveau. The Sum of Your Fears termine le cycle sur un beau duo chant/guitare. Retour enfin à The Bumpy Road to Knowledge dans une version alternative plus orchestrée. Si le néo-prog doit aller vers ce type de production ; je signe à deux mains. Tout, depuis les références des années 60-70 aux sons les plus modernes, se trouve magnifiquement exploité ici. Ce splendide double CD, basé sur des textes profonds et signifiants, extraordinairement orchestré, arrangé et produit par une formation débutante, annonce, espérons-le, une belle carrière discographique. En tout cas, si ceci n'est pas un grand disque, je n'y comprends plus rien ! [4½/5] [ Chronique d'Alain Bourguignon ] [ The Flying Caravan sur Bandcamp ] [ A écouter : Get Real - Flying Caravan - Upstream to Manonash ] |
Transatlantic : The Absolute Universe: Forevermore (extended version) (InsideOut Music / 2 CD), 2021 | |
CD 1 (47:12) : 1. Overture (8:11) - 2. Heart Like a Whirlwind (5:11) - 3. Higher Than the Morning (5:29) - 4. The Darkness in the Light (5:43) - 5. Swing High, Swing Low (3:48) - 6. Bully (2:11) - 7. Rainbow Sky (3:19) - 8. Looking for the Light (3:59) - 9. The World We Used to Know (9:21) CD 2 (43:02) : 10. The Sun Comes Up Today (5:38) - 11. Love Made a Way (prelude) (1:25) - 12. Owl Howl (7:05) - 13. Solitude (5:41) - 14. Belong (2:49) - 15. Lonesome Rebel (2:53) - 16. Looking for the Light (reprise) (5:12) - 17. The Greatest Story Never Ends (4:17) - 18. Love Made a Way (8:02) Neal Morse (chant, claviers, guitare acoustique); Roine Stolt (guitare électrique, chant), Pete Trewavas (basse, chant); Mike Portnoy (drums, chant) Le retour après 7 années de silence du vaisseau Transatlantic est une bonne nouvelle. Peaufiné via Internet pendant de longs mois après une rencontre initiale du groupe en Suède au mois de septembre 2019, l'œuvre en impose. Contrairement à Steven Wilson qui cherche à tout prix à trouver de nouveaux sons, quitte à sombrer dans le versant pop de sa musique, celle de Transatlantic reste du prog épique et puissant créé par quatre musiciens hors normes au sommet de leur art. Dans la ligne directe de The Whirlwind, The Absolute Universe: Forevermore est un projet monumental vaguement conceptuel à propos des conflits entre l'homme et la société actuelle mais dont les titres peuvent fort bien être écoutés séparément. Il existe une alternative à ce double CD : The Breath Of Life est une œuvre condensée de 90 à 60 minutes pour tenir sur un seul disque mais il est bon de savoir qu'il ne s'agit pas d'une version simplement éditée du double album mais bien de nouveaux enregistrements réalisés avec une approche différente et des textes modifiés. Laquelle des deux est l'achat prioritaire reste difficile à dire : le fait que la version longue a été éditée par Roine Stolt tandis que la courte est l'œuvre de Neal Morse vous donnera peut-être un indice. Dans les deux cas, les guitares flamboient, les claviers rutilent, la basse vrombit, la batterie enfonce les clous avec une redoutable efficacité et le chant comme les harmonies vocales sont au top : bref si les surprises par rapport aux opus précédents sont limitées, la musique est, quant à elle, absolument splendide et, avouons-le, c'est ainsi qu'on la préfère ! [4/5] [ Chronique de Pierre Dulieu ] [ The Absolute Universe: Forevermore (Extended Version) (CD / Vinyle / Digital) ] [ The Absolute Universe: The Breath of Life (Abridged Version) (CD / Vinyle / Digital) ] [ A écouter : The World We Used To Know (Forevermore, Extended Version) - Overture / Reaching For The Sky (The Breath Of Life, Abridged Version) ] |
Foreign : The Symphony Of The Wandering Jew Part II (Pride & Joy), France + Multinational, 4 décembre 2020 | |
1. Yerushalaïm (7:38) - 2. Rise 1187 (8:31) - 3. Mariner Of All Seas (6:01) - 4. Holy Lands (4:32) - 5. Eternity, Pt. III (1:36) - 6. Running Time (6:51) - 7. The Fountain (3:06) - 8. Mysteries To Come (5:58) - 9. Secrets Of Art (6:37) - 10. Symphonic Caress (6:08) - 11. Eternity, Pt. IV (1:30) - 12. Revolutions (6:18) - 13. Witness Of Changes (5:52)
Ivan Jacquin (chant, claviers, Piano, Orgue, Duduk, Orchestrations); Florian Pothiat (chant : 1, 6, 9, 10, 12); Thierry Marquez (chant : 1, 9, 10, 12); Jeannick "Jena K." Valleur (chant : 9, 12); Marie Desdemone Xolin (chant : 1, 6, 8, 9, 10, 12, 13); Stephane Van De Capelle (chant : 1, 4, 6, 9, 12); Zak Stevens (chant : 1, 2); Tom S. Englund (chant : 8); Amanda Lehmann (chant : 2, 3, Lead Guitars on 1); Emma Elvaston (chant : 6, 7, 8); Emmanuel Levy (chant : 6, 8); Andy Kuntz (chant : 9, 10); Fanny Deroy (chant : 12, 13); The Sirens of Time (Raphaël Favereaux, Patrice Duchêne, Benoit Hadengue, Florian Pot, Estelle Janod, Jeannick Valleur, Alexandra Poinsot, Florence Brusseaux) (chœur : 1, 2, 6, 10, 12, 13); Leo Margarit (drums : 1, 8, 11, 12); Thierry Charlet (drums : 6, 10, 13); Henri-Pierre Prudent (drums : 2, 9); Mike Lepond (basse : 8, 10):Jean-Philippe Ciman (basse : 1, 6, 9, 12, 13); Jean-Baptiste Chalmandrier (basse : 2); Olivier Gaudet (guitares : 1, 2, 6, 9, lead on 10, 12, 13); David Humbert (guitares : 8, 10); Patrice Culot (Lead Guitare : 2); Camille Borrelly (guitare Acoustique : 1, 2, 3); Rachel Ruaux (hautbois : 1, 4, 7, 9, 10, 12); Sonia Duval (violoncelle : 1, 3, 6, 10, 12); Didier Gris (violon alto : 2, 3, 12); Mathilde Armansin (violon : 6, 7, 10); Laurence Conort (flûtes : 2, 3, 11, 12, 13); Olivier Goyet (hammered dulcimer : 2, 7, 9); Christine Bulle (harpe on 3, 4, 10); Gregory Jolivet (vielle à roue : 5) L'introduction, très orientale, avec bruit de vent et mélopée de hautbois sur fond de violoncelle, s'amplifie via des percussions martiales pour évoluer vers un thème cinématique avant de céder la place à une pièce de rock opéra musclée avec voix multiples et chœurs incarnant les différents personnages de Yerushalaïm. Vous entrez - et ne pourrez pas en sortir facilement - dans The Symphony Of The Wandering Jew Part II de Foreign. Avant d'aller plus loin, un petit rappel est – peut-être – nécessaire. Foreign est le projet musical de Ivan Jacquin. Inspiré par le livre « Histoire du Juif errant » de Jean d'Ormesson (et du mythe de ce simple cordonnier, Ahasvérus, qui refusa un peu d'eau à Jésus marchant vers la mort et que la main divine punit en le rendant immortel), Ivan, qui est lui-même écrivain mais également musicien (au sein de Pulse, un tribute-band de Pink Floyd, Psychanoïa, métal progressif, et Amonya, trio acoustique) a travaillé cette trame originale en y ajoutant des personnages ... et s'est lancé dans un récit de 2000 ans ! Un premier disque a été réalisé qui a vu le jour en 2014. Il est le résultat de plusieurs années de cogitation, d'écriture, de composition et de l'engagement de 11 chanteurs, d'un chœur de 14 voix et de 18 musiciens pour une vingtaine d'instruments. Un monument. Nous voici donc en présence du second volet de ce rêve un peu fou qui rassemble tout de même 40 artistes et est encore plus travaillé et produit que le premier. Les musiciens « locaux » ont presque tous rempilés avec entrain et ont été rejoints par quelques pointures bien connues : Leo Maragarit (Pain Of Salvation, Epysode, For All We Know) à la batterie, Mike Lepond (Symphony X, Silent Assassins) à la basse, Zak Stevens (Circle II Circle, Savatage), Andy Kuntz (Vanden Plas), Tom S. Englund (Evergrey) et Amanda Lehmann (Steve Hackett Band) au chant. C'est qu'il faut du beau monde pour incarner 13 personnages et assurer un tel environnement musical grandiose, théâtral, contrasté et exotique. Les morceaux s'enchaînent idéalement en passant du rock progressif au métal, de la musique folklorique au classique, de l'emballement au calme, du chant éthéré aux voix agressives. Rise 1187 est lourd rythmiquement. La voix de Zak Stevens fait merveille dans la première partie qui se transforme en polyphonie joyeuse allant d'influences orientales en folk celtique, avec flûte et violon sur une assise de percussions et de claviers. Mariner Of All Seas offre un dialogue entre Ivan Jacquin et Amanda Lehmann sur une belle mélodie, calme, acoustique (guitare, violoncelle, violon, harpe, flûte) et légère. Le médiéval Holy Lands s'accorde parfaitement avec le hautbois et la harpe qui se détachent d'une orchestration aussi fine qu'une dentelle. Après la ritournelle tournoyante d'Eternity Part III, nous voici projeté en présence de François 1er, Mona Lisa et Nostradamus pour une pièce épique à 7 personnages avec chœur et musique entraînante : Running Time. Le rafraîchissant instrumental The Fountain apporte un apaisement bienvenu avant que ne déboule Mysteries To Come, tous claviers dehors, pour une chanson au tempo soutenu qui ne déparerait pas un album d'Ayreon. Une narration nous mène ensuite à Secret Of Art et à une rencontre avec Shakespeare et Mozart. C'est riche, bien contrasté, mêlant des parties énergiques avec d'autres plus apaisées. Symphonic Caress est un titre trompeur tant cette chanson, portée par un rythme appuyé et des chœurs scandés, est heavy et groovy avec, via une jolie transition, une partie centrale retenue qui précède l'envolée finale et le retour du motif tournant dans Eternity Part IV. Un violon pendant quelques secondes, un chœur scandé court, un chant déclamatoire et c'est parti pour Revolutions, un morceau très contrasté, complexe et puissant. Les atmosphères se succèdent avec onctuosité tant les arrangements sont polis. La magnifique interaction des voix qui explosent à l'unisson fait place à Witness Of Changes et à un chant féminin rejoint par celui, masculin, du personnage principal, le tout sur des chœurs appuyant le rythme. Cette dernière pièce est dans un premier temps plus typée rock '80 avant de glisser vers plus de lyrisme et de se terminer de manière plutôt opératique. Construite d'une façon identique au premier volet, cette suite logique et chronologique s'intègre parfaitement dans le schéma d'une trilogie. La qualité est époustouflante et peut être mise au même niveau que les meilleures productions des cadors du genre! Bref, voici un album indispensable pour les passionnés de réalisations complexes et intelligentes. [4½/5] [ Chronique d'Alain Bourguignon ] [ The Symphony Of The Wandering Jew, Pt. II (CD / Digital) ] [ The Symphony Of The Wandering Jew, Pt. I sur Bandcamp ] [ A écouter : Rise 1187 - Symphonic Caress ] |
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