Fusion et Jazz Electrique


- Partie III -


[ Partie I - Partie II ]





"Je suis désolé que nous ne puissions pas apprécier la magie
de la musique qu'il aurait produite s'il avait vécu plus longtemps...
Il n'y a eu personne comme Jaco, avant ou après lui."
(Peter Erskine à propos de Jaco Pastorius dans Jazz Magazine, N°670, mars 2015)



  1. Miroslav Vitous : Infinite Search / Mountain In The Clouds (Atlantic), 1970. Bassiste virtuose né à Prague en 1947, Miroslav Vitous fut l'un des membres fondateurs de Weather Report qu'il créa avec Joe Zawinul en 1970 et dont il fut évincé trois années plus tard pour divergence musicale. Il a aussi enregistré d'excellents albums sous son nom dont les premiers relèvent plus particulièrement de la fusion électrique. Produit par Herbie Mann avec qui il a joué sur Memphis Underground, Mountain In The Clouds (initialement baptisé Infinite Search) a été enregistré avant l'aventure Weather Report. En compagnie de John McLaughlin, Joe Henderson, Herbie Hancock, Jack DeJohnette et Joe Chambers, le bassiste y fait l'apologie de l'improvisation interactive et produit un premier disque sous son nom qui est un petit bijou. Réalisé dans la foulée, le rare et mythique Purple (Columbia, 1970), avec Billy Cobham, Joe Zawinul et John McLaughlin, est encore d'un excellent niveau. Par contre, Magical Shepherd (Warner Bros.) enregistré en 1976 après son éviction de Weather Report est beaucoup moins réussi. En dépit de la participation de Herbie Hancock, Jack DeJohnette et Airto Moreira, la musique se révèle funky mais répétitive et sans imagination. A l'époque Vitous s'était fait construire un instrument hybride à deux manches combinant basse et guitare qu'on peut voir sur la pochette de l'album mais dont il ne tire rien de bon, confirmant ainsi l'avis de Zawinul qui le considérait comme incapable de jouer du funk. Miroslav Vitous abandonnera définitivement sa double guitare peu de temps après et reviendra sagement dans la suite de sa carrière à des formules acoustiques.
    [ Infinite Search [Reissue] ] [ Purple ] [ Magical Shepherd ]



  2. Brand X : Livestock (Charisma), 1977. Même si Brand X était au départ un projet spin-off permettant à Phil Collins de jouer de la batterie dans un contexte différent de Genesis, il n'en reste pas moins que ce groupe, qui incluait aussi le guitariste John Goodsall (Atomic Rooster), le claviériste Robin Lumley aux claviers, et le bassiste fretless Percy Jones (Soft Machine), était avec Nucleus l'un des meilleurs représentants du style jazz fusion en Angleterre. Mixant passages mélodieux et/ou atmosphériques avec d'autres percussifs parfois frénétiques, la musique de Brand X s'inscrit dans la ligne du Mahavishnu Orchestra et plus encore dans celle de Weather Report mais avec une sensibilité typiquement britannique. Cet album permet de les entendre sur trois titres captés en concert en 1977 dans différentes salles londoniennes et sur trois autres plages enregistrées en studio. Sur deux des morceaux live, Collins, retenu par ses engagements, est remplacé par Kenwood Dennard, un excellent batteur qui accompagna Pat Martino et participera en 1991 au fameux Live At Montreux avec Miles Davis et Quincy Jones. A écouter aussi les deux excellents premiers disques de Brand X enregistrés en studio avec Phil Collins : Unorthodox Behaviour (Charisma, 1976) et Moroccan Roll (Charisma, 1977).
    [ Unorthodox Behaviour ] [ Maroccan Roll ] [ Livestock ]



  3. Né en 1963 en Australie, le guitariste Brett Garsed a rapidement été associé au jazz rock, en enregistrant en 1991 avec Frank Gambale et Shawn Lane pour le projet de Mark Varney (Centrifugal Funk, Legato), en s'associant ensuite avec le guitariste T. J. Helmerich au sein de Quid Pro Quo (Quid Pro Quo, Legato, 1992; Exempt, Legato, 1994) et d'Uncle Moe's Space Ranch (2001), et enfin en participant aux disques du claviériste Derek Sherinian (Planet X, Magna Carta, 1999; Molecular Heinosity, Inside Out, 2009) et de Planet X (Quantum, Inside Out, 2007). Il est aussi l'auteur de deux productions en trio sous son propre nom : Big Sky (Paranormal Records) en 2002, plus rock et incluant des chansons aux structures plus classiques, suivi en 2011 de Dark Matter (Indépendant) plus progressif et fusionnel. Véritable virtuose de l'instrument sur lequel il a développé un phrasé legato dans un style de picking hybride époustouflant, Garsed y fait aussi preuve d'un réel talent pour la composition. Quelque part entre le rock acrobatique de Steve Vai et une fusion instrumentale subtile et mélodique, cette musique qui n'est décidément pas réservée qu'aux seuls guitaristes se révèle particulièrement attachante.
    A écouter en priorité : Hey T Bone sur Centrifugal Funk du Mike Varney Project; Punch Line de Quid Pro Quo par Garsed/Helmerich; Fu'd Fight sur Big Sky; Android, James Bong et Closure sur Dark Matter. Mais aussi en plus heavy & métal : Kingdom Of Dreams sur Quantum du groupe Planet X ainsi qu'Atlantis sur Planet X et Primal Eleven sur Molecular Heinosity, deux albums de Derek Sherinian. Sans oublier, bien sûr, l'intégralité des deux disques 100% fusion de Uncle Moe's Space Ranch, déjà référencés ailleurs dans ces pages..
    [ Quid Pro Quo ] [ Mark Varney Project : Centrifugal Funk ] [ Big Sky ]
    [ Dark Matter ] [ Derek Sherinian : Planet X ] [ Planet X : Quantum ]

    Brett Garsed : Dark MatterPlanet X : QuantumDerek Sherinian : Planet X



  4. A côté de Tony Williams, Billy Cobham et Alphonse Mouzon, le quatrième grand batteur de la fusion est incontestablement Lenny White dont la profusion polyrythmique paraît sans limite et dont le jeu démonstratif s'adapte particulièrement bien au jazz-rock électrique. On peut bien sûr l'écouter sur les albums légendaires du genre auxquels il a contribué comme Bitches Brew de Miles Davis (1969), Blackstone Legacy de Woody Shaw (1970), Children Of Forever de Stanley Clarke (1973), Red Clay de Freddie Hubbard, Land Of The Midnight Sun de Al Di Meola (1976) ou The Romantic Warrior de Return To Forever (1976) mais on pourra aussi avantageusement prêter une oreille à ses propres productions parmi lesquelles Venusian Summer (Nemperor, 1975) qui met en exergue les capacités du leader en matière de composition (Prince Of The Sea avec pour une unique fois, Di Meola et Larry Coryell galopant côte à côte) suivi de près par le bizarre The Adventures Of Astral Pirates (Elektra, 1978), un album mâtiné de rock (Heavy Metal Monster) et de R'N'B (Universal Love) bâti autour d'un concept de science-fiction. On complètera l'écoute de ces deux œuvres séminales des années 70 par celle d'Anomaly,sorti sur Abstract Logix en 2010, une superbe production qui en dépit de son ancrage global dans le style fusion, inclut à nouveau des moments progressifs (Election Day, Anthem), jazz (Dark Moon) et funky / R'N'B (Drum Boogie, Forever).
    [ Venusian Summer ] [ The Adventures Of Astral Pirates ] [ Anomaly ]

    Venusian SummerThe Adventures Of Astral PiratesAnomaly



  5. Le Britannique Bill Bruford est d'abord célèbré pour avoir été le batteur de deux groupes de rock progressif légendaires, King Crimson et Yes, avec lesquels il a enregistré quelques albums mythiques comme Larks' Tongues In Aspic, Red, Fragile et Close To The Edge. Mais, outre le fait qu'il a aussi joué avec UK et Genesis, Bruford a également réalisé de nombreux albums sous son nom ou sous celui d'Earthworks, ou encore en association avec d'autres musiciens comme Patrick Moraz, Tony Levin, Kazumi Watanabe et David Torn dont certains appartiennent au genre fusion. Parmi les meilleurs, on retiendra One Of A Kind (EG Records, 1979), avec Allan Holdsworth à la guitare et Dave Stewart aux claviers, sur lequel sa technique de jeu complexe combinée à la virtuosité du bassiste Jeff Berlin fait des merveilles. Ce jazz-rock mélodique et stimulant est reconduit avec succès sur l'album suivant, Gradually Going Tornado (EG Records, 1980), même si l'absence d'Allan Holdworth s'y fait sentir. Pour le remplacer, ce dernier a en effet recommandé un de ses élèves, un jeune guitariste inconnu nommé John Clark dont l'objectif était clairement de se substituer au maître, ce qu'il parvient à faire plus ou moins bien sur un plan purement technique. Toutefois, un clone ne sera jamais comme l'original qui pouvait à tout moment (et ne s'en privait guère) faire surgir l'inattendu sur sa six-cordes. En dépit de cette lacune, Gradually Going Tornado offre d'excellents moments : en particulier grâce à Dave Stewart (Egg, Hatfield and the North, National Health) qui s'y révèle un excellent compositeur doublé d'un claviériste curieux ayant adopté les nouvelles technologies et absorbé les expériences antérieures de Joe Zawinul et de Keith Emerson.
    [ One of a Kind ] [ Gradually Going Tornado/The Bruford Tapes ]

    One Of A KindGradually Going Tornado



  6. Parmi la nouvelle génération des batteurs de fusion, il faut certainement compter avec Gergo Borlai. D'origine hongroise, ce talentueux musicien à la frappe torride ne jure que par Weather Report, Mahavishnu Orchestra et Allan Holdsworth. Des références qui sont évidentes à l'écoute de son excellent album M.M.M. (Autoproduction) sorti en 2010. En plus de quelques compatriotes dont l'excellent guitariste Peta Lukacs qui prend un solo d'anthologie sur Alien Vs. Waltz, Borlai a aussi invité quelques pointures du genre : Matthew Garrison et Gary Willis à la basse ainsi que le claviériste Scott Kinsey qui fait son Joe Zawinul sur un titre (chacun de ces trois invités prestigieux donne son nom à la pièce de musique sur laquelle il est mis en valeur). Et comme Borlai se révèle aussi un compositeur intéressant, on évite la caricature pyrotechnique si bien qu'aucun amateur de jazz-rock, soit-il nostalgique des années 70 et 80, ne devrait être autorisé à zapper cette moderne et flamboyante production. On poura prolonger son plaisir en écoutant aussi le compact que Borlai a enregistré en trio avec le bassiste norvégien Per Mathisen et le guitariste italien Ruggero Robin (Mathisen - Robin - Borlai : Ospitalita Generosa, Alessa Records, 2015) : c'est encore un album explosif bourré de funk et de Jazz-rock musclé par trois musiciens virtuoses entre lesquels le courant a manifestement circulé.
    [ M.M.M. ] [ Ospitalita Generosa ]

    Gergo Borlai : MMMMathisen - Robin - Borlai : Ospitalita Generosa



  7. Médéric Collignon : Shangri Tunkashi-La (Plus Loin Music / Harmonia Mundi), 2010. Le groupe Jus de Bocse de Médéric Collignon a pour vocation de restituer des chefs d'œuvre du passé après les avoir soumis à une digestion personnelle mais sans toutefois en dénaturer ni l'esprit ni la puissance d'expression originale. Après un premier hommage à Porgy and Bess, l'opéra de George Gershwin dans la version de Miles de 1959, qui sera couronné en 2007 par les Victoires du Jazz en tant que révélation de l'année, Collignon s'est attaqué à la période électrique de Miles Davis. Les célèbres Bitches Brew et Shhh Peaceful sont bien sûr convoqués mais aussi d'autres titres bien connus des amateurs comme Mademoiselle Mabry (Filles De Kilimanjaro), Interlude (Agharta), Billy Preston (Get Up With It), Early Minor (In A Silent Way Sessions), Nem Um Talvez (The Jack Johnson Sessions / Live Evil) et Ife (Big Fun). Et pour chacun d'entre eux, c'est l'extase tant Collignon injecte dans ces standards modernes de nouvelles idées, jouant avec une folle audace de son cornet de poche à pistons, squattant de façon inattendue en d'improbables vocalises ou enrobant les dérives modales dans de subtils arrangements qui leur procurent de nouvelles couleurs (écoutez par exemple les quatre cors jouant à l'unisson sur le très aérien Early Minor dans une esthétique évoquant Joe Zawinul). Des couleurs d'ailleurs bien différentes des originaux puisqu'on ne trouvera ici ni guitare, ni saxophone, ni aucun instrument exotique à part la voix utilisée comme on ne l'a jamais entendue auparavant (on se dit parfois que Collignon aurait pu jadis faire carrière comme bruiteur de dessins animés pour Tex Avery). Mais la pulsation funk est là, brûlante et toujours hypnotique, nourrie par la rythmique et le Fender Rhodes de Frank Woeste. Intense aussi est le groove, d'autant plus que les plages ont été repensées avec une concision qui rend caduque l'intervention ultérieure d'un manipulateur externe comme Teo Macero. Le répertoire se referme sur ce qui pourrait paraître comme une intrusion : une version instrumentale du grandiose Kashmir de Led Zeppelin qui figurait sur Physical Graffiti sorti en 1975. En fait, le choix est logique : la chanson est imprégnée d'influences indiennes et moyen-orientales et elle représente une sorte d'apothéose de la chanson rock, un achèvement, un idéal que Miles lui-même aurait bien voulu atteindre (fasciné par Jimi Hendrix, ne répétait-il pas à l'époque qu'il voulait créer le plus grand groupe de rock du monde ?). A la fois pétri d'humour et de respect, Shangri-Tunkashi-La est un hommage brillant à une période mythique de l'histoire de la musique populaire. Même la pochette, énigmatique et haute en couleurs, tranche allègrement sur les productions de jazz moderne en redécouvrant le mysticisme fantastique et un poil psychédélique du grand Mati Klarwein.
    A écouter aussi : A La Recherche Du Roi Frippé (Just Looking Productions, 2012) dans lequel Collignon revisite à sa manière l'univers du groupe de rock progressif King Crimson. Moins typiquement "fusion" que dans Shangri Tunkashi-La, l'album est cette fois plus dense et même parfois agressif dans l'esprit original de la musique de Robert Fripp mais il n'empêche que cette flamboyante relecture entre jazz et rock est une expérience aussi réussie qu'inclassable.
    [ Shangri Tunkashi La ] [ A La Recherche Du Roi Frippé ]

    Shangri Tunkashi-LaA La Recherche Du Roi Frippé



  8. Jaco Pastorius : The Essential Jaco Pastorius (Epic / Sony), 2007. Il y a tout juste vingt ans, le 21 septembre 1987, Jaco Pastorius disparaissait au terme d'une ascension fulgurante qui l'avait fait reconnaître par tous comme le plus grand bassiste électrique de l'histoire de la musique populaire, tous genres confondus (Jaco a en effet participé à des enregistrements d'artistes aussi divers que Pat Metheny, Weather Report, Joni Mitchell, Ian Hunter, Al DiMeola ou même Michel Polnareff). Pour célébrer dignement l'anniversaire de sa mort tragique et donner un aperçu de sa véritable dimension, il fallait au minimum un album double et une sélection transversale à travers les méandres de ses nombreuses contributions (ce qui est toujours compliqué vu les droits détenus par les différents labels impliqués). En tout cas, cette compilation éditée par Epic et distribuée par Sony réussit le tour de force de rassembler sur deux disques 27 titres essentiels pour comprendre comment ce bassiste à la présence magnétique transformait tout ce qu'il jouait en une symphonie organisée autour de sa basse fretless. On y trouvera ainsi Bright Size Life enregistré pour ECM en 1975 avec Pat Metheny qui lui offrit sa véritable première chance de briller. Et Jaco a brillé avec une incontestable présence le hissant au même niveau de présence que l'immense guitariste encore inconnu à l'époque. Viennent ensuite sept extraits (sur neuf) de son premier album personnel (Jaco Pastorius, Epic 1976) avec des titres devenus aujourd'hui des standards obligés pour tous les bassistes du monde : Donna Lee de Charlie Parker interprété en duo avec des congas, Come On, Come Over en forme d'hommage à James Jamerson et à la Soul des 60's, l'incroyable Continuum où beauté mélodique et virtuosité technique se côtoient avec bonheur ou le mélancolique Portrait Of Tracy dédié à sa femme. Une large part du répertoire est bien sûr réservée à son passage fulgurant dans le fameux groupe de fusion Weather Report créé par Joe Zawinul et Wayne Shorter : Barbary Coast, Punk Jazz, Teen Town, Havona, Birdland, tous des classiques … sans oublier le fameux Slang sur lequel le bassiste de plus en plus frénétique et incontrôlable s'impose en concert comme le Jimi Hendrix de la basse électrique. Fort heureusement, son passage chez la chanteuse de folk-rock canadienne Joni Mitchell n'est pas occulté : ici, Jaco se fait plus humble en comparaison de ses excès scéniques mais sa musicalité explose et procure une dimension onirique à ces chansons intimistes (Hejira, Talk To Me, The Dry Cleaner From Des Moines). On y trouvera même le superbe 4 A.M. figurant sur Mr Hands enregistré en sideman pour Herbie Hancock (Columbia, 1980). Enfin, le disque se termine avec des extraits de son second grand album personnel en studio : Word Of Mouth (Warner Bros, 1981). Jaco s'affirme alors un orchestrateur hors pair et enroule sa basse dans un somptueux big-band, léguant à la postérité des chefs d'oeuvre comme John And Mary, Liberty City ou Three Views Of A Secret. Si vous n'avez encore aucun disque de ce phénomène nommé Jaco Pastorius, tentez le coup avec cette compilation : non seulement le livret est fort bien documenté et le choix des titres judicieux (même s'il manque Blackbird et Chromatic Fantasy), mais surtout, du premier au dernier bit de ces deux compacts, il n'y a rien, absolument rien, à jeter.
    [ The Essential Jaco Pastorius ]



  9. Dans les années 70, le succès des disques de fusion a entraîné certains musiciens plus classiques à se renouveler et à enregistrer du jazz électrique en compagnie d'artistes spécialisés dans ce domaine. Tous n'ont pas réussi à produire une musique mémorable mais certains y sont quand même parvenus, laissant dans leur discographie quelques albums qui, pour atypiques qu'ils soient, comptent parmi leurs plus belles réussites.

    Ainsi, Stan Getz, une fois le vent de la bossa-nova retombé, s'est-il tourné en 1972 vers Tony Williams et Chick Corea, qui est venu avec la rythmique de son groupe Return To Forever (Stanley Clarke et Airto Moreira), pour enregistrer le magistral Captain Marvel (Columbia, 1974). Le mariage du saxophone ténor et de l'environnement électrique fonctionne à merveille, conduisant à de splendides morceaux latins pleins de panache (La Fiesta, Captain Marvel) comme seuls Corea sait en écrire. [ Captain Marvel ]

    En 1970, le saxophoniste Eric Kloss s'associe avec le guitariste Pat Martino, le pianiste Chick Corea, le bassiste Dave Holland et le batteur Jack DeJohnette pour enregistrer Consciousness (Prestige, 1970), un album qui préfigure la fusion des années 70. Il y reprend notamment Sunshine Superman de Donovan dans une version funky avec un Martino électrisé et un Corea hallucinant au Fender Rhodes. [ Eric Kloss & The Rhythm Section ]

    Entre sa période bop des années 60 et sa réincarnation tardive en grand maître des standards, le saxophoniste Joe Henderson eut lui-aussi sa période fusion dans les années 70 au cours de laquelle il a enregistré cet excellent Multiple (Milestone Records, 1973). En compagnie de Dave Holland à la basse électrique ou acoustique, de Jack DeJohnette à la batterie et de Larry Willis (futur membre de Blood Sweat & Tears que Henderson vient par ailleurs de quitter) au Fender Rhodes et aux synthés, plus un guitariste sur deux titres, Henderson souffle son âme comme s'il voulait changer le monde dans une furia urbaine de sonorités chauffées à blanc, quelque part entre fusion funky, free jazz et retour vers l'Afrique. [ Multiple ]

    En 1977, Chet Baker est placé par le producteur Don Sebelsky dans un contexte qui lui est peu familier : des arrangements inattendus, des compositions différentes de son répertoire habituel (Un Poco Loco) et l'embrigadement d'un groupe de spécialistes plus accoutumés à la fusion moderne qu'au jazz classique dont Michael Brecker, John Scofield, Alphonso Johnson, Ron Carter et Tony Williams. Le projet était certes risqué mais c'était sans compter sans le talent et le pouvoir d'adaptation exceptionnel de Chet qui transcende son environnement électrique et enregistre l'un des meilleurs disques de la décennie (You Can't Go Home Again, A&M Records, 1977). [ You Can't Go Home Again ]

    Stan Getz : Captain MarvelEric Kloss : ConsciousnessJoe Henderson : MultipleChet Baker : You Can't Go Home Again



  10. Scott Kinsey, c'est bien sûr d'abord le claviériste de Tribal Tech, une position occupée pendant 22 années qui l'a largement fait connaître à travers le monde. Influencé et adoubé par Joe Zawinul, Kinsey a assumé pleinement cet héritage en devenant aussi le directeur musical du Zawinul Legacy Band fondé par le fils aîné de Joe, Tony Zawinul. Après avoir prêté son talent à des artistes aussi divers que Kurt Rosenwinkel, Robben Ford ou le saxophoniste Bill Evans, et collaboré à une kyrielle de bandes sonores de films comme Ocean's Eleven et ses deux séquelles, il a finalement émergé tardivement comme leader de ses propres albums. Son opus majeur reste à ce jour Kinesthetics (Abstract Logix, 2006) qui marie avec bonheur la fusion du Miles Davis des années 60 et 70 avec celle de Weather Report et regroupe quelques pointures du genre comme, entre autres, Gary Willis, Jimmy Earl, Scott Henderson, Alex Acuna, Vinnie Colaiuta et Michael Landau sans parler de Joe Zawinul lui-même crédité comme producteur exécutif. Mais on écoutera aussi le plus récent et ambitieux Near Life Experience (Abstract Logix, 2016) réalisé avec un équipage de vétérans tout aussi efficaces parmi lesquels on retiendra Gergo Borlai, Tim Lefebvre Kirk Covington, Hadrien Feraud, Michael Landau et Steve Tavaglione. Kinsey y révèle sa science des synthés, sa maîtrise des textures et son appétence naturelle pour les mélodies et les rythmes des musiques du monde qu'il pétrit et restitue dans son style personnel... comme l'avait si bien fait Joe Zawinul avant lui.
    [ Scott Kinsey : Kinesthetics ] [ Near Life Experience ]



  11. De 1966 à 1978, la production de Larry Coryell a été constamment innovante, l'homme ayant largement contribué à définir une musique de fusion entre rock et jazz via l'enregistrement d'albums légendaires comme Lady Coryell (1969), Spaces (1970), Barefoot Boy (1971) et Introducing The Eleventh House (1974). Par la suite, la production du guitariste est devenue plus éclectique, sinon erratique, incluant des oeuvres acoustiques enregistrées en solo (Scheherazade, Bolero, Dragon Gate) ou encore toute une série de disques mainstream parus sur le label HighNote (Monk 'Trane Miles & Me, New High, Cedars Of Avalon...). Il est toutefois revenu régulièrement à la fusion électrique via quelques albums de bonne facture qui valent bien la peine d'être explorés. En 1997, Spaces Revisited (Shanachie) est un superbe album de fusion pure réalisé en compagnie de trois pointures du genre : le guitariste Bireli Lagrène, le bassiste Richard Bona et le batteur Billy Cobham. Sorti en 1998, Cause And Effect (Tone Center) voit le guitariste vétéran s'associer à deux musiciens de la seconde génération du style fusion, le batteur Steve Smith (Tony MacAlpine, Vital Information) et Tom Coster (Santana, Vital Information), pour une session quasi improvisée en studio. L'absence de mélodies fortes est largement compensée par l'énergie du trio et les fabuleuses envolées de Coryell dont le grain de folie, dissimulé au fil des ans, refait surface de plus belle dans ce contexte particulier. Et plus récemment, en 2016, l'excellent Heavy Feel (Wide Hive Records) renoue une dernière fois avec le jazz-rock, la guitare électrique au son acide et distordu faisant des merveilles sur des titres denses et concis comme Ghost Note, le bluesy Polished, le déjanté et funky Sharing Air ou encore sur le rock du titre éponyme drivé par une guitare wah-wah psychédélique.
    [ Cause And Effect ] [ Heavy Feel ]

    Cause And EffectHeavy Feel



  12. Allan Holdsworth : The Sixteen Men Of Tain (Gnarly Geezer / JMS–Cream), 2000. Si Metal Fatique et Secrets sont incontestablement les deux opus majeurs en solo du guitariste Allan Holdsworth, The Sixteen Men of Tain vient tout de suite après comme un troisième choix évident. Enregistré fin 1999 après deux disques un peu moins réussis (Heavy Machinery, avec les frères Anders et Jens Johansson, et None Too Soon), l'album offre neuf nouvelles compositions mettant en exergue son style de guitare fluide et complexe ainsi que son approche toute personnelle de la synthaxe (cette fameuse guitare-synthé mise au point en Angleterre au milieu des années 80 et dont il fut avec Lee Ritenour l'un des plus fidèles adeptes). Pour la première fois, Holdsworth a fait appel à un bassiste acoustique (Dave Carpenter) et à un trompettiste (Walt Fowler) en invité sur deux morceaux (O274 et Texas). Si le fidèle batteur Chad Wackerman affiche toujours présent sur l'excellent Downside Up, c'est Gary Novak qui officie ailleurs avec un jeu terriblement sophistiqué, notamment sur The Drums Were Yellow, un fantastique duel entre guitare et batterie en hommage à Tony Williams qui fut autrefois le patron du guitariste (sur Believe It). Bien qu'il ne savait ni lire ni écrire la musique, Allan Holdsworth était un guitariste singulier et novateur non seulement dans sa manière legato d'improviser en solo, que l'on pourrait comparer à celle de John Coltrane, mais aussi au niveau du son, de l'architecture de ses compositions, et de ses progressions d'accords très sophistiquées et quasiment impossibles à imiter. Un peu plus poli et moins rock que d'autres productions, The Sixteen Men Of Tain explique en long et en large pourquoi Allan Holdsworth, décédé le 16 avril 2017, continuera encore longtemps à inspirer les nouvelles générations de guitaristes électriques, que ce soit en prog, en jazz ou en fusion.
    [ The Sixteen Men of Tain ]
    [ A écouter : The Drums Were Yellow - The Sixteen Men Of Tain (full album) ]



  13. Au moment où le jazz s'embrasait avec la sortie de In A Silent Way et Bitches Brew, Wayne Shorter décida lui aussi d'élargir sa palette hard-bop et de tenter l'expérience fusionnelle. Mais il le fit à sa manière avec une approche avant-gardiste totalement fraîche et imprévisible, préférant le saxophone soprano au ténor et recourant aussi bien aux services de John McLaughlin que de Sonny Sharrock, intégrant Jack Dejohnette, le percussionniste brésilien Airto Moreira, le bassiste Miroslav Vitous et même Chick Corea relégué à la batterie et au vibraphone. Enregistré à la même époque que les sessions de Bitches Brew, Super Nova (Blue Note, 1969) apparaît influencé par l'œuvre séminale de Miles Davis mais prend aussi ses distances jusqu'à flirter occasionnellement avec le free (Super Nova). Le répertoire comprend aussi une chouette reprise du Dindi d'Antonio Carlos Jobim introduite longuement par un tapis de percussions et chantée par Maria Booker. Enregistré une année plus tard, fin août 1970, son dernier projet pour Blue Note, Odyssey Of Iska, montre le saxophoniste à nouveau en transition, prêt à rejoindre Joe Zawinul et Miroslav Vitous au sein de Weather Report. La musique, qui utilise en plus de percussions une double section rythmique incluant le grand batteur Alphonse Mouzon, annonce ce qui va venir avec des titres "météorologiques" comme Wind, Storm et Calm.

    Excepté une expérience singulière de fusion brésilienne (Native Dancer) parue en 1974, Wayne Shorter ne réapparaîtra en solo que dix années plus tard, à la fin de l'aventure Weather Report, avec un disque ambitieux : Atlantis (Columbia 1985). Enregistré avec des synclaviers et des chanteuses plus le batteur Alex Acuna et le basiste Larry Klein, l'album remporta un certain succès en dépit de son excentricité. Il fut suivi en 1987 par Phantom Navigator (Columbia), cette fois noyé dans un océan de sons électroniques qui le rendent aujourd'hui un peu daté (la superbe composition Mahogany Bird exceptée). On retiendra plutôt son premier album pour Verve sorti une décade plus tard: l'excellent High Life (1995). Produit par Marcus Miller qui joue aussi de la basse électrique et assure la programmation des percussions et avec Rachel Z aux synthés, l'album est une expérience orchestrale moderne et intrigante qui bâtit à la fois sur la fusion sophistiquée de Weather Report et sur les arrangements pop-jazz très singuliers développés par Miller pour l'album Tutu de Miles Davis.
    [ Super Nova ] [ Odyssey Of Iska ] [ Atlantis ]
    [ Phantom Navigator ] [ High Life ]

    Super NovaOdyssey Of IskaAtlantisHigh Life



  14. Renaud Louis-Servais : Epic Circus (Indépendant), France 2015. Second album après Iluna sorti en 2011, Epic Circus étale au grand jour toutes les qualités d'un guitariste qui pour avoir choisi la fusion comme moyen d'expression, se révèle surtout comme un musicien versatile. Adoubé par la compagnie californienne Tom Anderson, Louis-Servais joue quasi exclusivement sur des guitares de cette marque, dont la superbe Drop Top aux couleurs bleues océanes figurant à l'intérieur du livret. Puisant aussi bien dans le prog que dans le métal, le funk, ou le jazz-rock technique d'un Frank Gambale, la musique s'avère un beau creuset de styles tout en évitant la désincarnation et la froideur propres à certaines productions du genre. Certains titres sont bâtis sur des riffs incandescents qui renvoient à Steve Vai ou à Joe Satriani (Zaku Patatu notamment avec son introduction jouée au vocoder par Philippe Saisse) tandis que d'autres groovent sournoisement, portés par la basse vrombissante et volubile d'Henri Dorina (All Minor Blues) qui réalise d'ailleurs une prestation remarquable tout au long du disque. Le titre éponyme, quant à lui, est aussi métallique qu'épique. Bénéficiant de la frappe tellurique du batteur australien Virgil Donati en invité, ce morceau est un véritable jaillissement de lave éructée par un guitariste flamboyant qui n'a rien à rendre ni à Scott Henderson ni à Tony MacAlpine, et qu'on aimerait bien retrouver un jour aux côtés de Derek Sherinian sur une galette de Planet X. C'est aussi Donati qui a concocté l'arrangement ultra serré de Techno City qui donne un sentiment d'urgence urbaine au morceau. Mais tout n'est pas que muscles dans ce répertoire et Renaud Louis-Servais joue également la carte de la séduction d'abord avec un Long Breath atmosphérique sous-tendu par le Fender Rhodes jazzy de Christophe Cravero (Billy Cohbam) et surtout avec The Beauty Of Life, une ballade pleine d'émotion, jouée en solo sur une guitare acoustique à cordes en nylon, qui referme le disque avec douceur et volupté. Témoignant d'un goût certain pour l'hybridation, Epic Circus sait combiner les nuances et climats pour un disque de fusion contrasté à la fois cohérent et original. Une belle carte de visite pour un musicien talentueux dont on attendra désormais avec impatience les futures productions. Recommandé !
    [ Iluna ] [ Epic Circus ] [ Iluna (CD) ] [ Epic Circus (CD) ]
    [ A écouter : Epic Circus - Thème d'Iluna (album Iluna) ]

    Iluna (2011)Epic Circus (2015)



  15. Peter Erskine & the Dr. Um Band : On Call (Fuzzy Music), USA, 6 avril 2018. Le considérant franchement comme un des 10 grands batteurs de fusion, notamment pour sa participation à Weather Report (Night Passage), à Steps Ahead (Steps Ahead et Modern Times) et au trio de John Abercrombie (Current Events), ça faisait un peu trop longtemps à mon goût que Peter Erskine se cantonnait dans un jazz plus classique. Mais, pour la troisième fois sous le nom de Dr. Um (dont le jeu de mots humoristique n'échappera à personne), le voici de retour à ses anciennes amours. Pas vraiment de la fusion agressive mais plutôt une musique ouverte qui, en rappelant aussi bien Weather Report (confer le clin d'oeil de la pochette qui évoque celle de Heavy Weather) que le quintet de Miles Davis, marie acoustique avec électrique et jazz avec groove. On Call inclut un disque en studio et un second live enregistré en Italie. Comprenant en plus d'Erskine, le saxophoniste Bob Sheppard (Chick Corea), le claviériste John Beasley (Miles Davis, John Patitucci) et le virtuose néo-zélandais de la basse électrique Benjamin Shepherd, ce quartet retrouve le plaisir de créer une musique subtile, fraîche et totalement roborative. Quant à Peter Erskine, sa frappe exubérante est un vrai régal à suivre tout du long ... La fusion intelligente, en ce qui me concerne, c'est comme ça qu'on la joue !

    A écouter aussi : Peter Erskine is Dr. Um (Fuzzy Music), 2016 et Second Opinion (Fuzzy Music), 2017

    [ Dr. Um ] [ Second Opinion ] [ On Call ]
    [ A écouter : Hipnotherapy (Live) (album On Call) - Northern Cross (Live) (album On Call) ]

    Peter Erskine is Dr. Um (2016)Second Opinion (2017)On Call (2018)



  16. Terence Blanchard & E-Collective : Live (Capitol Records), USA, 20 avril 2018. Terence Blanchard, trompettiste né en 1962 à La Nouvelle-Orléans, a mené toute sa carrière en tant qu'interprète, compositeur et arrangeur de jazz dans un style post-bop classique, un peu à la manière de son grand ami Wynton Marsalis. Mais en 2015, son album Breathless le présenta de façon inattendue, à l'âge de 53 ans, dans un nouveau contexte de fusion funky et R&B mâtinée d'un zeste de hip-hop. Avec son groupe de jeunes loups constituant le E-Collective, qui inclut les fantastiques Fabian Almazan aux claviers et Charles Altura à la guitare rock électrique, Blanchard est parti en tournée, apparemment animé d'une conscience politique nourrie par la violence croissante née du culte des armes et quelques faits récents liés à la communauté afro-américaine.

    Son nouvel album Live qui vient de sortir sur Blue Note laisse ainsi entendre une musique dense et urbaine, un peu comme si Miles Davis avait continué sur sa lancée à creuser la piste de ses albums funk des années 80. Quant à Blanchard, s'il a changé de veste (au propre comme au figuré), il n'a pas pour autant fait l'impasse sur sa manière sophistiquée et ambitieuse de composer et de jouer. Il y a seulement intégré l'électricité et quelques tropismes actuels. Le résultat est terriblement efficace et, sur scène comme sur disque, on ne se lasse pas de réécouter cette musique intense, viscérale et signifiante.

    [ Breathless ] [ Live ]
    [ A écouter : Terence Blanchard featuring The E-Collective Live at North Sea Jazz Fest 2015 ]

    Terence Blanchard & E-Collective : Breathless (2015)Terence Blanchard & E-Collective : Breathless (2018)



  17. Jan Gunnar Hoff Group feat. Mike Stern (Losen Records), Norvège/USA, 2018. Ce pianiste nous avait déjà fortement impressionné avec l'album Fly North, une petite merveille de jazz cool scandinave enregistrée en 2014 avec Marilyn Mazur, Anders Jormin et Arve Henriksen. Le revoici dans un contexte plus fusionnel en compagnie de l'un des plus grands guitaristes du genre : Mike Stern qui joue ici dans une grande variété de styles, souvent de manière plus tendre que sur ses propres disques. Ainsi, sur des compositions comme Common Ground par exemple, les deux solistes rivalisent de sensibilité et d'élégance. En revanche, quand la tension monte comme sur City Z, les échanges entre le claviériste et le guitariste tournent vite à l'orage.

    La rythmique composée du bassiste Per Mathisen (extraordinaire sur Point Blank) et du batteur Audun Kleive est superlative, fluide sur les morceaux lents et terriblement efficace sur les plus rapides. Jan Gunnar joue du piano acoustique mais passe aussi aux claviers électriques sur plusieurs titres dans une approche plus prog-fusion. Au total, cet album, magnifiquement mixé et produit, séduit par sa fraîcheur et son élégance naturelle. Vivement recommandé aux amateurs de fusion et de prog instrumental mettant en relief les échanges entre guitare et claviers qui touchent souvent au sublime.

    [ Jan Gunnar Hoff Group Featuring Mike Stern ]
    [ A écouter : City Z ]

    Jan Gunnar Hoff Group feat. Mike Stern



  18. Alex Machacek n'est pas encore un nom très connu mais il va vite le devenir. Ce guitariste australien, influencé aussi bien par le hard-rock de Ritchie Blackmore ou de Brian May que par le jazz-rock classique de Mike Stern et John McLaughlin, a une technique immense et sait s'en servir. Il est même parvenu à maîtriser le jeu legato d'un Allan Holdsworth, c'est dire ! Avec son pote, le batteur Terry Bozio, il a enregistré deux disques superbes mais il a aussi joué avec Gary Husband, Marco Minnemann, Eddie Jobson, Virgil Donati et Planet X. McLaughlin, qui s'y connaît un peu, a dit de lui : « la musique d'Alex Machacek commence là où celles des autres s'arrête. »

    [ Alex Machacek featuring Terry Bozzio : (Sic) ] [ Alex Machacek feat. Marco Minnemann : 24 Tales ] [ Gary Husband & Alex Machacek : Now ]
    [ A écouter : Alex Machacek/Marco Minnemann/Chris Buck/ - Alex Machacek/Terry Bozzio/Patrick O'Hearn - Alex Machacek/Matt Garrison/Jeff Sipe ]

    Alex Machacek feat. Terry Bozzio : [SIC] Alex Machacek feat. Marco Minnemann : 24 Tales Gary Husband & Alex Machacek : Now



  19. JP Schlegelmilch, Jonathan Goldberger and Jim Black : Visitors (skirl records), 2018 : entre prog et jazz, ce trio propose une musique au croisement de routes qui conduisent aussi bien à King Crimson (époque Islands) qu'à la fusion glacée d'un Terje Rypdal. Classé par le magazine Rolling Stone dans les 20 meilleurs albums de jazz de 2018, Visitors est une sorte d'aboutissement pour le batteur Jim Black, fer de lance de la scène jazz new-yorkaise contemporaine qui, en matière de composition, a des idées très larges. Ecoutez pour commencer les morceaux Ether Sun (12:56) et Corvus (21:59) de ce concert donné à New-York en 2019. C'est une musique fascinante qui n'est peut-être pas pour toutes les oreilles mais, personnellement, j'y trouve mon compte.

    [ Visitors ]

    JP Schlegelmilch, Jonathan Goldberger and Jim Black : Visitors

  20. Patto (Vertigo), 1970 : Produit avec un son dépouillé et presque live par Muff Winwood, le frère de Stevie (Traffic), le premier album de Patto est un extraordinaire disque conçu à partir d'une base rock mais en intégrant des éléments propres au jazz comme la complexité des thèmes et les improvisations. Le jeune guitariste Peter Ollie Halsall, qui ne jouait de la guitare que depuis trois ans avant d'enregistrer cet album, fait preuve d'une sacrée inventivité et n'hésite pas à se lancer dans de longues jams avec un style fluide et legato qui n'est pas sans évoquer Allan Holdsworth. A l'occasion, il troque la « six cordes » contre un vibraphone, ce qui accentue encore le côté expérimental et varié de la musique. Quant à la voix granuleuse de Mike Patto, elle fait merveille dans ce contexte où les structures progressives, les breaks et les changements de tempo n'excluent pas un côté hard-rock et des chansons dont l'impact est immédiat. Aujourd'hui, Patto s'écoute avec le même intérêt qu'en 1970 et reste, avec Colosseum, l'une des plus belles réussites de l'ancien label Vertigo.

    Tempest (Bronze), 1973 : Un peu similaire à Patto, mais sans la voix de Mike Patto, Tempest, formé par deux musiciens de Colosseum (Jon Hiseman et Mark Clarke), fut un autre groupe britannique de heavy-rock à tendance « fusion ». Le guitariste Ollie Halsall de Patto les rejoindra naturellement plus tard mais sur leur première production, c'est Allan Holdsworth qui prend en charge le département guitare. L'album est loin d'être parfait et la voix de Paul Williams ne plaira pas à tout le monde mais on y trouve quand même de bonnes choses comme, entre autres, Upon Tomorrow, le titre le plus progressif du disque avec un Holdsworth qui se lâche dans un contexte fort différent de ce qu'il fera plus tard sur ses propres albums.

    [ Patto (CD / Digital) ] [ Tempest (CD / Digital) ]

    PattoTempest

  21. Bob Holz : Holz-Stathis - Collaborative (MVD Audio), 2023 : Ceux qui apprécient le jazz-fusion des seventies ne seront certainement pas passé à côté de cet excellent album que le batteur Bob Holtz a sorti en 2023. Les monstres sacrés du genre, comme entre autres John McLaughlin (Mahavishnu Orchestra), Jean-Luc Ponty (Frank Zappa), Darryl Jones (Miles Davis, Steps Ahead), Randy Brecker (Brecker Brothers), et Dean Brown (Marcus Miller, David Sanborn) y ont participé au fil des plages. On trouve au programme douze compositions originales de Holz, Steinway et Brown ainsi qu’une reprise, Make Me Smile, un morceau enregistré à l’origine par Chicago ici rendu dans une interprétation moderne et rafraîchissante. En tant que batteur, Holz a laissé sa marque significative dans le monde du jazz et il élargit ici son amour de la fusion aux rythmes latins en faisant équipe avec le percussionniste brésilien Airto Moreira, Alex Acuna et Joey Heredia. Cet album entérine la réputation de Holz, compositeur et excellent batteur ayant jadis enregistré avec Larry Coryell, Mike Stern, Stanley Clarke et Randy Brecker, ici merveilleusement capté par l’ingénieur du son Dennis Moody, comme étant l’un des grands musiciens du genre "Jazz-Rock / Fusion".

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    Holz-Stathis - Collaborative


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