Littérature et Jazz

Anne Arc, Nicole Bertolt, Eric Brogniet, Serge Chamchinov
Daniel Droixhe, François Emmanuel, Béatrice Libert
Pierre Mertens, Yves Namur et Jean-Claude Vantroyen


Académie royale de Langue et de Littérature françaises. Éditions de l'Académie, 2024

(Et la musique qui va avec !)




Le Livre


Littérature et Jazz


La Chronique


Le 4 novembre 2023, l’Académie royale de Langue et de Littérature françaises de Belgique organisait au Palais des Académies un colloque intitulé « Littérature et jazz ». Les différentes contributions présentées à cette occasion sont regroupées dans le présent ouvrage.

Certes, si on ne peut pas passer sous silence le caractère quelque peu académique de la publication, on s’y plonge avec d’autant plus de plaisir que le sujet est abordé sous des angles aussi différents que passionnants. A sa lecture, on comprendra encore mieux que la Belgique a été une terre où le jazz a trouvé très tôt une reconnaissance dans le monde intellectuel. Ainsi, la contribution d’Anne Arc et de Serge Chamchinov nous apprend que le poème « Jazz Métaphysique » de l’auteur flamand Paul van Ostaijen est un des premiers poèmes sur le jazz publié en Europe. Quant à Eric Brogniet et Yves Namur, ils nous rappellent très justement que deux auteurs belges aussi prestigieux que Carlos de Radzitzky et Robert Goffin ont été parmi les premiers à donner au jazz ses lettres de noblesse. L’un et l’autre furent des amis proches. Pour le premier, note Eric Brogniet, il n’y a d’ailleurs pas de rupture entre l’écriture poétique, le collage et le jazz. Connu pour des recueils de poésie tels que « Dormeuse » et « Ophélie », Carlos de Radzitzky, homme de radio et chroniqueur, s’est impliqué dès 1982, dans la création d’un projet de musée dédié au jazz, musée qui deviendra la désormais bien connue Maison du Jazz à Liège. Pour les fins connaisseurs du jazz, on ne présente plus Robert Goffin, l’auteur d'« Aux frontières du Jazz ». Ami de Louis Armstrong et Citoyen d’honneur de la Nouvelle-Orléans, il fut un des premiers européens (sinon le premier) à plonger dans les racines de cette musique qui, selon lui, est intrinsèquement rivé à deux mots : improvisation et transe… Auteur du recueil bien nommé « Jazz-Band », publié en 1922 et préfacé par Jules Romains, il évoque avec passion et lyrisme le monde du jazz et les bars, ces « salles profondes où le jazz-band trépigne » (Extrait du poème « Tangences »).

On lira également avec un plaisir non dissimulé la nouvelle de Pierre Mertens « Tombeau pour Dave Brubeck » parue en 1977 dans le recueil « Nécrologies », une nouvelle dans laquelle l’auteur belge nous confie que Take Five n’est pas son air favori mais écrit-il : « c’est tout simplement, le seul qui parle de moi ; c’est l’indicatif de ma vie ». Plus interpellant est l’article de Daniel Droixhe « Musiques noir. Jazz, blues, racisme et modernité chez Georges Duhamel et Luc Durtain (1930-1931) » qui met en avant le fait que le jazz fut bien une musique habillée de noir si l’on en croit cette affirmation « Et qui donc, si ce n’est un Noir, saurait tirer du nouveau monde une pure note musicale ? ».

Légitimement, la question suivante peut être posée : le jazz a-t-il influencé la littérature ou est-ce l’inverse ? Immanquablement, la réponse nous conduit à évoquer Boris Vian comme le fait avec beaucoup d’à-propos Nicole Bertolt. Mais le sujet est bien plus vaste encore. On peut alors s’en référer à la contribution de Béatrice Libert sur l’écriture jazzée de Christian Gailly, l’auteur d'« Un soir au club » et celle de François Emmanuel « Jazz et principe d’amphibologie littéraire chez Lou Summerfield ».

En prologue, Jean-Claude Vantroyen, journaliste qui, dans les colonnes du Soir, donne au jazz toute la place qu’il mérite, pose cette question : « Comment ne pas rapprocher littérature et jazz quand on sait que cette musique est née des souffrances du peuple afro-américain traité en esclave, comme un chant d’aspiration à la liberté ». Et ce sont bien ces mots qui résonnent tout au long de cet ouvrage qui est le fruit d’une initiative venue d’une institution qu’on n’associe pas nécessairement à une musique telle que le jazz !

[ Chronique par Albert Drion ]



La Musique

[ Sélection proposée par Albert Drion ]


Qu’écouter en lisant cet ouvrage ?

De nombreux musiciens réputés de la scène jazz sont cités dans l’ouvrage. Ils peuvent donc être utilement les fils conducteurs de la sélection musicale. Lors du colloque, le saxophoniste baryton Georges Tirtiaux a assuré l’accompagnement de la présentation « Jazz et Principe d’Amphibologie littéraire » de François Emmanuel. Ce musicien belge trouve donc naturellement sa place dans la sélection musicale. On l’écoutera avec l’ensemble Mikmâäk. Et au final, on appréciera le pianiste liégeois Igor Gehenot qui a clôturé le colloque par une prestation, qui, nous a-t-on appris, a fait l’unanimité auprès de tous les participants !

Jean-Claude Vantroyen cite l’extrait d’un poème de Jack Kerouac écrit à la mort de Charlie "Bird" Parker : « Dans la grande nuit historique du monde / Il fait gémir son petit saxophone / L’alto, lamentation claire et perçante / Accord parfait et harmonie brillante ».

Béatrice Libert nous apprend que Christian Gailly ira jusqu’à donner à son héros le nom de Nardis emprunté à un titre de Bill Evans.

François Emmanuel : « Après cet instant d’extase, il y eut So What, Body and Soul, puis la version chaude de Beautiful Love ».

Yves Namur cite Robert Goffin dans ses chroniques d’outre-chair : « Je marche sans plus savoir si je suis du temps d’Armstrong ou de 1974 ».

Nicole Bertolt : …. « Puis c’est au tour de « J’irai Craché sur vos Tombes » d’être publié, roman écrit sous un pseudonyme et dénonçant le problème racial aux Etats-Unis, se ralliant ainsi à la jeune chanteuse Billie Holiday qu’il [Boris Vian] apprécie sans restriction et dont il passe inlassablement la chanson Strange Fruit qu’elle interprète dès 1939 ».

Nicole Bertolt : « …bien plus tard, Vian et Salvador en feront une chanson : Trompette d’occasion ».

Pierre Mertens : « Ce soir-là précisément, j’ai encore préféré écouter treize fois de suite Take Five par Dave Brubeck ».



Bill Evans : NardisBill Evans : NardisColeman Hawkins : Body & Soul


Billie Holiday : Strange FruitLouis Armstrong : St. Louis BluesDave Brubeck Quartet : Take Five


Henri Salvador : Blouse du dentisteIgor Gehenot Trio : Road StoryMikMâäk : #2



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